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SELECTION CD 25 avril 2024

Discographie comparée :
Verdi - AĂŻda




Grande fresque pharaonique fleurant bon la carte postale ou ouvrage chambriste aux climats raréfiés ? Aïda est peut-être tout cela à la fois, et à l’occasion du retour de l’antépénultième ouvrage lyrique de Verdi à l’affiche de l’Opéra de Paris après plus de quarante-cinq ans d’absence, Altamusica vous propose sa discographie comparée des versions studio de l’ouvrage.


Le 10/10/2013
Yannick MILLON
Mehdi MAHDAVI
Thomas COUBRONNE

 

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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


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     Acte III

    Version Serafin II



    Maria Callas (AĂŻda)
    Tito Gobbi (Amonasro)
    Richard Tucker (Radamès)
    Fedora Barbieri (Amnéris)
    Orchestra del Teatro alla Scala, Milano (1955)



    TC : L’orchestre, très brouillon à la fin, a tout de même un beau métier. Le savoir-faire, la confiance en la musique restent efficace. Et les trois protagonistes sont assez fantastiques. Chez Callas, les défauts s’entendent davantage mais elle reste l’incarnation majeure. C’est le seul personnage qui existe à chaque seconde, qui se consume dans son destin tragique. J’aime beaucoup la matière de Gobbi, pas avalée, ample, et cette manière de chanter tout le temps, y compris dans des passages qui pourraient être plus véhéments. Et Tucker est vraiment engagé, très vaillant, avec la sincérité qui faut. J’y crois !

    MM : J’y crois aussi, même si j’aimerais que Serafin y croie un peu plus. Dans l’introduction, tout est noyé, lent, d’une régularité métrique au détriment de la conduite de la phrase, les plans sonores sont mal étagés, avec une flûte beaucoup trop en dehors. Ce que Callas arrive à faire et à tenir dans son phrasé par-dessus un orchestre qui dort est miraculeux, notamment ses triolets et ses appoggiatures. Je suis sceptique sur le matériau de Gobbi, très sec, on dirait du bois bon à brûler, mais il y a des mots et une présence, c’est un vrai acteur. À côté, Tucker ne fait pas très italien mais sa vaillance est assez irrésistible.

    YM : Je rejoins MM sur Serafin, qui fait le strict minimum, et qui sans ces trois chanteurs-là, serait disqualifié. Les harmoniques sont moches, c’est faux, la flûte craque. On a du timbre tout de suite chez Callas, constamment brûlante. C’est la quadrature du cercle : une voix italienne, qui peut faire des piani somnambuliques comme Price, mais toujours avec du texte, et du sens qui irrigue chaque son. Gobbi a une belle allure et une vraie couleur transalpine, malgré la voix parfois un peu écrasée et monochrome.




     
    Version Toscanini



    Herva Nelli (AĂŻda)
    Giuseppe Valdengo (Amonasro)
    Richard Tucker (Radamès)
    Eva Gustavson (Amnéris)
    NBC Symphony Orchestra (1949)



    TC : La direction est aux antipodes de Serafin. On est pris par le drame, captivé par les rebondissements, qui ne sonnent pas comme des pancartes artificielles. Chez Nelli, la finesse de l’émission dans le médium a quelque chose de schwarzkopfien d’assez typique des ces années-là. Mais surtout, après Callas et son chant dépressif, tourné vers le mal-être, elle propose autre chose, un personnage plus innocent et positif. J’aime le mordant, le métal de Valdengo, sa précision rythmique, et son roi moins manipulateur que Gobbi, plus droit dans ses bottes, plus autoritaire quelque part. Tucker a toujours la même insolence, peut-être moins égale en termes d’italianità.

    MM : La prise de son est tout de même très mate. Dans l’introduction manquent les brumes sur le Nil qui s’évaporent. Nelli reste sèche et à la limite du scolaire, même si elle est admirable dans ce qu’elle arrive à faire et à tenir, ce qu’il faut bien reconnaître après des années de purgatoire. C’est un peu la même chose avec Valdengo, mais le rôle est plus court. Il arrive là avec un certain mordant, dans les mots, dans le rythme. Son Amonasro a moins d’arrière-plans machiavéliques. Tucker reste Tucker. J’aime beaucoup les passages tout feu tout flamme dans la direction, même si l’Andante assai sostenuto ne m’a pas fait grand-chose.

