Mozart : Il Sogno di Scipione |
Un Mozart qui laisse songeur Opéra de Mozart, sur un livret de Pietro Metastasio
Avec Malin Hartelius (Costanza), Lisa Larsson (Fortuna), Christine Brandes (Licenza), Bruce Ford (Scipione), Charles Workman (Publio), Jeremy Ovenden (Emilio).
Choeur des Musiciens du Louvre
Freiburger Barockorchester
Gottfried von der Goltz, direction
2 CD Naïve-Astrée E 8813 DDD
Enregistré dans la foulée d'un concert du Festival Voice and Music de Montreux, ce Songe de Scipion est une oeuvre de jeunesse (1771), qui, comparée à Mitridate, Rè di Ponto, pourtant composé l'année précédente, se révèle moins original et plus convenu. Heureusement, le Freiburger Barockorchester lui confère un dynamisme exemplaire.
Au disque, les réserves quant à la partition demeurent les mêmes qu'au concert (l'oeuvre a été donnée tout récemment au Théâtre de Poissy) : une certaine sagesse dans l'écriture, particulièrement orchestrale, et des profils vocaux encore hésitants. Il faut pour ce Songe pas moins de trois sopranos et trois ténors ; les dames surtout affrontent des tessitures meurtrières, à chemin entre le soprano lyrique et le soprano colorature.
Dans la Costanza, Malin Hartelius fait preuve d'une égalité d'émission sur toute l'étendue de la voix, et d'un timbre fort agréable. Son chant souple peine cependant dans l'extrême aigu, fréquemment sollicitée par Mozart. C'est aussi le cas de Lisa Larsson (la Fortuna). Si la soudaine épaisseur du timbre surprendra ceux que ses enregistrements Bach avec Koopman avaient laissé sur leur faim (sans doute sur les sollicitations du chef, elle l'avait allégé au point de le rendre famélique), la jeune Suédoise ne rend pas réellement justice aux redoutables écarts de son rôle, péchant principalement par des vocalises mécaniques et dénuées de soutien. Christine Brandes dans la Licenza s'en tire mieux. La voix n'impressionne pas par son ampleur, mais la musicienne est raffinée et la technique solide.
L'habitude s'est installée de distribuer les rôles de ténor mozartien les plus lourds à des artistes venus du bel canto romantique italien. Giuseppe Sabbatini a, par exemple, interprété Mitridate au disque et au Châtelet avec Christophe Rousset.
Bruce Ford, en Scipion, apporte ce qu'on espère de lui : une voix charnue, une tenue instrumentale qui en impose. Mais le style n'est pas parfait, et la vélocité prise en défaut. Charles Workman a lui aussi fait ses preuves dans Rossini, et même si ses incursions dans les rôles mozartiens ont été nombreuses, on le devine ici quelque peu mal à l'aise, avec un timbre désagréablement métallique. Jeremy Ovenden n'a pas ce problème : lui sait au moins soigner son phrasé, par delà un certain maniérisme.
La vrai star de l'enregistrement est bel et bien le Freiburger Barockorchester. On savait ses cordes virtuosissimes, on découvre maintenant des vents solides. Et lorsqu'il est manié comme il l'est ici par Gottfried von der Goltz, le plaisir est immense. Grâce aux musiciens et à leur chef, ce Songe de Scipion gagne une immédiateté physique réjouissante.
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