Wien 1925
Alban Berg (1885-1935)
Kammerkonzert pour piano, violon et 13 instruments Ă vent
Marie-Josèphe Jude, piano
François-Marie Drieux, violon
Johann Strauss II (1825-1899)
Schatzwalzer, op. 418
Arrangement d’Anton Webern
Rosen aus dem SĂĽden, op. 388
Arrangement d’Arnold Schoenberg
Orchestre Poitou-Charentes
direction : Jean-François Heisser
Enregistrement : Poitiers, Théâtre-Auditorium, 2010
1CD Mirare MIR133
Stupéfiant enregistrement du Kammerkonzert de Berg, qui n’a jamais eu au disque la popularité qu’il mérite. Bien plus qu’un simple grand pianiste, Jean-François Heisser, qui observe la reprise dans le troisième mouvement, démontre ici sa connaissance intime des rouages structurels et dramaturgiques de ce joyau de la production chambriste, son sens de l’analyse n’ayant en rien à envier à celui d’un Pierre Boulez ou d’un Hermann Scherchen.
L’éclairage proposé rappelle les teintes claires, à couper au couteau, l’extrême sveltesse du Wozzeck d’Herbert Kegel, vision de pleine lune ne laissant rien dans l’ombre, d’un expressionnisme au scalpel toujours à l’affut de l’expressivité. En cela, Heisser surclasse sans peine le remake monochrome et abstrait de Boulez-Uchida-Tetzlaff (Decca-2008), et se place en complément idéal de l’incontournable Boulez-Barenboïm-Zukerman (DG-1977).
Une parution qui fait honneur à l’école française, et notamment à ses vents d’une perfection et d’une couleur grisantes – le piccolo, le hautbois –, dans un dialogue jamais conceptuel avec le piano clair-obscur de Marie-Josèphe Jude, aussi rigoureux que sensible, donnant son juste poids à chaque note, avec une sérénité dans la masse inédite, et avec le violon acéré et accrocheur, d’une vitesse d’archet implacable, de François-Marie Drieux.
La prise de son est une splendeur d’équilibre dans la captation du moindre frémissement expressif – jusqu’à certaines tournes de pages assez peu discrètes –, faisant lutter à jeu strictement égal les timbres, additionnés plutôt que fusionnés, avec un piano qui pour une fois n’écrase pas le reste du groupe et évite les basses bourbeuses – la fin du mouvement lent, d’une lactescence sublime.
Ce Berg-là , aussi éloigné du cérébral mathématique que du postromantique profus, exalte la quintessence du langage du compositeur, complexe mais jamais opaque, dense mais jamais étouffant, dans l’une des partitions de musique de chambre les plus fondamentales du répertoire.
En revanche, les deux valses de Strauss orchestrées par Webern et Schoenberg ne troubleront pas la discographie de ces arrangements conçus au sortir de la Première Guerre mondiale pour garnir les concerts de la Société musicale d’exécutions privées à Vienne, tant elles accusent un trois temps trop régulier et propret chez les musiciens de l’Orchestre Poitou-Charente.
Qu’importe, car ce complément en rien indigne n’empêchera pas le Kammerkonzert le plus directement attrayant de la discographie de recevoir un Coup de cœur Altamusica.
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