    YM : Je ne manque pas de brume, les flûtes sont absorbées dans les cordes, et le climat est bien irisé. On a ici un dialogue entre Aïda et l’orchestre, avec un hautbois constamment à l’écoute, très con la voce et dans le bon tempo, qui avance en respirant. J’aime toujours Nelli dont la vulnérabilité me touche beaucoup. Valdengo est comme toujours mordant, clair et un rien nasal, à la Fischer-Dieskau. Ses consonnes qui claquent et son personnage un peu vindicatif me plaisent. Je trouve Tucker plus éclatant ici, idéal pour les circonstances. La conclusion de l’acte, c’est le drame verdien dans tout son tranchant. Toscanini est vraiment pour moi l’alpha et l’oméga de cette musique.




     
    Version Karajan



    Renata Tebaldi (AĂŻda)
    Cornell MacNeil (Amonasro)
    Carlo Bergonzi (Radamès)
    Giulietta Simionato (Amnéris)
    Wiener Philharmoniker (1959)



    TC : Le climat sur le Nil, c’est un peu la Première Symphonie de Mahler. Tebaldi est plus mélancolique, résignée, sans la révolte, le pathos de Callas ou l’angélisme de Nelli. Son air est très touchant, intérieur, recueilli. On entrevoit un peu par endroits les limites du système Karajan, certains passages du duo sont trop lents et déthéâtralisés. Mais la fin est beaucoup mieux, grâce un excellent climax sur la durée, avec un orchestre cinglant pendant la malédiction. MacNeil ne m’emballe pas beaucoup, il ne fait que du son, c’est un instituteur, pas un roi. Bergonzi est dans la lignée de ce qu’on imaginait, ardent, aristo, malgré des lacunes de legato déjà repérées au I.

    MM : La progression dramatique est très intermittente. Il me manque un fil tendu du début à la fin de l’acte. Le drame est par moment complètement absent. On peut s’enivrer de l’orchestre qui atteint ici au sublime : l’expérience vaut un voyage en Égypte tant on est fasciné par les sonorités du Philharmonique de Vienne. Tebaldi atteint ses limites, et si la diction est meilleure que chez Price, les mots n’ont pour autant aucun poids. Sa résignation confine à l’indifférence. MacNeil est mieux doté par la nature que les précédents, mais il ne fait pas grand-chose de cette voix. Bergonzi manque toujours d’éclat, surtout sur ses la aigus. Tucker avait quelque chose de plus mordant.

    YM : On n’est certes pas au théâtre, mais on a ici une vraie alternative sonore. La scène du Nil est un miracle d’équilibre, d’opalescence. Karajan est bien meilleur dans les passages en demi-teinte que dans le drame où il aurait ici la main un peu lourde. Mais le passage syncopé, très doloroso, est vraiment émouvant. Tant qu’à écouter une belle voix, contrairement à MM, je préfère Tebaldi à Price, car c’est la seule qui sait vraiment faire le sfumato demandé. Je trouve la voix de MacNeil grise, et ne suis du tout transporté par son Amonasro. Sur l’ensemble de l’acte, le système Karajan montre en effet un peu ses limites.




     
    Version Harnoncourt



    Cristina Gallardo-Domâs (Aïda)
    Thomas Hampson (Amonasro)
    Vincenzo La Scola (Radamès)
    Olga Borodina (Amnéris)
    Wiener Philharmoniker (2001)



    TC : Quelque part, on reste dans la lignée de Karajan. C’est artificiel et sophistiqué au possible, tout est épluché dans la partition, les articulations sont très phrasées, des micro-silences servent à dessiner des membres de phrases. Gallardo-Domâs est intermédiaire entre sa mauvaise prestation du premier tour et la bonne surprise du deuxième. C’est bourré d’intentions, construit, réfléchi, mais la voix bouge terriblement. Hampson est intelligent, littéraire et tout ce qu’on voudra, mais le timbre est vraiment blanchâtre. Borodina est un peu glaciale et monolithique, et La Scola fait ce qu’il peut.

