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SELECTION CD 19 avril 2024

Anniversaire Sibelius
Discographie comparée :
Quatrième Symphonie


© Visit Finlande


Deuxième week-end de janvier 2015. Loin de Paris, entourés de sapins aux faux airs finlandais, Pierre-Emmanuel Lephay, Benjamin Grenard et Yannick Millon passent au crible 15 versions de la Quatrième Symphonie, chef-d’œuvre de désolation écrit en 1911 par Sibelius qui se savait atteint d’un cancer de la gorge qui ne devait pas l’empêcher de vivre quarante-six années encore.


Le 08/12/2015
Yannick MILLON
Benjamin GRENARD
Pierre-Emmanuel LEPHAY

 

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     Deuxième tour

    Version Rattle




    BG : Ca me plaît assez. Plus défini que dans les mouvements précédents, et couleurs plus belles également. Beau travail de timbres, très belle flûte, rayonnante, fagott terne et étriqué, clarinette assez belle sauf dans le grave. Ambiance bien menée et concentrée. Le discours elliptique passe plutôt bien. Je décroche un peu quand la masse intervient, quand les phrases s’allongent.

    YM : Je ne suis pas convaincu. Contredit le premier mouvement, avec une pâte sonore dense, pleine. Matière morte, syncopes inertes, rien de frémissant ou d’humain. Magnifique construction sonore, mais pur travail structurel. Je n’aime pas la flûte, qui fait passer autant d’air que de son, avec un vibrato trop gros. Bois opulents, jouisseurs, étranges dans un contexte un peu ascétique. Silences plats et appliqués.

    PEL : Il n’y a pas d’humain, ce qui tombe bien car c’est une musique morte, qui évoque le vide absolu. Rattle réussit parfaitement le climat chostakovien de ce mouvement. Je suis pris du début à la fin. Il y a de l’émotion sans emphase, une progression magnifiquement gérée vers le climax. Et les moments de calme ne sont jamais creux. Je trouve ça au contraire très habité, très émouvant. Climat de désolation, fantomatique, très morne plaine.




     
    Version Sanderling




    YM : Parfaitement cohérent avec ce qui précède. Questionnement, doute, inquiétude, angoisse, soit l’état du compositeur malade au moment il a écrit la Quatrième. Chaque note est portée par un sentiment, par de la vie, de l’humain. Beaucoup de frémissement dans les trémolos de cordes. Aucune surcharge ni emphase, magnifique climat dans les pizz du passage parsifalien. Poids des timbales dans le climax, où l’on entend les cors bouchés jusqu’au bout, et pas seulement à l’attaque. Couleur crépusculaire et exsangue très prenante.

    PEL : J’aime mieux que dans les deux premiers mouvements. Cela avance, avec de belles gestions des montées, mais Sanderling tire à peine sur la corde sensible parfois, ce qui me dérange un peu. Attaques pas très belles de l’orchestre, notamment des timbales, ce ne sont pas de beaux instruments à Berlin-Est. Clarinette qui poitrine un peu, quelques facilités. C’est plus humain, assez séduisant dans l’ensemble. Et on trouve un peu de mystère.

    BG : Très humain en effet dans les grandes phrases lyriques. Contraste réussi entre ce caractère et l’intelligence de la conception dans les passages minimalistes et raréfiés, plus sobres, en demi-teinte, plus pudiques. Parfois un peu terne, mais cela aide à mieux camper un sentiment triste et désolé. Après le Scherzo en gigantesque point d’interrogation, l’habileté à gérer les deux climats du mouvement lent apparaît extrêmement cohérente. Conception très mûrie. La musique prend corps magnifiquement, comme dans le mouvement lent de la Quinzième de Chostakovitch par le même Sanderling.




     
    Version Saraste :




    PEL : Mêmes impressions qu’au premier tour, je suis ennuyé. C’est un peu épais dans les traits de cordes, les contrastes ne sont pas assez marqués car les nuances ne sont pas respectées. La grande montée des cordes n’a pas le côté éperdu de chez Sanderling, et la fin n’est pas aussi désespérée que chez Rattle. Il y a trop de vie.

    BG : À l’inverse, je ne retrouve pas ce que j’aimais dans les deux premiers mouvements. Beaux passages dans le lyrisme, syncope de violons de la fin avec une belle langueur, pesante. Mais je suis un peu déçu quand même, car je ne retrouve pas les sonorités que j’avais aimées au premier tour. La flûte, notamment, est osseuse.

