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SELECTION CD 28 mars 2024

Centenaire Chostakovitch
Discographie comparée :
10e symphonie




29 mai 2006, Association internationale Dimitri Chostakovitch de la Défense. Michel Le Naour, Benjamin Grenard et Yannick Millon se retrouvent pour une table ronde sur la discographie de la 10e symphonie de Chostakovitch. À l'aveugle, treize versions vont être passées au crible
avec quelques surprises en perspective.



Le 29/06/2006
Yannick MILLON
Benjamin GRENARD
Michel LE NAOUR

 

  • SĂ©lection
  • Écoute Ă  l'aveugle : versions n° 1 Ă  7
  • Écoute Ă  l'aveugle : versions n° 8 Ă  13
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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  •  

     Deuxième mouvement

    Version Sanderling





    MLN : On a bien fait de la garder. On y trouve tout ce qu'il faut : tonicité, rythme, caricature, côté sarcastique. Orchestre magnifique et équilibré. Pas de bémol en ce qui me concerne. Comme me disait son fils Stefan lorsqu'il était à l'Orchestre de Rennes : à Léningrad, Sanderling faisait les trois quarts des concerts et Mravinski le dernier quart. Ce qui montre à la fois le degré d'absolu recherché par Mravinski mais aussi la confiance immense qu'il accordait à Sanderling. On comprend tout à fait pourquoi ici !

    YM : Un grand classique. Pas les déchaînements et déflagrations de certaines autres versions, mais vision des plus stimulantes au niveau intellectuel. Tout est à sa place. Tempo un peu retenu qui permet une mise en valeur de certains timbres – superbe caisse claire. Concentration impressionnante, économie de moyens qui fait qu'au moment où cela déborde, comme dans le grand crescendo central, un effet maximal est garanti. Scansion impitoyable.

    BG : Version magnifique tant au niveau orchestral qu'au niveau de la conduite du discours. De plus, extrêmement confortable pour l'écoute. La lenteur permet d'entendre tout. En même temps, ne s'apesantit pas, pulsation interne qui fait que cela avance toujours. Intérêt toujours soutenu, malgré une chute de tension juste avant la fin.



     
    Version Rojdestvenski





    YM : D'emblĂ©e beaucoup plus russe. La conception d'ensemble ne me dĂ©range pas tant que les sonoritĂ©s de l'orchestre, dont les bois font un peu « coin-coin Â», les percussions « boum-boum Â» et les cuivres « pouet-pouet Â». On pense Ă  la Symphonie des jouets de Leopold Mozart. Les cordes ont beau ĂŞtre très engagĂ©es, une certaine nĂ©gligence dans la sonoritĂ© me gĂŞne. Quelques outrances. Au milieu, la scansion des graves est complètement perdue. C'est un peu le bazar, malgrĂ© l'Ă©nergie.

    BG : Je fais le même diagnostic que YM, mais en portant un jugement différent. Version massue, quelquefois très prosaïque, avec des sonorités très appuyées et brutales. Rojdestvenski est un peu coutumier du fait, mais en l'occurrence, ici cela me semble convenir très bien au portrait de Staline, qui présente du coup le dictateur sous un jour peu flatteur. Version somme toute assez réaliste.

    MLN : C'est comme si on avait pris Daumier, pour une caricature poussée à l'extrême. On peut penser que c'est de la part de Rojdestvenski tout à fait délibéré. Finalement, il n'a jamais oublié le Nez, alors que l'on était beaucoup plus dans une grande tradition, classique et symphonique chez Sanderling. Un peu décousu parfois. Timbres souvent sans beauté.

    YM : Le degré de caricature peut selon moi passer par de tout autres moyens, comme l'acuité des sonorités. Ici, j'ai souvent une impression de vulgarité.

    BG : Comme disait MLN, on ne sait pas au fond si Rojdestvenski le fait exprès ou non. Je pense pour ma part que cela n'est pas délibéré, mais que cela tombe très bien dans le cas précis.



