altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




SELECTION CD 29 mars 2024

Discographie comparée :
Verdi - AĂŻda




Grande fresque pharaonique fleurant bon la carte postale ou ouvrage chambriste aux climats raréfiés ? Aïda est peut-être tout cela à la fois, et à l’occasion du retour de l’antépénultième ouvrage lyrique de Verdi à l’affiche de l’Opéra de Paris après plus de quarante-cinq ans d’absence, Altamusica vous propose sa discographie comparée des versions studio de l’ouvrage.


Le 10/10/2013
Yannick MILLON
Mehdi MAHDAVI
Thomas COUBRONNE

 

  • SĂ©lection
  • Acte I
  • Ritorna vincitor - Acte II
  • Acte III
  • Acte IV
  • Palmarès
      [ Toutes les parutions ]


  • Les 3 derniers dossiers
  • Les "indispensables" Bach de nos critiques

  • Telefunken Legacy : le nec plus ultra des collections historiques

  • Les dernières parutions pour l'annĂ©e Bach

    [ Tous les dossiers CD ]


     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  •  

     Ritorna vincitor - Acte II

    Version Serafin II



    Maria Callas (AĂŻda)
    Fedora Barbieri (Amnéris)
    Orchestra del Teatro alla Scala, Milano (1955)



    YM : Orchestre vraiment fébrile dans l’accompagnement de RV. Callas, c’est la tragédie à l’état pur, le grand écart entre piani célestes et piena voce ardente, elle glisse beaucoup entre les notes, mais l’art de la musicienne est immense. Je préfère dans l’absolu une voix plus légère et lumineuse pour le rôle-titre, mais quel tempérament ! La voix de Barbieri manque vraiment de chair. MT, avec des cuivres laids, qui avance à la va-comme-je-te-pousse. B négligent, survolé, comme à peine travaillé, et avec une prise de lointaine.

    TC : S’il ne faut retenir qu’une chose, c’est Callas, in-com-pa-rable ! Elle est l’évidence, et la grande chanteuse moderne, au sens de qui s’empare du personnage et propose autre chose que la tradition, malgré le vibrato, le timbre pas toujours beau. C’est la première fois depuis le début de cette écoute comparée que je suis touché par ce qui se passe, où je n’écoute pas des chanteurs faire du son. Pour l’orchestre, je suis d’accord, si ce n’est que les piccolos sont plutôt jolis. Quant à Barbieri, son personnage est parfois plus caricatural qu’ici.

    MM : Callas donne une leçon, surtout quant à la précision rythmique et musicale. L’interprétation, aussi inspirée, aussi instinctive soit-elle, se base d’abord sur le rythme. Elle respecte toutes les nuances tout en vivant son rôle. Pour moi, Barbieri est une poissarde, son personnage ne m’intéresse pas du tout. On ne se battra pas pour savoir dans quelle version son lab est le plus bas tant elle me rebute.




     
    Version Perlea



    Zinka Milanov (AĂŻda)
    Fedora Barbieri (Amnéris)
    Orchestra del Teatro dell’Opera di Roma (1955)



    YM : Excellente surprise par rapport au plantage du trio que l’Aïda de Zinka Milanov, fine, bien accrochée. Volume pas démesuré, mais format assez idéal pour le rôle. Belle ardeur des aigus, lab presque piano. Autant le bas médium paraît abimé, autant le haut médium de Numi pieta est très beau. Barbieri est meilleure en tout point que chez Serafin. Dans MT, trompettes de régiment de chasseurs alpins en déroute, affreuses dans la scansion du binaire. Plus d’idées dans B, mais réalisation orchestrale primaire.

    TC : Milanov est bien au-dessus de ce qu’on pouvait imaginer après le premier tour, c’est fin, l’émission est jolie, et musicalement, elle fait plein de choses, mais en écoute rapprochée, Callas paraît tellement plus moderne que ça ne joue pas en sa faveur. Après Callas, j’ai vraiment peur de m’ennuyer dans les versions qui restent. Pour le reste, je suis d’accord sur la déroute orchestrale. Quant à Barbieri, même si elle est plus en voix que chez Serafin, je la trouve vraiment dure ici.

    MM : La comparaison est dure pour Milanov. La voix est peut-être plus adaptée au rôle et à la couleur qu’on attend dans cet opéra, et sur le strict plan vocal, la finesse de réalisation des piani est supérieure, mais comparé à Callas, elle n’a aucun fini sur le plan rythmique, c’est très flou, malgré tous les jolis sons. Perlea est tellement brouillon que je préfère quand même Serafin. Catastrophe absolue des trompettes dans MT, et le B capté trop loin chez Serafin était sans doute finalement un atout si l’on en juge par ce que la proximité des micros souligne ici.