    YM : Suis très déçu aussi. On retrouve les qualités de cette version, qui ne conviennent pas au mouvement lent. Douceur du tapis de cordes, impressionniste, fin, léger et flou, mais je n’aime ni la flûte trop vibrante, ni le basson flageolant. Accompagnement décoratif des trémolos. Version expédiée et trop objective, avec une syncope finale solfégique. Une approche qui a des limites flagrantes ici.




     
    Version Berglund




    BG : Mieux assumé que Saraste. Cela dit, je n’ai pas encore trouvé mon Sibelius rêvé dans ce troisième mouvement. Sons parfois un peu maigres, cela manque de respiration, de souffle profond. Grandes phrases bien conduites. Climax compact aux cordes. J’aurais aimé plus de tradition germanique au niveau sonore dans ce mouvement-là.

    YM : Meilleur exemple d’approche évoquant le néant, la mort, mais avec une vraie vie intérieure. Climat désolé, dans des textures idiomatiques : son d’orchestre sans graisse, émacié, typique de la musique nordique. Manière d’avancer avec un sentiment d’abattement, climax saisissant, quatrième temps extraordinairement appuyé, trombones fabuleux de laideur enténébrée. No man’s land de la fin.

    PEL : Ca se cherche, et ça s’entend. Et je le perçois négativement. Berglund donne l’impression qu’il ne sait pas où il va. Je trouve ça peu habité finalement. Je n’ai pas retrouvé l’aspect fantomatique du premier mouvement. Et contrairement à vous deux, je trouve la dernière montée un peu grasse, certainement pas désossée. La prise de son favorise de toute façon trop les cordes. Climax un peu spectaculaire.




     
    Version Maazel




    YM : Si on avait peur que Maazel se noie dans trop de pathos, nous voilà rassurés. Il a tellement peur de plonger dedans qu’il fonce dans le tas. Il survole la partition, sans mystère, et avec des silences de pur remplissage. Conception très horizontale et mélodique. La polyphonie n’existe pas, rien ne s’imbrique. Climax presque prosaïque. Dommage, car c’est le plus bel orchestre entendu jusque-là – les violoncelles, la flûte. Très exact de rythmes, mais ô combien superficiel.

    PEL : Tempo très rapide, et on retrouve ce côté très actif, et au final peu d’étrangeté. Première montée pourtant très pathétique, mais par la suite, cela retombe et Maazel fait passer la dernière montée et le grand crescendo comme une lettre à la poste. Violoncelles sublimes aussi, trémolos trop actifs. On arrive à la fin sans s’être rendu compte de rien, sans avoir rien vécu.

    BG : Suis d’accord, beaux bois, orchestre magnifique. Meilleur rapport souffle-son-silence, son architecturé, Sibelius très loin de la Finlande, trop cultivé et raffiné, soyeux, finalement hors sujet. Autant le premier mouvement, déchirant, me plaisait, autant je ne retrouve rien de cela ici. Très décevant.




     
    Version Vänskä




    PEL : Je suis bouleversé ! […long silence…] C’est fort… Et tenir en haleine avec une lenteur pareille ! Et cette fin comme une interminable attente. Et quel orchestre ! Je crois que j’aime tout. Les trémolos sont magnifiquement faits, la phrase de violoncelle était d’une angoisse, d’une suspense hitchcockien. Je suis très ému. Et on retrouve les qualités précédemment évoquées. On est dans l’antithèse absolue de Maazel. C’est une version très étrange mais complètement fascinante. Je redécouvre ce mouvement.

    BG : Suis entièrement d’accord. Un moment très fort de cette soirée d’écoutes. Surtout assis dans son salon face à un CD ! On a pu se rendre compte vu au fil des écoutes que ce mouvement est extrêmement difficile. Et là, on évolue très très au-dessus des meilleures autres versions entendues. Flûte magnifique, superbe fagott également, ce qui est rare. Sentiment de désolation absolue, et des silences abyssaux. Souffle profond et fin, concentration d’énergie phénoménale. Pudeur dans l’expression, rondeur dans le son. Solo de violoncelle plein de poésie dans ses ellipses, homogénéité incroyable de l’orchestre. Fondu et continuité extraordinaires. La musique se désagrège totalement à la fin.

