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SELECTION CD 25 avril 2024

Cinquantenaire Sibelius
Discographie comparée :
Deuxième Symphonie




5 novembre 2007, loin de Paris. Pour faire écho aux célébrations de la salle Pleyel, Michel Le Naour, Benjamin Grenard et Yannick Millon tiennent à rendre hommage en une table ronde sur la Deuxième Symphonie au grand oublié de 2007 : Jean Sibelius. Le hasard veut que cette discographie comparée fasse émerger un autre oublié de cette année, disparu en 1957 comme le compositeur finlandais.



Le 16/11/2007
Yannick MILLON
Benjamin GRENARD
Michel LE NAOUR

 

  • Sélection
  • Écoute en aveugle (versions n° 1 à 3 (mono))
  • Écoute en aveugle (versions n° 4 à 9)
  • Écoute en aveugle (versions n° 10 à 18)
  • Scherzo
  • Finale
  • Palmarès
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     Finale

    Version Toscanini




    MLN : Quand on oublie qu'on a entendu des versions enregistrées plus récemment, on tombe par terre ! Vision portée par un véritable souffle, génialement démesurée de puissance, de densité. On est ici dans la véritable épopée, et comme Sibelius est parmi les grands compositeurs épiques de l'Histoire de la musique, on a affaire à un véritable aboutissement. On n'en sort pas indemne.

    BG : Je suis à la fois complètement fasciné et un peu réservé. Si j'écoute ce que me dit mon corps, j'adhère complètement, mais il y a aussi quelques détails qui me font légèrement tiquer. Vision surdramatisée et finalement encore très romantique. Côté lyrique, très chanté, qui tire son jus en permanence des lignes mélodiques. Tension phénoménale, beaucoup d'urgence, une certaine rigueur, voire une certaine raideur à la fin, qui sent son XIXe siècle. Version hors normes et conquérante, plus entre Wagner et Brahms que typiquement sibélienne, mais vraiment exceptionnelle.

    YM : Je trouve au contraire cette version très sibélienne au sens où la 2e symphonie est un manifeste romantico-nationaliste. Quant au cadre romantique : Toscanini est né deux ans après Sibelius, le compositeur et lui ont grandi dans le même monde et la même époque – ils mourront d'ailleurs la même année. Quant au cadre nationaliste, il est justement celui de l'émergence des écoles nationales qui date bien du XIXe siècle, et Toscanini, qui était à la fois un humaniste sans frontières et le fils d'un acteur du Risorgimento italien, ne pouvait que comprendre et ressentir dans sa chair la volonté d'unification et d'affirmation de la nation finlandaise face à la toute puissante Russie.

    Il ne faut pas oublier non plus les circonstances de ce live de décembre 1940 : un acte musical de résistance à l'oppresseur ne pouvait que déchaîner Toscanini, comme la 7e symphonie de Chostakovitch dont il assurera la création américaine en juillet 1942 le transcendera dans son message anti-nazi.

    Ce qui est étonnant ici, c'est le renversement des données : l'oeuvre est censée affirmer l'existence de la Finlande face à la Russie, et justement pour cette raison, la Finlande a fait le mauvais choix de s'allier aux Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, et donc l'ennemi de Toscanini n'est plus celui de Sibelius ! Mais peu importe, tout est dans l'ardeur du message.

    Même au niveau purement musical, ce chant de résistance s'avère sans concurrence : par l'engagement poignant des mélodies, par le lyrisme éperdu des cordes, par la montée en puissance dans un crescendo inexorable, sans une seconde de relâchement, par le souffle épique, enfin par la péroraison qui dresse les cheveux sur la tête, avec sa pulsation de timbales et ses trompettes d'un éclat surhumain. Pour moi, c'est vraiment la quintessence de cette musique.



     
    Version Beecham




    BG : Très ample et romantique, moins martial, même si le temps musical est aussi cadenassé que chez Toscanini. Peut-être un peu plus respectueux de la notion d'espace sibélien tel que je l'imagine. Dans les cordes, il y a beaucoup d'amour et de passion, on est très dans l'affect. Mais pour moi, dans l'ensemble, l'espace n'est pas assez épanoui non plus.

    YM : Moment de concert qui devait être absolument grisant en salle, mais sans la probité, l'intégrité de Toscanini. Discours souvent confus mais intuitions fracassantes, moments improvisés à donner à la chair de poule, cris de bête du chef qui participent à l'ambiance de délire sonore, d'hystérie. Mais manque vraiment de canalisation, part en tous sens parfois à la manière de Stokowski, avec un brin de vulgarité. La coda fait vraiment Pomp and Circumstance.

