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SELECTION CD 29 mars 2024

Centenaire Messiaen
Discographie comparée :
Turangalîla-Symphonie




11 décembre 2008. Loin de l'agitation de la capitale, dans une contrée enneigée, Yannick MILLON, Laurent VILAREM et Thomas COUBRONNE se retrouvent pour une table ronde destinée à y voir plus clair, en cette année anniversaire, sur le plus célèbre ouvrage d'Olivier Messiaen, la Turangalîla-Symphonie. Une discographie comparée qui ne sera pas une mince affaire, notamment en raison de divergences d'opinion assez marquées...


Le 29/12/2008
Yannick MILLON
Laurent VILAREM
Thomas COUBRONNE

 

  • SĂ©lection
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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


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     Premier tour en aveugle

    Version n° 1 [Previn]




    YM : Belle mise en valeur des timbres, côté très détaillé de la lecture orchestrale, notamment au niveau de la petite percussion. Belle ampleur de la prise de son, cuivres graves somptueux. Version ample, presque lente, avec un orchestre de premier ordre. Après ThF, côté hypnotique bien géré.

    LV : ThS imperturbable, lecture saignante dans l’ensemble. A le mérite d’être précis et très énergique à la fois. Vents très nerveux. J’aime beaucoup.

    TC : Version brute, noire, posée, avec quelque chose de fort, beaucoup de poids, une excellente rythmicité. Côté nerveux malgré une certaine lourdeur, dans le bon sens du terme.




     
    Version n° 2 [Chung]




    YM : J’aime les couleurs claires, très françaises, avec une pâte sonore aĂ©rĂ©e et très lumineuse. Beaucoup plus vif que la version prĂ©cĂ©dente mais je suis gĂŞnĂ© par le cĂ´tĂ© mou de l’ensemble, pas assez tenu de la part du chef. Rythmique très lâche, manque de carcan, d’austĂ©ritĂ©, de sĂ©vĂ©ritĂ©. Beaucoup de charme dans ce « fouillis d’étoiles Â», mais peu de poigne.

    LV : Une version plus épaisse, qui cherche beaucoup la narration, l’articulation au détriment de la tension dramatique. Au risque de dire une bêtise, je trouve cela un peu empesé et monolithique.

    YM : Je m’excuse d’intervenir de nouveau, mais c’est à mon avis exactement l’inverse, cette version est justement beaucoup moins épaisse que la précédente, elle fait preuve de beaucoup plus de finesse. C’est pour moi l’opposé d’une version empesée et monolithique.

    TC : Je vais essayer de vous mettre d’accord. Ce qui me paraît très différent ici est que la pâte orchestrale est construite sur la percussion, sur le gamelan, ce qui est très messianesque à mon avis. Ce sont les métaux, les cymbales, les claviers qui constituent l’essence même de l’orchestre. Ce qui donne à la fois un côté lumineux, mais aussi un peu compact, moins défini et anguleux. J’aime en tout cas beaucoup cette clarté ravélienne, très française. Mais on peut regretter la mollesse ambiante, et notamment du ThS, beaucoup trop rond.




     
    Version n° 3 [Wit]




    LV : Prise de son plus définie. Version rapide, qui prend assise sur les cordes. C’est plutôt cette version là que je trouve française. Cuivres bien mis en valeur. Il y a quelque chose comme de l’hystérie, une acuité de cri féminin que j’aime beaucoup. Multitude de détails. Un peu désarticulé par moments. Pâte assez légère, transparente.

    TC : En effet moins articulĂ©. Variable selon les Ă©pisodes : Intro sous nuancĂ©e et qui s’essouffle, ThS anodin, mais interventions du piano excellentes, avec une plĂ©iade de dĂ©tails Ă  entendre. Par contre, je suis en dĂ©saccord avec LV sur le qualificatif « français Â», notamment juste après la version n° 2 [Chung], qui l’était beaucoup plus Ă  mon sens.

    YM : On retrouve nettement plus la version n° 1 [Previn] que la version n° 2 [Chung]. Angles bien saillants, belle nervosité, cordes très tranchantes et admirablement engagées, un superbe violoncelle solo dans l’épisode apaisé. Mais passages trop sages : ThS effectivement sous-nuancé, on n’entend pas le fortississimo indiqué. Phrasés moins précis. Je rejoins TC dans son appréciation du côté français, que je ne ressens absolument pas ici.

    TC : Peut-ĂŞtre serait-il utile de prĂ©ciser ce que l’on entend par « français Â» dès maintenant, afin d’être sĂ»r de bien Ă©voquer la mĂŞme chose ? Qu’entendez-vous par « français Â» au juste ?

    YM : Pour moi, « français Â», c’est une lĂ©gèretĂ© de touche, une clartĂ© de couleurs franches et fines qui Ă©taient typiques des annĂ©es 1950, l’époque des Debussy et des Ravel d’Ansermet, d’Inghelbrecht, de Martinon…

    LV : Pour moi, c’est plutĂ´t le cĂ´tĂ© analytique et très dĂ©taillĂ© d’un Boulez que m’évoque l’adjectif « français Â».