    YM : Vänskä pulvérise littéralement la discographie, et renvoie notamment Rattle à ses incohérences. Sentiment d’absolu à chaque mesure, et avec l’Orchestre de Lahti, une ville moins peuplée que Dijon ! Incroyable d’avoir un tel potentiel symphonique dans un coin aussi perdu. Flûte sublime, clarinettes aux soufflets impalpables. Climat de mort, avec une micro-pulsation intérieure à peine perceptible, qui fait tout le travail d’hypnose. Transitions néant-son-néant extraordinaires, trémolos du Cygne de Tuonela, timbales souterraines. La fin serre la gorge, le temps s’arrête, le cœur va s’arrêter de battre, c’est tétanisant. Pauvre Barbirolli, qui doit passer après ça !




     
    Version Barbirolli




    BG : J’arrive, après Vänskä, à être séduit par Barbirolli ! Belle ambiance, finition moyenne, justesse perfectible, un peu prosaïque aussi dans un tel contexte. Et pourtant, cette version arrive à trouver une urgence façon live qui manque à tant de versions. Souffle palpable, solos expressifs, effets de rubato. Pas mal de flou, mais sentiment de désolation, d’épuisement à la fin. C’est très réussi.

    YM : C’est déjà un miracle en soi que cette version ne s’évanouisse pas dans le néant après Vänskä. J’ai été touché d’un bout à l’autre. Cela commence de manière claire, fragile, émerveillée. Les cuivres ont presque une sonorité médiévale, de vieux conte. Ce son écorché de l’orchestre est très émouvant, avec des altos bien charnus. Sonne beaucoup plus sibélien que dans les deux premiers mouvements. La fin émeut beaucoup, grande tristesse, qui laisse parler un désespoir latent.

    PEL : En écoute dans la continuité, le choc du mouvement lent doit être rude dans cette version. D’autant qu’on s’attendait à tomber de haut après Vänskä. C’est habité, ça tient en haleine, c’est émouvant, touchant, avec des moyens beaucoup plus modestes. Après la montée des violoncelles, la phrase des altos est magnifique. Très étonnante réussite.




     
    Version Segerstam




    YM : On termine plutôt très bien. On retrouve un temps dilaté dans la manière de Vänskä ou Rattle, sans le jusqu’au-boutisme du premier ou l’inertie du second. La flûte, large, très vibrée, étonne dans un contexte de pureté orchestrale aussi typique de la Finlande. Violoncelle solo d’une sveltesse admirable, et climat très minéral. Jeux rythmiques toujours à l’affut, l’oreille est sans cesse attirée par des détails. Intelligence des timbres, retrouve le sforzando sur le quatrième temps du climax de Berglund. Et j’aime beaucoup le sentiment de faux arrêt par deux fois à la fin. Moins prenant que Vänskä ou Barbirolli, mais typiquement sibélien.

    PEL : On reste à un haut niveau. Flûte pas très belle dans l’aigu effectivement, et pourtant séduisante dans le médium. Les cordes sont par contre magnifiques, le solo de violoncelle suspect, qui ressort façon coup de potentiomètre, bidouillage de la prise de son. Décidément, on termine en beauté, avec trois superbes versions.

    BG : Je vous rejoins. Moins émouvant que Barbirolli et Vänskä, mais incroyablement mieux mis en place que Barbirolli, ce qui n’est pas négligeable. Plus typique, choral brucknérien plus posé. Expression plus contenue et très belle continuité. Fait vraiment de Sibelius une musique en perpétuelle transformation. Musique de processus, beaucoup moins morcelée que dans les autres. Son tendu et aérien à la fois dans la montée au climax. Peu de chefs en sont capables. Syncope glacée des cordes à la fin.



    L’exigence du mouvement lent entraîne une volonté de garder quatre versions pour le dernier tour consacré au Finale de la symphonie. D’évidence, Vänskä, Barbirolli et Segerstam sont qualifiés pour l’ultime tour de table. YM hésite entre Sanderling et Berglund comme quatrième choix. BG trouve une plus grande cohérence intellectuelle chez Sanderling. PEL et YM pensent en outre qu’il serait intéressant de différencier un peu les approches pour le dernier tour. Vänskä, Barbirolli, Segerstam et Sanderling sont donc qualifiés.

     

     

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