     
    Version Jansons





    BG : Vision beaucoup moins « rentre dedans Â». Bel orchestre, nombreux dĂ©tails. Puissant, mais avec beaucoup de souplesse. Très bien menĂ© avec des effets bien rĂ©alisĂ©s. Mais le mouvement reste difficile, car soit on opte pour une version bourrasque comme Rojdestvenski ou Mravinski, soit pour une vision plus personnelle et intellectuelle comme Sanderling. Ici, Jansons n'arrive pas Ă  s'approprier le mouvement aussi bien que les deux chefs prĂ©cĂ©dents. On perd un peu en tension.

    MLN : Orchestre virtuose, mais caractérisation moyenne du mouvement. Bons contrastes, bon tempo, mais le grinçant semble un peu absent. Travail bien fini, mais pas vraiment personnalisé.

    YM : Au contraire, pour moi, cette version réalise presque la quadrature du cercle. La plastique est sensationnelle. Arriver à garder la qualité des couleurs de l'orchestre dans une telle virtuosité reste très rare. Mise en place impeccable. Belle assise des cordes et timbres bien caractérisés – caisse claire, xylophone. On ne se contente pas de beau son, certains accents à la pointe sèche sont très réussis – timbales, cuivres. Côté mécanique qui fonctionne très bien.



     
    Version Mravinski





    MLN : C'est l'enfer sur terre. On voit l'œil d'aigle sur l'orchestre. Les coups de boutoir sont incroyables, et rappellent, toutes proportions gardées, les accélérations de Cziffra jouant les Rhapsodies de Liszt. Danse macabre, mouvement perpétuel dont on ne sortira de toute façon pas indemne. Côté constructiviste. Pas d'acier à un tempo infernal. Réalsation extraordinaire, surtout dans les conditions live, et l'orchestre cette fois tient le coup. Pas de scories.

    YM : Dépasse largement le cadre de la caricature de Staline. Folie furieuse, course à l'abîme, version asolument terroriste. Cauchemar, angoisse hystérique. En raison du tempo très rapide, on perd par contre légèrement en assise rythmique et notamment le sentiment de claustration dans la répétition d'autres versions, notamment de Sanderling. On a l'effet d'un raz-de-marée horizontal, d'une version assez peu verticale finalement.

    BG : Version bourrasque par excellence, la plus authentique, LA version idéale. On est tout de suite dedans, c'est proprement survolté. Véritable portrait au vitriol. La tenue de l'orchestre est sidérante considérant le train où il est mené. D'ailleurs Mravinski triche beaucoup avec la partition en accélérant parfois pour relancer le discours. On trouve une cohérence avec l'instabilité du premier mouvement. Son des cordes à la limite de la rupture.

    MLN : Avec Mravinski, c'est trois mois d'explications, six mois de travail


    YM : Et quatre minutes d'exécution !



     
    Version Haitink





    YM : Chapeau ! Passer derrière Mravinski et faire pareille impression relève déjà de l'exploit. Version qui confirme que le London Philharmonic Orchestra est une phalange particulièrement virtuose. Extraordinaire, ressemble à Jansons en plus habité. On ne manque de rien. Les timbres cruels ressortent très bien. Confort d'écoute idéal.

    BG : Mordant, acéré. Tension continue. Haitink réussit là où Jansons échoue.

    MLN : Haitink atteint la démesure avec le sens de la mesure. Rien à redire.



     
    Version Ancerl





    BG : Après les deux chefs précédents, Ancerl s'en sort très bien aussi. Côté un peu plus excité, plus superficiel au départ, mais sur la longueur, l'effet disparaît. Son tchèque, beaucoup plus fin, moins tendu et moins épais, mais belle lisibilité. Mise en place extraordinaire. Les deux versions précédentes [Mravinski et Haitink] sont peut-être plus authentiques et donc gardent ma préférence, mais je n'ai rien à reprocher.

    MLN : Avec un orchestre hyper virtuose, a choisi de retirer toute graisse. Version roborative, forme de fausse espiéglerie, comme si on avait convoqué les orchestres de la marine, de l'armée. Travail à la pointe sèche, avec un sens de la pulsation assez extraordinaire, qu'on retrouve toujours dans la direction d'Ancerl, des Danses slaves au Sacre du printemps
    en passant par les symphonies de Chostakovitch.