     
    Version Toscanini



    Herva Nelli (AĂŻda)
    Eva Gustavson (Amnéris)
    NBC Symphony Orchestra (1949)



    YM : Dans RV, on ne joue pas dans la même cour que Callas, mais Nelli est plus qu’honnête. L’incandescence de la scène vient d’abord du chef et de l’orchestre. Jolie manière de poitriner, avec pas mal de distinction, et beaucoup d’exactitude dans ce chant très en rythme. Joli son filé au début du duo avec une Amnéris toujours dans les limbes. Toscanini donne l’impression d’avoir mis autant d’énergie à monter convenablement MT et B que tout le reste, avec une rigueur impressionnante, digne d’un coucou suisse.

    TC : Très bon travail d’orchestre, honnête, probe, scrupuleux, sans rubato intempestif. Cela avance, les chanteurs sont à l’écoute, sur la même ligne. Très bel esprit collectif. Nelli a beaucoup de qualités, de l’engagement, avec un beau personnage, qui cherche à toucher mais avec une vraie rigueur dans le respect de la partition. Gustavson n’est pas si mauvaise, et dans le fond pas toujours pire que Barbieri.

    MM : Pour moi, Nelli s’effondre ici. Toscanini la presse, ce qui l’amène à sortir un peu du cadre, et à recourir à des expédients expressifs qu’elle ne se permet pas dans leur Otello, abstraction faite de toutes ses qualités. Amnéris est quand même très exotique, avec ce timbre sorti d’on ne sait où. Vocalement, c’est un peu la punition pour moi. Choses étonnantes dans B, insoupçonnables dans les versions précédentes. Toscanini rend presque cette musique intéressante.




     
    Version Solti



    Leontyne Price (AĂŻda)
    Rita Gorr (Amnéris)
    Orchestra del Teatro dell’Opera di Roma (1961)



    YM : Quelle chape de plomb ! Tout sonne énorme, lent, appuyé. Version cathédrale où l’on cherche à tout prix à remplir la voûte. Les aigus de Price ont beau être miraculeux, son médium est plein d’air, et elle se permet trop de libertés et d’approximations. Même au niveau du style, j’ai plus l’impression d’entendre Porgy and Bess que de l’opéra italien. Le duo, au moins, avance, même si Solti ne fait pas dans la dentelle. Gorr a quelque chose de coupant, de sec qui peut être intéressant. Dans MT, Solti joue carrément les rustres, c’est assez horrible.

    TC : Je ne garderais que Gorr. Je n’aime pas Solti, brouillon, lourd, martial, agressif. Les timbales du récitatif explosent, tout fait du bruit et secoue. La modulation dans MT est du pire goût imaginable. Prise de son très désagréable, notamment Aïda mal captée. Price a des qualités, mais un timbre diffus, sauf dans les aigus piano très centrés, et surtout, il n’y a aucun texte dans ce chant, aucune déclamation, aucune articulation. Gorr a le mérite d’être un peu expressionniste et cherche autre chose que le genre rombière androgyne.

    MM : On est dans une esthétique propre à l’époque, c’est le technicolor, le péplum. Solti, c’est un peu Cecil B. DeMille. Ca fait partie de la légende, même si aujourd’hui, on trouve ça kitsch. Et Price, c’est un peu Liz Taylor en Cléopâtre. Dans le grave et le médium, c’est le monstre du Loch Ness ou Belphégor, mais l’aigu a une lumière irréelle, complètement déconnectée du reste de la voix. Après les mots, les rythmes et les phrasés de Callas, cela tombe à plat. J’ai du mal à me faire au timbre de Gorr, qui a de surcroît une intonation assez curieuse. Dans B, intentions intéressantes, mais trop de gigantisme.




     
    Version Karajan



    Renata Tebaldi (AĂŻda)
    Giulietta Simionato (Amnéris)
    Wiener Philharmoniker (1959)



    YM : Voilà la même époque avec une optique radicalement différente. On ne cherche pas ici le cinémascope mais le fondu enchaîné. Chez Tebaldi, au moins, on a une vraie couleur italienne, mais beaucoup moins de mots que chez Callas. Dommage que la voix « mégérise » autant, trop dure et trop mûre sur les forte ! La célèbre rivalité Callas-Tebaldi n’a plus lieu d’être pour moi dans Aïda, même si je préfère largement Tebaldi à Price. Simionato ne se laisse pas manger par l’orchestre et a une sacrée énergie. J’aime toujours beaucoup Karajan et notamment son B très étonnant, tout nimbé de brume et inquiétant.