    MM : Ce que Harnoncourt fait avec l’orchestre est vertigineux et inouï. Je sens ici la progression dramatique malgré des tempi guère plus rapides, habités par une variété de phrasés dans les lignes intermédiaires. Il installe des micro-instabilités qui rendent le discours palpitant. Je suis toujours très touché par Gallardo-Domâs, dont les limites sont certes criantes, au propre comme au figuré, mais sa sincérité a un supplément d’âme que je ne retrouve pas dans les versions précédentes. Hampson n’a pas un poil de timbre. On est dans une espèce d’expressionnisme allemand. Borodina sort de sa grotte et y rentre aussitôt. La Scola est vraiment en dessous de tout.

    YM : Je suis un peu moins enthousiaste, car on touche aussi aux limites de la conception. Tout le début est incroyable, presque spectral. Mais autant l’air du Nil est le seul avec Toscanini à instaurer un dialogue Aïda-orchestre, autant ce que Harnoncourt propose autour se relâche. Gallardo-Domâs s’effondre complètement, sa respiration avant l’ut est impossible. Il n’y a pas une miette de timbre chez Hampson, et toute la rhétorique du monde n’y changera rien. La Scola est abominable, débraillé, chaotique. Harnoncourt peut sans doute faire beaucoup de choses encore, mais on n’est pas à Lourdes non plus !




     
    Version Muti



    Montserrat Caballé (Aïda)
    Piero Cappuccilli (Amonasro)
    Plácido Domingo (Radamès)
    Fiorenza Cossotto (Amnéris)
    New Philharmonia Orchestra (1974)



    TC : Je commence à être un peu réservé sur Caballé, dont l’approche purement belcantiste devient monotone. Et en réalité, je cherche le personnage, l’incarnation. Quand c’est écrit piano, elle est triste, quand c’est écrit forte, elle est en colère, mais on est dans la pure démonstration technique et vocale. Cappuccilli donne l’impression de pouvoir être brutal, le timbre est ambigu, un peu rond, un peu mordant, et le mélange des deux fonctionne bien. Domingo est bizarrement capté, mais la fin de l’acte rachète ce que j’ai moins aimé jusque-là. Muti paraît un peu expédié par rapport à Harnoncourt ou Karajan. C’est du théâtre au premier degré, mais cela finit par cavaler un peu.

    MM : Après les trésors de raffinement de Harnoncourt et Karajan qui ont cherché des couleurs dans les interstices de la partition, Muti paraît compact, un peu cravaché, mais avec toujours cette chaleur latine du son qui fait plaisir à entendre. Je suis encore plus réservé sur Caballé. Autant RV s’accommodait du fossé entre sa pleine voix et ses piani, autant l’ut du Nil quadruple piano paraît très artificiel. Et on dirait qu’elle ne respire jamais, ce qui sonne douteux. Cappuccilli est ordinaire, on a enfin un vrai baryton italien, mais il chante à fond, sans subtilité, et Domingo n’est enthousiasmant qu’à la fin. Le reste est tiré, les aigus ont l’air haut et loin pour lui.

    YM : Je vous rejoins. L’air du Nil de Caballé est l’un des plus décevants finalement, trop peu porté sur l’intériorité, et je n’aime pas du tout ses attaques de glotte qui font mère nourricière, femme mûre. Tout est dans le chant, elle s’amuse beaucoup avec la dynamique, mais où est le sens ? Il n’y a aucune fragilité, et le point de montage entre le sib et le contre-ut est vraiment laid. Dans le duo, les sanglots sont même insupportables. Cappuccilli, c’est un peu Hampson avec une voix, guère plus. Quant à Muti, on retrouve son art du compromis, à coups de cravache manquant de continuité.