    TC : Je penche plutĂ´t du cĂ´tĂ© de YM, car le cĂ´tĂ© analytique de Boulez qui dirige Cleveland ou Chicago, aussi dĂ©taillĂ© soit-il, ne sonne pas très « français Â» pour moi non plus.




     
    Version n° 4 [Janowski]




    TC : On est dans la brutalité, l’expressionnisme presque, ça cogne, ça tranche. L’Intro est à mon avis la plus réussie. Mais tout reste construit et on dépasse la simple lecture du texte. Cela risque d’être too much si cela continue comme ça tout du long, mais pour l’instant, il y a un engagement, un sens dramatique et interprétatif magistraux. Approche sans doute pas la plus moderne dans son esthétique, mais j’aime les couleurs perçantes et l’ambiance échevelée.

    YM : Je rejoins TC même si je trouve cette version justement assez moderne, au sens stravinskien, il y a un côté Sacre du printemps qui me plaît énormément. Presque atmosphère cubiste, d’affrontement de blocs sonores. Cela déménage en tout cas ! Le chef fonctionne par gifles sonores, avec des coups de cymbales vraiment cinglants. Rythmiquement, le petit côté psychorigide n’est pas non plus pour me déplaire. Sons coupés net, mais l’âpreté ne suscite ici pour moi jamais l’horreur.

    LV : Très intéressant. Version rapide qui peut prendre par le col, qui frôle parfois le kitsch dans l’hystérie. Très moderne pour moi aussi, juxtapose sans articuler, bien à la manière habituelle de Messiaen, par blocs de sons. Ne cherche jamais la transition : ThS puis ThF sans liant. Piano mis très en avant. Extrêmement saillant. Reste à voir si l’uniformité s’installera ou non par la suite.




     
    Version n° 5 [Salonen]




    YM : Passée la bonne surprise du tout début, qui ressemblerait un peu à la version n° 4 [Janowski], il y a ici tout ce que je n’aime pas : ThS mou, accentué sur les seules notes aiguës, pâte sonore boueuse et poussive. On n’en voit pas le bout, répétitions vite insupportables. Piano scolaire dans les trilles, pauvre en couleurs ailleurs. Version poseuse, qui ronronne gentiment. Dans les épisodes raréfiés, la manière de distendre le temps a quelque chose du zen, mais c’est bien le seul élément à retenir.

    LV : Je suis tout à fait d’accord. Version molle et bourgeoise, cuivres heureux d’être là, ambiance entre le gentil concerto pour orchestre et Pierre et le loup. Très épais, peu de détails, aucune tension. Traits de solistes qui s’écoutent un peu. ThF qui s’appesantit, piano presque digne d’un concerto romantique. Accroché à je ne sais quelle tradition. L’inverse de la modernité pour moi.

    TC : Effectivement, côté poseur et traditionnel. Impression de musique tonale avec des tensions-détentes bien classiques. Contrairement à YM et LV, j’ai bien aimé le ThF, et retiens l’idée du côté zen de certaines prises de temps qui m’interpellent. Mais l’ensemble est bien décevant, avec notamment un ThS qui colle et qui traîne.




     
    Version n° 6 [Rattle]




    LV : Je n’aime pas. C’est empesé, l’impression initiale de jaillissement se disperse très vite. Le chef a l’air de changer d’opinion sur l’œuvre toutes les mesures. Peu fouillé, un peu endormi. Une version qui cherche tout et son contraire et ne va pas bien loin, en laissant l’auditeur sur le bord de la route.

    TC : C’est effectivement dirigé au kilomètre, avec un effet par-ci par-là, et le chef vise les endroits où mettre en valeur un élément original, choisi de manière arbitraire et disproportionnée. Pianiste drôle par son hystérie sur son premier trille.

    YM : Je n’accroche pas du tout non plus. Mises en avant de détails au gré de l’inspiration du moment. Piano ridicule en marteau piqueur, ondes noyées dans la masse. Orchestre rond et très bien sonnant, cuivres rutilants, mais aucune couleur, le chef brasse dans le vide. ThF sans odeur, et quatre coups de fouet terminaux en forme d’éternuement canin absolument ridicule !




     
    Version n° 7 [Chailly]




    TC : Voilà une version inspirée, qui restitue la partition à son meilleur, et avec un engagement personnel très probant. À la fois littéral, avec une attention aux nuances et aux accents précise, et en même temps de l’énergie, de la fulgurance, du nerf. ThS impressionnant par son accompagnement même si manque encore un peu de scansion, mais dernier énoncé avec la doublure absolument remarquable. Transition au piano exemplaire.

