Mitroupoulos sur le vif


The Art of Dimitri Mitropoulos
Live with the New York Philharmonic
Enregistrements : 1941-1960
19 CD Scribendum Argento SC836
Présenter ce coffret Scribendum plutôt que LA réédition majeure consacrée à Mitropoulos – l’intégrale officielle RCA et Columbia (1939-1958, 69 CD) à Minneapolis et New York – serait-il de la provocation de notre part ? Que nenni. La disponibilité d’exemplaires presse pour ce genre d’objet de collection étant très limitée, nous nous attarderons sur ce complément proposé par le beaucoup plus modeste label anglais, qui ne s’embarrasse jamais d’appareil critique ou de remastering du même niveau il va sans dire, et sans brader ses prix pour autant.
Seulement, pour une fois, rien ne doublonne entre la boîte Sony et celle-ci, Scribendum s’étant limité à des témoignages avec New York sur le vif. Lumineuse idée quand on pense que dans les rééditions Markevitch du début d’année, seuls 3 CD sur 21 chez Scribendum ne faisaient pas double emploi avec les deux coffrets Eloquence, supérieurs à tous points de vue. On trouve même pour une fois un petit feuillet de quatre pages reprenant le tracklist avec les dates d’enregistrement, ce qui est bien pratique même quand l’éditeur propose deux dates possibles pour certaines pièces, jamais le signe d’une grande rigueur éditoriale – pour ne rien dire de l’absence du nom du pianiste (Arthur Rubinstein) dans les Variations symphoniques de Franck.
Y a-t-il donc quelques trésors parmi ces 19 galettes ? Bien évidemment, tant l’art bouillonnant de Mitropoulos, son énergie inépuisable, sa dévotion corps et âme aux partitions sautent aux oreilles, particulièrement en présence de public. Scribendum s’en tient d’ailleurs au répertoire symphonique, délaissant le domaine concertant (à l’exception de la Symphonie espagnole de Lalo). Reste l’épineuse question des prises de son, tant la somme amassée provient de sources disparates, dont les dates ne sauraient offrir la moindre garantie en la matière – le grand écart entre le son excellent du Pelléas de Schoenberg de 1953 et celui, franchement mauvais, de l’ouverture de La Flûte enchantée de 1958.
On trouve ici peu de bandes des années 1940 : suite de L’Oiseau de feu, symphonie de Chausson, Symphonie alpestre, ouverture d’Idoménée et Héroïque assez étroites et très filtrées, où le fourmillement numérique sur les nuances ténues s’estompe dès le mezzo-forte. Sans être la panacée, on a connu pire. La Sinfonia domestica de 1950 n’est guère plus aérée mais s’écoute sans effort conséquent. Reste que le vilain chuintement sur les piani est présent assez souvent aussi dans la dernière décennie du chef grec disparu en novembre 1960.
Les bandes mahlériennes, très correctes, reprennent celles de Music & Arts – sans la Huitième de Salzbourg, et avec la Sixième new yorkaise de 1955 plutôt que celle de 1959 avec la WDR de Cologne. À noter que la Troisième de 1956, pour tenir sur une seule émission radiophonique, est écourtée (avec de douteuses transitions) et chantée en anglais. La Titan, la Cinquième, la Neuvième, l’Adagio de la Dixième proviennent du festival Mahler de 1960 : exécutions grevées de scories mais d’un jusqu’au-boutisme qui prend à la gorge.
Difficile pour le reste de privilégier des interprétations tant l’intensité de la direction marque les partitions au fer rouge. Citons tout de même la frénésie rythmique de la Danse créole de Ginastera, le lyrisme éperdu des deux dernières symphonies de Brahms, une Première de Schumann et de Weber éclatantes, une fantaisie symphonique sur La Femme sans ombre branchée sur une ligne à haute tension, une Passacaille de Webern chauffée à blanc, une seconde Héroïque à Athènes transcendante (mais aux pénibles fluctuations de diapason)…
En l’état actuel du marché, ce coffret qui reprend notamment des bandes As Disc supprimées depuis belle lurette reste un bon moyen d’entendre Mitropoulos sur le vif dans maints témoignages regroupés. En attendant des jours meilleurs…
Contenu détaillé du coffret ici.
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