    MLN : Moins impressionnant que Toscanini. J'ai un peu l'impression de me retrouver aux Proms. On sent bien que c'est Beecham qui a réorchestré le Messie de Haendel, et on sent également ici un Sibelius revu et corrigé – sans intervention directe sur le texte musical – à travers toute la tradition de la couronne britannique. Une version géniale, plus libre, mais avec un désordre réel et un certain relâchement.



     
    Version Maazel




    YM : Reste bien dans le cadre de la partition. Chante divinement, avec des demi-tons un rien insistants au tuba. Très voire trop propre, grande péroraison aux trompettes qui décolle moins. Plus wagnérien ou straussien. Toujours lisible, jamais outré. Au début de la montée finale, le brève-longue des cuivres et des timbales est formidablement scandé. Mais on reste dans la lecture de texte tout de même.

    MLN : Sans en ressortir bouleversé, on en a quand même plein la tête. Alors qu'avec des interprétations plus signées comme celles de Toscanini et Beecham, on oubliait les influences, on n'oublie pas ici toutes les références : Tchaïkovski, Strauss etc. Une version quasi parfaite au niveau factuel, avec un orchestre sublime, mais qui n'émeut pas outre mesure.

    BG : Très belle version, très équilibrée, très intègre, mais après les deux versions précédentes, l'engagement est beaucoup moins évident. On trouve largement de quoi contenter l'amateur sibélien, et l'orchestre est vraiment exceptionnel – les timbales, la beauté des cuivres. La version occidentale idéale pour un premier contact.



     
    Version Bernstein II




    MLN : Version historique avec tout le confort moderne. Au-delà, il ne peut arriver que la Guerre des étoiles ! Véritable déflagration. Toutes choses n'étant pas égales par ailleurs, on retrouve des éléments de Toscanini. En plus de cela, on dispose de la Philharmonie de Vienne. Presque une version impudique tant le discours est hyper expressif et éruptif, tout en restant toujours très contrôlé. On se situe sur des sommets interprétatifs.

    BG : Un tuba un peu trop présent a tendance à alourdir la masse orchestrale, quelques épanchements mais une démesure toujours canalisée et parfaitement assumée. Orchestre magnifique, un peu énorme, des coups de timbales admirables, et surtout, la péroraison, puissance extraordinaire d'une machine impossible à arrêter, avec le moins de tension possible : ce que je trouve éminemment sibélien. Un espace s'ouvre, avec une respiration gigantesque. Le dernier accord est un peu long tout de même, mais après une telle aventure !

    YM : On peut refuser en bloc cette version quasi celibidachienne. Selon les jours ou l'humeur, on peut trouver le début hors du temps et génialement lent ou complètement amorphe, mais ce Finale émerge des profondeurs vers le ciel. Cordes souvent traitées d'une manière tchaïkovskienne. On assiste au détachement de la banquise tout entière. Decrescendo très triste et vraie angoisse avant la dernière montée. Ampleur cosmique de la péroraison, grandes orgues, mais beaucoup de sérénité. Fin libérée de toute tension, comme dans la 3e symphonie de Mahler. Et comme dirait Gurnemanz dans Parsifal : « ici, le temps rejoint l'espace ! Â»



     
    Version Segerstam




    BG : Version magnifique, avec une liberté extraordinaire dans la coda. Segerstam a la grande classe d'en garder sous la semelle jusqu'au tout dernier thème. Espace qui s'épanouit sans tension, grand appel mystique vers l'infini. La musique continue au-delà du dernier accord. Moins tellurique, mais plus céleste que chez Bernstein, avec une quiétude très apaisante.

    YM : Très étonnant et déroutant, prend le contre-pied de la tradition, mais on ne peut plus accompli. La coda est tout sauf brillante, on a affaire ici à une apothéose dans la prière, apaisée, à la portée mystique, tout en retenue, en économie, qui lâche la bride à la toute fin, et provoque un effet maximal. Une version d'ascèse fascinante et éminemment originale, qui plane très haut.

    MLN : C'est l'espace-temps, tout simplement ! Chez Segerstam, on a l'implicite et l'explicite, on est à la fois dans une retenue et dans une expressivité très grandes. C'est aussi une forme de quadrature du cercle. Une superbe version d'approfondissement, marginale, tout là-haut dans les étoiles.




    Après un petit quart d'heure de discussions, le palmarès Altamusica de la discographie comparée de la 2e symphonie de Sibelius est établi, en tenant compte des détails comme de la vision d'ensemble des versions analysées. Aucun désaccord à l'issue des délibérations entre MLN, BG et YM. Les versions sont classées, au sein même de la notation Altamusica, par ordre de préférence.

    Le grand vainqueur est Arturo Toscanini, l'autre grand oublié de cette année 2007, disparu comme Sibelius il y a cinquante ans.


     

     

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