    YM : Version idéale sur l’ensemble. Qualités des versions n° 1 [Previn] et n° 4 [Janowski] réunies. À l’exception du début de la scansion du ThS, vraie pensée dramaturgique, dans les répétitions qui ici jouent vraiment le jeu de l’amplification. Et cela chante constamment, avec des ondes à la R2D2 dans la descente qui tiennent du prodige. Prise de son superlative et orchestre fabuleux.

    LV : Différentes familles instrumentales très bien différenciées, on entend tout. Vraie grande gradation, sentiment d’accumulation qui fonctionne ici mieux que n’importe ailleurs. Côté paniqué excellemment rendu, très menaçant. ThF qui apparaît comme un soulagement, comparable à l’œil du cyclone.




     
    Version n° 8 [Ozawa]




    YM : Grand sentiment de classicisme, cela sonne sans brutalité, assez coloré et français d’esprit. Piano pas toujours très séduisant, un peu plaqué par moments. ThS équilibré, sans enflure, avec des coups de gongs bien saillants. Pas la version pour grimper aux rideaux, mais très belle lecture de la Turangalîla.

    LV : Pas très français pour moi. Fait appel à la masse. Assez profond, un peu uniforme. Lecture plus d’un constructeur que d’un instinctif. C’est le genre de version que l’on trouve intéressante a posteriori. Manque un peu de cœur.

    TC : Par rapport à la version précédente, c’est plus foisonnant et brouillon, plus inégal aussi. Reste que c’est une version bien faite, nivelée tant quant à ses défauts qu’à ses qualités.




     
    Version n° 9 [Nagano]




    LV : Peut-être la meilleure version entendue jusqu’à maintenant pour moi. Très précis, mais avec quelque chose de douloureux, comme d’une pièce religieuse. Le ThS s’élance comme une chaîne de montagnes. Orchestre magnifique.

    TC : Très belles couleurs, très bel engagement, mais au pur niveau sonore, je souffre car cette version casse vraiment la tête. On est pour moi plus dans la rutilance de Star Wars que dans la douleur religieuse. Prend très vite un côté extérieur qui me dérange beaucoup.

    YM : Je n’aime pas du tout non plus. Version du too much à tous points de vue : à la fois très excité et très avachi, avec un ThS en gros colosse endormi, cuivres gras. Foisonnement à en donner mal au crâne, trop de présence : trop de percussions, trop de traits de cordes, trop de trilles. Impression d’indifférenciation sonore.




     
    Version n° 10 [Vonk]




    TC : Suis partagé. Début un peu legato et collant. Mais rapidement, on trouve un engagement, une hystérie presque, une originalité qui savent retenir l’attention. Parfois de la lourdeur, mais j’aime au moins l’idée d’un geste moderne au sens webernien. Sens polyphonique et polyrythmique excellent, notamment dans les passages avec le piano et le wood-block. ThS un peu rapide et violent qui me plaît.

    YM : Je ne partage pas l’enthousiasme de TC. Je trouve cette version pas au point, tant au niveau des idées musicales que de leur réalisation. Il n’y a pas pour moi la temporalité de Messiaen, le tempo fluctue sans cesse. On ne sait jamais où on en est. Le début bave en raison de cordes qui se courent après. ThS expédié, comme si le chef s’en fichait. Dans la masse sonore, il y a un côté Charles Ives, Central Park in the Dark, que je trouve absolument étranger à l’œuvre.

    LV : Je suis partagé. D’un côté, cette version est un peu carrée, régulière, rapide, elle force un peu sur les effets, et petit à petit, j’ai été intrigué, notamment par un phénomène de braquage de projecteurs sur des détails toujours signifiants, contrairement à la version n° 6 [Rattle]. Je ne peux pas encore vraiment me prononcer.



    Avant le deuxième tour d’écoute sur les mouvements Turangalîla 1 (Tur1), Chant d’amour 2 (CA2) et Joie du sang des étoiles (JSE), que tous souhaitent à nouveau en aveugle, il est décidé de procéder déjà à certaines éliminations. Se pose très vite le problème des élus à l’abandon, nos trois contradicteurs peinant vraiment à se mettre d’accord, hormis sur les versions n° 5 [Salonen] et n° 6 [Rattle], qui sont écartées à l’unanimité.

    La version n° 2 [Chung] n’a vraiment emballé que TC, la version n° 9 [Nagano] que LV. Entre les deux, YM garderait sans hésiter la version n° 2 [Chung], mais comme LV insiste sur le fait que la version n° 9 [Nagano] est celle qui réunit pour lui le plus grand nombre de qualités, il demande à faire valoir un joker.

    C’est donc la version n° 2 [Chung], qui est abandonnée. Et comme la version n° 10 [Vonk] est soutenue par LV et TC, elle est maintenue. En contrepartie, LV et TC acceptent de conserver la version n° 8 [Ozawa].

    Restent donc en lice pour le tour suivant les versions n° 1 [Previn], n° 3 [Wit], n° 4 [Janowski], n° 7 [Chailly], n° 8 [Ozawa], n° 9 [Nagano] et n° 10 [Vonk].


     

     

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