    TC : Je rejoins YM, le B décolle enfin un peu ! C’est plus fin, mystérieux et ambigu, ça n’est plus de la musique de foire. Les trompettes sont en revanche un peu amorphes dans MT. Globalement, Karajan est ensorceleur et la musique sonne avec une séduction, une délicatesse qui me parlent, un côté presque impressionniste. Tebaldi joue vraiment le jeu, même si la voix sonne tantôt éteinte tantôt encombrante et vieillie, mais il y a une vraie sensibilité, un vrai effort de texte, de vraies prises de risques, des piani très fins. J’aime aussi Simionato, très théâtrale et finalement assez féminine.

    MM : Tebaldi habite plus le tempo de Karajan que Bergonzi, sa texture vocale s’épanouit mieux. Elle a un vrai médium, cela change tout, et la voix existe sur les trois quarts inférieurs. Les aigus forte sont un peu à l’arrachée. Ce timbre n’est pas si terni par rapport à mon souvenir. Il y a une vraie pulpe, plus encore que chez Milanov. Orchestre somptueux, avec un ballet de sylphes très étonnant. J’aime aussi Simionato, altière, noble fille de pharaon, avec un vrai contraste de couleur entre la voix de poitrine qui claque et l’aigu presque sopranisant.




     
    Version Harnoncourt



    Cristina Gallardo-Domâs (Aïda)
    Olga Borodina (Amnéris)
    Wiener Philharmoniker (2001)



    YM : Gallardo-Domâs dépasse toutes les attentes, on est loin de la catastrophe annoncée. Grâce à Harnoncourt, sa voix devient un manteau d’Arlequin et on ne perd pas une miette de texte. Ce que le chef lui demande est passionnant, l’accompagnement est un nuancier de climats psychologiques et émotionnels. Dans le duo, quatuor de bois merveilleux, personnages à part entière. MT très lente mais bons accents dans les graves. B façon carte postale, comme Toscanini, avec des Wiener prodigieux de finesse, de rebond, d’accents.

    TC : Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Harnoncourt est inventif, rien n’est attendu, tout se renouvelle en permanence. Et je ne sais pas dans quelle mesure Gallardo-Domâs n’est pas du coup, après Callas, l’Aïda qui me touche le plus musicalement, grâce au chef bien entendu. Je suis un peu moins emballé par Borodina, que je trouve un poil mastoc, et pas vraiment vénéneuse, un peu trop cash. Sa présence est étonnante dans une version de sous-entendus.

    MM : La vraie sincérité de Gallardo-Domâs, sa précision rythmique, musicale, son attention au texte, malgré le vibrato qui s’affole et grelotte, me touchent infiniment plus que Nelli. La voix est trop petite, elle n’y arriverait sans doute pas sans le micro, mais grâce à toute l’angoisse, les suspensions, les questions posées par l’orchestre dans ce bruissement permanent, elle est transcendée et émue dans le duo, où elle perd pourtant encore plus le contrôle du vibrato. Le venin d’Amnéris est dans l’orchestre, la voix de Borodina est énorme, tout en homogénéité. Quant à B, pour une fois, il n’est pas capté au second plan, et il y a un merveilleux crescendo de triangle !




     
    Version Muti



    Montserrat Caballé (Aïda)
    Fiorenza Cossotto (Amnéris)
    New Philharmonia Orchestra (1974)



    YM : Muti a mangé du piment, il a le feu au derrière, on se croirait presque en live. RV en grande scène dramatique, vraiment allegro agitato. Caballé est l’homogénéité faite femme, pas un registre n’est contestable, c’est une vraie leçon de bel canto, même si on manque parfois d’implication dramatique au niveau du texte. L’ardeur du vibrato rend acceptable un poitrinage un peu intempestif chez Cossotto, mais la voix sait rester fine. Muti au pas de charge, traverse MT comme à la parade, avant un B hyper virtuose, sans arrière-plans. Vive les plaisirs simples !

    TC : J’aime cette efficacité, ce dramatisme, et globalement, on retrouve l’équilibre de la première écoute. C’est suffisamment fouillé et détaillé, et en même temps, ça ne se pose pas mille questions, c’est très efficace. Le plateau confirme et transforme l’essai. Cossotto est vénéneuse, avec énormément de feu, d’énergie, de fébrilité, c’est un personnage plus vivant, moins calculateur et bourgeois. Caballé est beaucoup plus intéressante que dans le premier extrait, qui était juste technique. Là, il y a une sensibilité, les nuances sont habitées, connectées au sens.

