Richard Strauss (1864-1949)
Quatre derniers Lieder
Scène finale de Salomé
Scène finale de Capriccio
Nina Stemme, soprano
Orchestre de l'Opéra Royal de Covent Garden
direction : Antonio Pappano
1 CD EMI 3 78797 2
Nina Stemme a le vent en poupe. De Wagner à Verdi, en passant par Strauss, on la retrouve un peu partout, là où l'on pense que sa grande voix est adéquate. Mais attention, de là à en faire la nouvelle Birgit Nilsson, comme la rumeur tend à s'étendre, il y a plus d'un pas. Restons calme ! Nilsson avait une voix immense, colossale, capable de franchir n'importe quel orchestre sur toute la tessiture, jusqu'au redoutable contre-ut de Turandot lancé comme par jeu, une voix parfaitement stable sans être droite, non dénuée d'une certaine froideur mais capable aussi d'émotion, sinon de sensualité.
Nina Stemme a une voix assez vaste de grand soprano lyrique, pas vraiment de soprano dramatique. La seule représentante de cette catégorie en voie de disparition restant la Polaski, même dans ses mauvais jours. Il ne faut pas tout mélanger. Une Stemme n'a rien à voir avec une Varnay, ni une Rysanek non plus, cette dernière, avec des moyens bien plus importants que n'importe quelle cantatrice actuelle, n'ayant, rappelons-le, jamais osé aborder ni Isolde ni Brünnhilde. Alors, les nécessités de la promotion ne seraient-elles pas en train de jouer à Nina Stemme le même tour qu'à Cheryl Studer voilà quelques années ? Mise absolument à toutes les sauces, du plus léger au plus lourd, la malheureuse finit par se retrouver hors circuit, à force de vouloir être hors normes.
Dans ce disque Strauss, la soprano suédoise ne paraît vraiment adéquate nulle part. La scène finale de Salomé devrait convenir à sa voix, qui est puissante, même si elle ne l'est pas autant qu'on le dit, mais un vibrato serré quasi permanent donne une impression d'effort et achève de desservir un timbre très monochrome, uniforme, dans une interprétation dépourvue d'engagement dramatique.
Sans seulement faire référence aux grandes interprètes du rôle, on serait tenté de dire que même Cheryl Studer était plus à l'aise dans ce déchaînement de passion morbide. Cette absence de sensualité et une certaine manière de tout chanter sans paraître s'apercevoir que les mots ne disent pas la même chose et la musique non plus, nuit encore plus aux Quatre derniers Lieder, aux antipodes des grandes interprétations laissées par Schwarzkopf, Jurinac ou Della Casa. Quant à la scène finale de Capriccio, indifférente elle aussi, elle manque de charme, d'élégance et de tout ce contexte intellectuel que les grandes Viennoises savaient si bien faire passer ou que Renée Fleming nous donne aussi sur scène.
Une belle voix, Nina Stemme ? Sans aucun doute. Mais cela n'est pas suffisant, même avec une puissance qui impressionne en des temps où les voix d'opérette passent pour de grands lyriques, car pour l'instant, beaucoup de preuves lui restent à faire pour être proclamée le grand soprano dramatique du XXIe siècle. C'est simple justice pour celles qui ont pu vraiment assumer cet emploi à la hauteur de ses exigences.
La direction d'Antonio Pappano, souvent bruyante plus que subtile, n'est pas ce que le chef nous a livré de plus convaincant non plus. Un disque franchement décevant.
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