G. F. Haendel : Rinaldo Avec Vivica Genaux (Rinaldo), Miah Persson (Almirena), Inga Kalna (Armida), James Rutherford (Argante), Lawrence Zazzo (Goffredo), Christophe Dumaux (Eustazio), Dominique Visse (Mago cristiano).
Freiburger Barockorchester
René Jacobs, direction
Pour Decca, David Daniels/Rinaldo et Cecilia Bartoli/Almirena affrontaient un couple de méchants formé par Gerald Finley/Argante et Luba Organosova/Armida, les comparses se nommant notamment Bernarda Fink en Goffredo et Bejun Mehta en mage chrétien.
Enregistré dans la foulée des représentations de Montpellier et d'Innsbruck l'été dernier (avec la mise en scène très discutée du tandem Lowry-Husseinpour), la présente réalisation n'est pas démunie pour autant, disposant en premier lieu de la nouvelle coqueluche internationale en matière de mezzo-soprano/contralto, Vivica Genaux, que René Jacobs emploie très régulièrement depuis plusieurs années. L'identité vocale est bien sûr différente de celle de Daniels : si la voix est longue, si la virtuosité est impressionnante, la chanteuse a du mal à « se lâcher », principalement du fait d'un vibrato serré – le Cara sposa est convaincant, mais Daniels est plus émouvant. L'émotion, c'est du côté de Miah Persson qu'il faut la chercher, voix lumineuse et disciplinée, Almirena à l'expression superbe. Mais c'est aussi Inga Kalna, la grande révélation de ce disque, Armida d'une arrogance vocale remarquable, et supérieure à Luba Orgonasova dans un Ah Crudel d'anthologie : on se souvient que la chanteuse avait littéralement incendié l'Opéra de Montpellier. Grande déception en revanche avec James Rutherford, basse engorgée, à l'intonation trop imprécise pour rendre justice aux vocalises qui lui sont confiées, seul un certain talent de comédien sauvant son Argante de la routine. Belle participation de Lawrence Zazzo – des moyens rares pour un contre-ténor –, Christophe Dumaux et de l'impayable Dominique Visse en Mage chrétien.
On l'a dit, l'enregistrement a bénéficié de la proximité des représentations scéniques, et cela se sent : avec des tempi plus variés – et souvent plus retenus – que ceux de Christopher Hogwood, René Jacobs canalise de main de maître la coulée théâtrale, moins précautionneux en tout cas qu'à Montpellier, où les partis pris icônoclastes semblaient avoir quelque peu perturbé le chef belge. Ici, une attention permanente à la ligne vocale des chanteurs – on n'en attendait pas moins de lui –, avec une humanité plus chaleureuse que la brillance un peu artificielle d'Hogwood. Un continuo particulièrement riche lui permet en outre d'animer efficacement les récitatifs, alors que les cordes du Freiburger, plus affûtées que jamais, servent sans broncher ses intentions.
Au final, moins prestigieux sur le papier que son concurrent Decca, le coffret Harmonia Mundi constitue la version très satisfaisante d'une oeuvre de toute façon trop rare au disque. Nous ne saurions trop conseiller une écoute comparative des deux enregistrements Jacobs/Hogwood, pour une joute passionannte.
| |
|