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SELECTION CD 28 mars 2024

Centenaire Chostakovitch
Discographie comparée :
8e quatuor à cordes




27 octobre 2006, dans les nouveaux locaux de l'Association internationale Dimitri Chostakovitch, au 19 bis rue des Saints Pères dans le 6e arrondissement de Paris. Michel Le Naour, Benjamin Grenard et Yannick Millon poursuivent leur exploration discographique chostakovienne. Après la 10e symphonie, tour d'horizon des grandes versions du 8e quatuor à cordes.


Le 29/05/2007
Yannick MILLON
Benjamin GRENARD
Michel LE NAOUR

 

  • Sélection
  • Écoute en aveugle : versions n° 1 à 6
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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


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     Les deux derniers mouvements

    Quatuor Beethoven





    MLN : On comprend mieux pourquoi ce quatuor a pu créer les quatuors de Chostakovitch. Il y a une dimension spirituelle, qui dépasse le côté purement musical et technique. La tension, l'angoisse, tout y est. On a une forme de quadrature du cercle, une vision complètement aboutie. Sur le plan de l'esprit, cela me satisfait pleinement. Une version qui prend à la gorge.

    BG : Je suis d'accord, ce qui pouvait gêner dans les trois premiers mouvements a tout a fait disparu. Au lieu de scansion, on a quasiment des raclures. On retrouve bien la manière spécifique du Quatuor Beethoven, son lyrisme exacerbé, notamment sur le climax, d'une expressivité à fleur de peau. On retrouve presque la démesure de leur lecture du 3e quatuor. Silences consistants, habités, avec toujours un désir d'individualité frappant. Tradition de jeu classique, avec un premier violon prédominant, presque soliste. L'alto de Borisovski a beaucoup de plénitude et de chaleur. C'est un peu l'anti-Borodine : non pas l'homogénéité et la cohésion, mais un jet beaucoup plus spontané. Une tradition vraiment spirituelle de cette musique.

    YM : Vision très humaine, notamment la fin, qui meurt très bien. Je suis plus réservé quant aux accents du IV, pas du tout conformes à ce qui est écrit dans la partition. Mais après tout, le maître était là pendant l'enregistrement ! Belle tension sur le climax. Ce sont toujours les caractéristiques sonores qui me chiffonnent – le portamento dès qu'un intervalle dépasse la tierce. C'est une époque, sauf que le Quatuor Beethoven sonne en Russie dans les années 1960 comme sonnaient les quatuors en Europe de l'ouest dans les années 1930 !


     
    Quatuor Danel





    BG : Voilà la combinaison idéale entre les Borodine et les Beethoven. Exigence d'homogénéité et de cohésion dans la continuité des Borodine et démesure expressive dans la lignée des Beethoven. Je pense notamment au sidérant contrepoint à coups de pioche du premier violon sur les autres cordes sur le climax. Magnifique solo de violoncelle également sur la citation de Lady Macbeth, d'une fragilité, d'une innocence, et joué d'une manière presque baroque. Sensation d'entendre un orgue sur les notes tenues de la fin. C'est admirable !

    YM : Ambiance raréfiée. Dans le IV, les plans sont très nets. Premier fortissimo moins prenant que chez les Beethoven, moins brutal. Magnifique chant de violon qui plane, solo de violoncelle complètement irréel, à la manière de la viole de gambe. Et toujours ce vibrato minimal dans les tenues permettant une perception maximale de la polyphonie. Tempo et avancée constamment relancées dans la lenteur du V, on atteint progressivement l'impalpable, et le bourdonnement des quintes à vide à la fin, à la manière d'un orgue de barbarie, évoque génialement le Leiermann de Schubert.

    MLN : Le Quatuor Danel s'inscrit dans une tradition, à la fois celle des quatuors (formations) russes, mais aussi celle des quatuors (oeuvres) beethovéniens. On comprend mieux ce qui relie Beethoven à Chostakovitch, et en quoi on peut considérer que Chostakovitch est une forme de Beethoven du XXe siècle. On retrouve une ampleur, une générosité sonore, un engagement, mais aussi un dépouillement remarquables. On sent la grande connaissance de l'oeuvre chostakovien, ne serait-ce que par ce qu'ils ont appris auprès du Quatuor Beethoven et du Quatuor Borodine avec lesquels ils ont travaillé. Ils se différencient toutefois selon moi nettement des Beethoven, qui sont issus d'une tradition de quatuor du XIXe siècle.


     
    Quatuor Borodine (Virgin)





    YM : Que dire ? C'est tout ce qu'on peut attendre de cette partition. Pour faire le jeu des comparaisons, la tension du climax n'est pas la même que chez les Danel : c'est plus lyrique, mais bien aussi tendu. Le chant du violon est plus incarné, plus à la russe. Tout fonctionne, on a l'impression d'entendre le texte musical tel qu'il devrait toujours sonner. Au chiffre 70, l'ambiance feutrée est admirable, dosée à la perfection. Les mots sont incapables de traduire ce qu'on entend là. La perfection faite quatuor !

    MLN : On a peut-être encore davantage le sentiment terrible d'un gouffre amer. Il n'y a plus d'espoir, et au niveau instrumental pur, c'est aussi d'une totale cohésion, d'une intériorité, d'une maîtrise absolue de tous les paramètres. Cela confirme ce qu'on savait déjà, mais il fallait le réentendre pour pouvoir le redire !