     
    Version Mehta



    Birgit Nilsson (AĂŻda)
    Mario Sereni (Amonasro)
    Franco Corelli (Radamès)
    Grace Bumbry (Amnéris)
    Orchestra del Teatro dell’Opera di Roma (1966)



    TC : Je ne suis pas vraiment convaincu par Nilsson, très exotique cette fois, et surtout impossible de grave. Sa voix de poitrine est grêle, et la vocalité tellement sans histoire, les aigus tellement larges, spontanés que cela donne l’impression d’un personnage un peu creux. Et pourtant, elle essaie de faire des choses, même si elle émet son contre-ut comme on appuie sur un bouton. Bumbry est habitée, possédée presque. J’aime bien l’amour qu’on peut sentir entre le père et la fille. Malgré une matière floue, Sereni propose quelque chose. Corelli est magnifique, spontané, naturel, vraiment excellent.

    MM : Je trouve cette version carrément expédiée. On fonce dans le tas et on voit ce qui reste à la fin. La flamme devient précipitation, on n’a pas le temps de comprendre ce qui se passe. Et après tout ce qu’on a entendu, Nilsson est une anti-Aïda, un javelot qui essaie de faire des nuances mais qui n’arrive pas à descendre sous le mezzo-piano. Elle ne me raconte absolument rien, la diction est exotique, le vibrato raide, la voix ne chante pas. Corelli est superbe, c’est l’évidence de Radamès. J’aime bien le côté plus noir du timbre de Sereni, un bon compromis entre tous les Amonasro qu’on a entendus.

    YM : Je suis moins réservé que vous. L’orchestre est certes brouillon, le discours précipité, mais il y a plus de caractère et de couleur que chez Muti, et c’est seulement la troisième fois que j’entends un dialogue dans l’air du Nil avec les bois. Je suis partagé sur Aïda, car finalement, je n’ai rien entendu d’aussi sincère dans tout Caballé que le dernier aigu piano qu’essaie de faire Nilsson avec ses moyens. Après, ce n’est en rien la voix idéale pour le rôle-titre. J’aime beaucoup la déclamation de Sereni, son personnage intéressant, malgré des aigus un peu courts. Corelli est royal, le plus beau Radamès de cette confrontation.



    La délibération tourne vite au blocage, et malgré les quantités de calissons apportées par MM de retour d’Aix-en-Provence afin d’amadouer ses deux confrères, on frôle rapidement le pugilat, intellectuel il va sans dire. MM souhaiterait garder Serafin II, Karajan, Muti et se demande s’il ne faudrait pas repêcher Solti. Idée qui fait frôler la syncope à YM, qui aimerait garder Serafin II, Toscanini, Harnoncourt et Mehta (ou Muti).

    TC est partagé : Muti est un moyen terme, sans doute la version de base, mais il aimerait signaler des versions plus modernes et différenciées : Serafin II pour Callas, Toscanini pour la direction, Karajan pour l’approche de la matière sonore, et Harnoncourt pour la fouille des terres inexplorées de la partition.

    Deux possibilités apparaissent. Soit récompenser les meilleures versions d’Aïda dans l’absolu, les plus cohérentes dans leur ensemble, soit celles qui proposent des points de vue différents et complémentaires sur l’œuvre, quitte à fermer les yeux et les oreilles sur certaines individualités douteuses. Auquel cas il faudrait accepter de se séparer de Muti et Mehta, malgré la tenue globale excellente du premier, malgré Corelli et Bumbry sans doute passionnants au IV pour le second.

    Au terme d’un bon quart d’heure de négociations, il est finalement décidé de valoriser une grille de lecture subjective Altamusica, et donc quatre approches différentes d’Aïda qui ne feront pas double emploi avec les discographies bien connues des lyricophiles possédant de nombreux guides Fayard et Avant-Scène Opéra.

    Sont donc qualifiés pour le dernier round consacré à l’acte IV (Scène du Jugement (J), duo final) Serafin II, Toscanini, Karajan et Harnoncourt.


     
    Yannick MILLON
    Mehdi MAHDAVI
    Thomas COUBRONNE



     

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