Premier titre de l'intégrale Vivaldi chez Opus 111/Naïve Antonio Vivaldi : Juditha triumphans devicta Holofernis barbarie RV 644
Magdalena Kozena, Juditha
Maria José Trullu, Holofernes
Marina Camparato, Vagaus
Anke Hermann, Abra
Tiziana Carraro, Ozias
Coro da camera dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia, dir. Martino Faggiani
Academia Montis regalis, dir. Alessandro De Marchi
3 CD Opus 111/Naïve OP 30314
Commencer pareille entreprise avec cette Juditha triumphans devicta Holophernis barbarie est assurément une aventure. Seul oratorio de Vivaldi qui ait été conservé, composé en 1716 pour les orphelines de l'Ospedale della Pietà , cette partition presque inconnue du public enchaîne pendant près de trois heures arie da capo et récitatifs sur un livret en latin, lointainement inspiré d'un épisode biblique maintes fois mis en musique auparavant. Mais récapitulons : une sinfonia d'ouverture perdue, un choeur de femmes à quatre voix dont la mise en place reste à définir, un instrumentarium difficile à restituer avec certitude, des cadences et des ornements à réinventer, l'exécution de cette oeuvre soulève manifestement de multiples problèmes. Dans ce domaine, les choix opérés par le chef, Alessandro De Marchi, ainsi que la genèse de l'oeuvre, sont fort intelligemment détaillés dans le livret.
Mais le résultat de tous ces efforts ? Il est tout à fait convaincant, pour ne pas dire surprenant : par ses dimensions, par son aboutissement, cette oeuvre est l'une des plus belles jamais écrites par le Prêtre Roux. On y trouve notamment une variété et une richesse des couleurs instrumentales inouïes, à laquelle les musiciens de l'Academia Montis Regalis rendent d'ailleurs pleinement justice. La direction d'Alessandro De Marchi est précise mais souple, attentive à la ligne mélodique comme aux nuances expressives. La symbiose entre l'orchestre, le choeur (dont la sonorité insolite est du plus bel effet) et les solistes est parfaite.
La réussite de cet enregistrement doit beaucoup à la présence de cantatrices aux caractéristiques vocales bien différenciées, ce qui écarte heureusement la monotonie que pourrait entraîner l'absence de voix masculines. L'incomparable Judith de Magdalena Kozena domine de très loin la distribution. Timbre de velours, phrasés toujours élégants, nuances d'une grâce divine, le chant de la mezzo tchèque est la séduction même. On comprend que devant tant de beautés, Holopherne rende les armes... dans tous les sens du terme, car en comparaison de la Kozena, le timbre engorgé et les vocalises un rien empiriques de Maria José Trullu n'en paraissent que plus ordinaires. Le personnage d'Ozias, certes secondaire, aurait mérité mieux que l'agilité poussive et l'émission peu orthodoxe de Tiziana Carraro, quand la voix androgyne de Marina Comparato convient très bien au rôle de l'eunuque Vagaus, dont les airs regorgeant de traits de haute virtuosité ne sont pas sans rappeler ceux écrits à l'intention des castrats (et dont la cantatrice se charge avec un panache considérable). Autre perle de cet enregistrement, la très prometteuse soprano ukrainienne Anke Herrmann, dont le timbre léger et fruité, la technique sûre font merveille dans le rôle d'Abra.
Qualité du travail préparatoire, résultat plus que probant, l'intégrale Vivaldi d'Opus 111 s'annonce sous les meilleures auspices, et l'on attend avec impatience l'abondante suite promise.
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