Dufay, l'isorythme dans la peau |
" O gemma Lux " Motets isorythmiques de Guillaume Dufay.
Huelgas Ensemble, direction Paul Van Nevel.
1 Album Harmonia Mundi 901700.
C'est à Florence Guillaume Dufay semble avoir composé plusieurs des 13 motets enregistrés ici par Paul Van Nevel et l'Ensemble Huelgas pour un portrait "isorythmique" du savant chanoine de Cambrai. Ce principe de l'isorythmie (1) est a priori un trait archaïsant chez Dufay qui ne recourra plus à cette technique après 1442. Mais en fait, l'intéressé se fait une arme de cet archaïsme cher à l'école de l'Ars Nova, pour se livrer à de stimulantes expériences harmoniques.
Précisément, passionné par ce dualisme entre passé et innovations, Paul Van Nevel exalte à loisir le jeu contrapuntique et la mise en espace (le motet Nuper Rosarum Flores composé pour la consécration du Duomo fameux de Brunelleschi en 1436). En outre, esprit très personnel, le chef flamand a réalisé sa propre transcription des oeuvres ; transcription qui repose uniquement sur les sources manuscrites existantes.
Il en résulte une fiabilité "musicologique" qui n'est pas le moindre atout de cette lecture qui se veut, comme l'écrit si bien Van Nevel, "adieu symbolique au Moyen âge". Et comme toujours avec Huelgas, la perfection formelle et l'opulence acoustique (un instrumentarium agissant soutient ici de l'ensemble vocal) sont au rendez-vous.
Avec ce souci virtuose qui, dans les entrelacs les plus sophistiqués de la trame polyphonique (Dufay ne craint pas le défi pluritextuel, en confiant jusqu'à trois textes différents aux interprètes !), ne perd jamais de vue l'expressivité d'un chant que nimbent parfois de captivantes résonances d'orgue, ajoutant le mystère au charme de l'écoute.
(1) Par isorythmie, on entend une technique d'écriture qui répète constamment une formule rythmique aux voix, isolées ou groupées, alors que le matériau mélodique change. Cette technique va revenir en force chez les compositeurs du XVIIIe siècle, Vivaldi notamment.
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