    MM : Au début, Caballé m’a donné un peu le mal de mer à cause des fluctuations de la dynamique, calée sur celles de la battue de Muti. Timbre très beau, sans les duretés qui viendront plus tard dans l’aigu. On l’a souvent dit peu concernée par les mots, elle tombe ici dans l’excès inverse. Muti a médité la leçon de Toscanini, même s’il est plus extérieur et démonstratif, mais il ne faut pas oublier qu’il n’avait qu’une petite trentaine. Cossotto ne me passionne pas, trop stridente là-haut, trop appuyée en bas. À ce stade, pour moi, c’est Simionato ou rien. Belle chaleur à l’orchestre, cuivres anglais façon Pomp and Circumstance.




     
    Version Mehta



    Birgit Nilsson (AĂŻda)
    Grace Bumbry (Amnéris)
    Orchestra dell Teatro dell’Opera di Roma (1966)



    YM : Cela fait un drôle d’effet de retrouver Nilsson et son noyau dur minuscule. Chez elle, tout est acéré, dégraissé, accroché très haut. Elle ne manque pas d’engagement, mais la matière est un peu réfrigérante. Bumbry a une morgue royale, et sa manière d’attaquer les sons avec mépris fonctionne. Dans le poco più vivo du duo, Nilsson peine à être à l’heure. Mehta est toujours jeune et exubérant, plus brouillon que Muti. MT assez limitée, trompettes romaines, et B en tourbillon sans grande précision, mais avec fougue.

    TC : L’orchestre et la direction sont un cran en dessous de Muti, c’est surtout moins maîtrisé, moins précis. Le chant de Nilsson manque de rondeur italienne, mais c’est surtout maladroit quand elle descend pour poitriner proche de la voix parlée, sans le côté masculin d’une voix de poitrine italienne. Musicalement, c’est plus plat. Pour autant il peut y avoir quelque chose d’un peu évanescent. C’est très réussi dans le genre, même si ce n’est pas la voix idéale. Bumbry est séduisante, sexuelle même. Pour une fois Radamès pourrait en être amoureux, c’est une vraie femme charnelle.

    MM : C’est tout de même moins intéressant que Muti dans le genre jeune et toutes voiles dehors. Nilsson est presque italienne selon ses propres standards, mais a le désavantage d’arriver après toutes les autres. Personnellement, je n’y crois pas du tout. Même si c’est plus souple et moins tranchant que d’habitude, cela reste exotique. On a évidemment le plus beau contre-ut de cette confrontation, mais est-ce que c’est cela qu’on a envie d’entendre en Aïda ? En revanche, j’ai envie d’entendre Bumbry en Amnéris, car elle a une belle gestion du contraste entre les registres, avec un aigu plus plantureux que celui de Simionato.



    Les délibérations sont encore plus compliquées qu’au tour précédent, au point de nécessiter une nuit de sommeil avant de trancher la question. Car si l’abandon de Perlea fait clairement l’unanimité, YM et TC souhaiteraient éliminer aussi Solti, alors que MM préférerait se séparer de Toscanini.

    La nuit n’ayant guère portĂ© conseil, il est dĂ©cidĂ© le lendemain matin de procĂ©der Ă  une petite confrontation Toscanini-Solti sur le seul air du Nil. Ă€ l’issue, c’est finalement Toscanini qui est maintenu, seul MM continuant Ă  aimer l’ensemble de la version Solti, et notamment la « voix cendrĂ©e qui s’ouvre sur une lumière un peu extra-terrestre dans l’aigu Â» de Leontyne Price.

    Si TC apprĂ©cie plus la soprano amĂ©ricaine qu’au premier tour sinon Solti dont il dĂ©plore toujours les brusqueries, YM frĂ´le l’overdose face au chef hongrois, « constamment trop lent, ne respectant ni l’andante ni le mosso de l’indication dans O patria mia Â», et n’est pas sensible au cĂ´tĂ© « ShĂ©hĂ©razade avachie dans son fauteuil Â» de l’AĂŻda de Price, « au mĂ©dium tout dĂ©charnĂ© Â».

    Le tour suivant consistera en l’audition de l’acte III (air du Nil, duo Aïda-Amonasro, fin de l’acte).


     
    Yannick MILLON
    Mehdi MAHDAVI
    Thomas COUBRONNE



     

  • SĂ©lection
  • Acte I
  • Ritorna vincitor - Acte II
  • Acte III
  • Acte IV
  • Palmarès
     


  •   A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com