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SELECTION CD |
03 mai 2024 |
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Drama Eroico in tre atti Armida de Joseph Haydn
Concentus Musicus Wien
Direction : Nikolaus Harnoncourt
Avec Cecilia bartoliu (Armida), Christoph Prégardien (Rinaldo), Patricia Petibon (Zelmira), Oliver Widmer (Idreno), Scot Weir (Ubaldo), Markus Schäfer (Clotarco). .
2 CD Tekdec 8573-81108-2. DDD
L'album qui accueille le disque est déjà à lui seul séduisant : un livre élégant, des photos panoramiques des interprètes, bref, de quoi mettre l'auditeur en condition. Mais l'ouvrage est non moins propre à capter l'attention. Car si le disque a toujours bien servi Haydn symphoniste ou chambriste, l'auteur d'opéras a toujours été scandaleusement négligé.
Pour preuve cette Armida, un chef-d'oeuvre pourtant, plus encore qu'Orfeo ed Euridice ossia l'Anima del filosofo,ou même que le splendide Orlando Paladino, et dont on ne connaissait qu'un seul enregistrement. Pourquoi comparer cette nouvelle version et sa seule rivale, que dirigeait voici plus de vingt ans Antal Dorati, à la tête de l'Orchestre de chambre de Lausanne, et dont Jessye Norman était la star ? Autre temps, autres sons.
Les instruments anciens du Concentus Musicus sont moins affables que leurs prédécesseurs lausannois, modernes, eux, et davantage portés vers les élans romantiques que vers le drame classique. Harnoncourt revisite Haydn sans fards : nervosité du phrasé, variété des couleurs et des nuances, lumières et orages.
En tous points admirable, le travail qu'il impose aux chanteurs sur les récitatifs est d'abord une leçon de théâtre : dans le vaste accompagnato du deuxième acte, " Armida
Oh affano
", Christophe Prégardien, qui exploite à chaque syllabe cet art de diseur qui en a fait un maître du Lied, est époustouflant, et fait oublier que, dans les airs à vocalises il n'est pas exactement dans son élément.
On peut facilement se laisser séduire par le charme et la fraîcheur de Patricia Petibon (dont l'Italien semble pourtant un tantinet exotique), on peut aussi prêter une oreille attentive au Clotarco de Markus Schäfer et, avec davantage d'indulgence, à l'Ubaldo de Scot Weir, mais on s'étonne légitimement devant le timbre si usé d'Oliver Widmer.
Star incontestée, Cecilia Bartoli a pour premier mérite de ne pas jouer les stars. S'il est un reproche qu'on peut lui adresser, c'est de parvenir à une interprétation tellement fouillée qu'elle semble faire un sort à chaque mot, mais avec quel talent. La voix, malgré sa minceur, passe l'orchestre sans heurter le moindre écueil, et s'accorde à celle de ses partenaires ; et le disque ne laisse rien perdre de son grain si particulier.
Dans ses accès de fureur, dans ses élans de tendresse, elle est éblouissante, véritable incarnation de la magicienne telle que Le Tasse aurait pu en faire l'héroïne de sa Jerusalem délivrée. Et Harnoncourt souligne les arêtes vives du drame au point de faire traverser à ses interprètes le miroir qui sépare le théâtre de la vie. Bienheureux les auditeurs des concerts viennois qui sont à l'origine de cet enregistrement.
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Armida de Joseph Haydn | |
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