    YM : On est gâté décidément. Très rapide, j'ai craint au départ pour la tenue de l'orchestre. Enormément d'énergie, sentiment de panique, de fuite devant l'envahisseur, saisissants effets de cris des bois, très verts, typiquement tchèques. Le dégraissage est parfois excessif, l'orchestre sonne parfois presque osseux. Mais cordes tourbillonnantes jusqu'à l'ivresse. Je préfère toutefois comme BG légèrement les deux versions précédentes [Mravinski et Haitink].



     
    Version Karajan





    YM : On est un cran en dessous. La finition de Jansons est nettement supérieure. Beaucoup de personnalité dans les cordes, et pourtant, beaucoup de micro-décalages dans les grands accords répétés. Manque de propreté, et couleurs pas assez exploitées – hautbois vilain. Un peu extérieur. On manque de la tension continue qu'on peut trouver ailleurs. À un tel niveau d'excellence, cela ne pardonne pas.

    BG : Je suis d'accord. Par rapport Ă  ce que l'on vient d'entendre, pas assez de vĂ©cu. L'Ă©paisseur du son n'est pas doublĂ©e d'une vĂ©ritable tension interne. C'est un peu « beaucoup de bruit pour rien Â».

    MLN : Illustration d'un mouvement censé être vécu de l'intérieur et qui ne l'est pas. Belle démonstration sonore, pas parfaite il est vrai. On a l'impression qu'ils viennent de répéter la Symphonie classique de Prokofiev. La comparaison Haitink-Karajan va très nettement en défaveur du second. On trouve ici les Préludes de Liszt, le Scherzo de la 9e de Bruckner, mais pas du Chostakovitch.



     
    Version BarshaĂŻ





    BG : Ce n'est pas le type de vision que je préfère. Bonne tenue de l'orchestre mais moins de tension. Certaine distance vis à vis de la partition. Excellente version intermédiaire.

    MLN : Plus de contrôle, donc moins d'investissement. Conception presque manichéenne où les choses tombent avec une espèce de barbarie. Interprétation intéressante qui rend bien l'aspect du totalitarisme.

    YM : Je sens aussi une certaine distance. Accords trop appuyés, pas assez tranchants. Belle mise en valeur de la petite clarinette. Barshaï ne rentre jamais vraiment dans le climat, même s'il l'effleure assez souvent. Orchestre moins rôdé que dans les versions précédentes, mais très acceptable.




    Avant de procéder à de nouveaux abandons, la version Kondrachine est réexaminée à tout hasard.

     
    Version Kondrachine





    YM : On retrouve un interprète typiquement russe. Beaucoup d'originalités, dans le bon comme dans le mauvais sens. Ne se contente pas de lire la partition comme tout le monde. Phrasés étranges, micro-nuances qui fonctionnent parfois, et d'autres fois tiennent du simple effet. La pâte sonore de l'orchestre n'est guère plus policée que celle de Rojdestvenski, même si je préfère celle-ci. Version moins fondamentale que les Ancerl, Haitink et Mra. Très inférieur à ce que fait Kondrachine par exemple dans le troisième mouvement de la 8e symphonie.

    BG : Beaucoup plus intéressant que dans le premier mouvement. Soufflets curieux mais sonorités bien russes. Manque une conception globale, le geste qui engloberait l'ensemble du mouvement. Version sans arche.

    MLN : C'est tout le problème de cette interprétation, faite de petites cellules, mais pas d'une conception d'ensemble. Manière de trancher dans le vif reste impressionnante.




    Nouvelle délibération pour choisir les versions à abandonner :

    Karajan fait l'unanimité pour cet abandon. La version Barshaï a également connu trop peu de faveurs pour être maintenue. Elle est donc éliminée.

    BG propose alors d'Ă©vincer Jansons, alors que YM prĂ©fererait abandonner Rojdestvenski, que la caricature « au gros pinceau, voire Ă  la truelle mais en rien au vitriol Â», n'emballe vraiment pas. Suite Ă  ce dĂ©saccord et Ă  la neutralitĂ© de MLN, les deux versions sont maintenues.

    Enfin, le repêchage de Kondrachine n'a finalement en rien modifié une volonté commune de ne pas en continuer l'audition.

    Sont maintenues pour le dernier round, consacré aux deux derniers mouvements, les versions Sanderling, Rojdestvenski, Jansons, Mravinski, Haitink, et Ancerl.

     

     

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