    BG : C'est tout simplement admirable. On retrouve bien la manière des Borodine, un son plus fin, plus tendu et beaucoup plus de nervosité, avec une relation au timbre privilégiée. Chez les Danel, c'est l'impact qui l'emportait, ici, c'est la couleur. Dans le son des Borodine, on a la fois des couleurs chaudes et acides, et pourtant, cette version glace littéralement. Le solo de violoncelle est plus intégré à la polyphonie, moins soliste.


     
    Quatuor Kronos





    BG : Vision qui reste intéressante, même si l'originalité paie moins que dans les mouvements précédents. Le tempo du IV est beaucoup trop rapide, ce qui donne un côté superficiel, et fait perdre en pesanteur et en impact, tout comme au chiffre 70, la dernière exposition du motif générateur du premier mouvement (DSCH = ré mib do si) perd une bonne partie de son intérêt. Malgré des idées intéressantes, version beaucoup moins aboutie que les Danel ou les Borodine.

    YM : Je ne pense pas que le tempo du IV soit trop rapide. Les Kronos sont justement pile à 138 à la noire, c'est la tradition qui donne cette impression de précipitation. Mais la version reste étrange, sans tension dans l'accompagnement du climax. On a affaire à une vision vidée de substance, abstraite, atomisée, destructurée comme une installation d'art contemporain. En même temps, après les Danel et Borodine, comment une version aussi hors catégorie peut-elle ne pas paraître extérieure, attachée à l'effet ? Le plus réussi reste bien les passages raréfiés, d'un autisme suffocant et fascinant.

    MLN : On a bien fait de la garder, car elle a quelque chose à dire. Ce n'est ni le même style, ni le même esprit. J'avais presque le sentiment de me trouver dans le mouvement lent du 15e quatuor de Beethoven, celui en mode lydien. Au lieu de l'angoisse et l'abîme, on sent plus le réconfort possible : le fameux retour à la vie après une longue maladie. Beaucoup plus d'artifice évidemment, mais quand même une sensation minérale, comme de l'uranium enrichi. Ce paysage glacé, désertique, donne quelque chose de très contemporain qui reste intéressant.


     
    Quatuor Emerson





    YM : Une version qui a le derrière entre deux chaises. Ne va pas assez loin dans l'humanité ni dans l'abstraction contemporaine. Impression d'inaboutissement. Dommage, car dans le IV, j'aime assez la sécheresse, la pugnacité, voire la férocité du discours. Encore une fois, vilains portamenti au premier violon. La fin n'est pas vraiment bouleversante.

    MLN : Plus de travail sur la sonorité, la densité du son que sur l'esprit ou la construction de l'oeuvre. Forcément décevant. On est plus dans les paysages à la Barber qu'à la Chostakovitch. Cela sonne très bien, il y a parfois même un gonflement karajanesque du son, et on peut penser par moments aux quatuors post-brahmsiens, à la Nuit transfigurée, par moments à Borodine ou au Quatuor américain de Dvořák. Ce n'est pas vraiment la tradition et cela me laisse sur ma faim.

    BG : Je rejoins vos commentaires. Version agréable à l'écoute mais qui finalement ne parle pas beaucoup. Moins indispensable que les versions précédentes, notamment dans un IV prosaïque, qui fait perdre à l'ensemble beaucoup d'éclat.


     
    Quatuor Borodine (Melodiya)





    MLN : Très critiqué quand il dirigeait le mouvement lent des Rêves d'hiver de Tchaïkovski, Rostropovitch avait déclaré : « moi, je sais ce que c'est que d'entendre tomber la neige en Russie Â». C'est tout à fait cela ici. Le temps et l'espace se rejoignent. Version qui confirme que le silence dans la musique de Chostakovitch est aussi fort et musical que chez Beethoven. Les Borodine sont les seuls à rendre autant justice à cet aspect. On est dans le drame total, sans jamais le moindre relâchement.

    BG : Dans la continuité, stylistique et non chronologique, de la plus tardive version Virgin. Toujours la même excellence. Grande maîtrise des ambiances, de la gestion du temps, et une science du timbre à nulle autre pareille. Les dissonances non vibrées à la fin ouvrent un abîme. Cohésion sonore globale telle qu'on en perd presque l'identification des timbres – le violoncelle dans l'aigu.

    YM : Authentiquement russe. Climax vécu plus comme une plainte déchirante que comme un combat. Beaucoup moins d'attaque mais un son plus entretenu, un côté plus morbide. Mélodie populaire du violon au chiffre 58 toute de nostalgie, avec cette sonorité pleine de givre absolument magnifique. Dans le V, on sent planer, contrairement à d'autres versions, une inquiétude, une sourde angoisse tout du long, qui a du mal à s'évaporer et à laisser la place à la sérénité. Admirable !


     
    Quatuor Taneiev





    BG : La tradition russe et l'esprit sont respectés. Le IV est râpeux, prenant, et avance bien. Le V est un peu expédié, c'est finalement une autre énergie. Toute comparaison mise à part, bonne version, qui privilégie l'authenticité à l'originalité.

    YM : Toujours un problème de prise de son, sale et opaque. Même au niveau purement musical, on décroche vite. On est loin de la modernité dans l'approche du vibrato des Borodine. Pas de variété des modes de jeu, donc climats peu contrastés. Solo de violoncelle plus tchaïkovskien que chostakovien. Violon qui a tendance à bêler en fin de note. Fin un peu expédiée et prosaïque.

    MLN : Je ne suis pas vraiment emballé non plus. Version un bon cran en dessous en effet, même si une forme de lyrisme prévaut par rapport à la violence sous-jacente. Manque constamment de la tension nécessaire, donc l'oreille vagabonde plus facilement. Violoncelle effectivement pas magnifique, qui commet certains impairs. Assez proche de l'esprit, mais certainement pas au sommet.




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