Les 50 ans du Quatuor Pražák

Les Pražák soufflent leurs cinquante bougies. Fondé par le violoncelliste Josef Pražák en 1972 avec ses copains étudiants de Prague les violonistes Václav Remeš, Vlastimil Holek et l’altiste Josef Klusoň, le quatuor commence à briller à l’Ouest en remportant le Concours d’Évian 1978. À la chute de l’Union soviétique, Pierre-Émile Barbier prend les jeunes Tchèques dans son écurie Praga Digitals, et commence à les faire enregistrer dès 1992, dans les Quatuors Prussiens de Mozart et les Erdödy de Haydn qui arriveront dans les bacs courant 1994. C’est le début de l’un des compagnonnages artistiques les plus féconds de l’histoire récente.

La formation connaît son âge d’or dès ses tout premiers albums Praga – le disque n’a conservé que quelques sessions Orfeo, Nuova Era et Supraphon antérieures avec le fondateur Josef Pražák, qui a cédé son fauteuil à l’extraordinaire Michal Kaňka en 1986. Le quatuor trouve alors son rythme de croisière et enchaîne les succès sans entrave pendant presque quinze ans. Seulement, la tuile arrive en 2010 : le premier violon doit mettre un terme à son activité, en raison de la dystonie qui commence à paralyser ses doigts.

Après un court essai avec Bohuslav Matoušek, ancien premier violon du Quatuor Stamitz, le poste est proposé à Pavel Hůla, du Quatuor Kocian. Malgré son niveau, les premiers moments sont difficiles au point qu’il doit changer d’instrument pour mieux s’harmoniser avec ses partenaires. Les Pražák parviennent finalement à retrouver leur identité, entre densité et couleurs Mitteleuropa. Mais les années passent, et Hůla doit à son tour être remplacé en 2015, au point qu’en 2020, le quatuor historique décide de cesser son activité pour se reformer autour de son seul altiste.

Pour fêter ce demi-siècle, mais aussi le trentième anniversaire des débuts chez Praga, la firme rachetée par Nicolas Bartholomée à la mort de Barbier réédite en très beau coffret carré l’intégralité des enregistrements effectués entre 1992 et 2018, soit 50 CD pour une majorité multirécompensés tant pour leur contenu artistique que pour leurs magnifiques prises de son auxquelles un remastering confère encore davantage de présence et de grain.

Les compléments de certains albums originaux avec d’autres interprètes ont été écartés, reformant certains couplages. Sur les 66 parutions des Pražák à ce jour, seules les 14 plus récentes n’affichent pas Remeš au premier violon – les deux disques de la toute nouvelle équipe post-2020 n’ont d’ailleurs pas été repris. En outre le coffret des trente ans de Praga chroniqué l’an dernier comportait seulement un cinquième des enregistrements réédités ici.

En reparcourant ce massif irrésistible, on est frappé par la polyvalence stylistique du Quatuor Pražák, qui s’adapte sans la moindre faiblesse instrumentale à chaque compositeur en se faisant oublier derrière les notes, tout aussi à l’aise dans le classicisme que dans la Seconde École de Vienne, dans le grand romantisme allemand que chez Feld, Martinů ou Schulhoff.

À l’heure de l’« intégralite », les Pražák étonnent d’ailleurs par leur tendance à herboriser : hormis les cycles Beethoven, Brahms et Schoenberg, on ne trouve dans leur discographie que six quatuors de Mozart, quatre de Chostakovitch, et seulement les cinq derniers de Dvořák et les quatre derniers de Schubert… mais tout de même quatorze quatuors de Haydn. Dans cette somme, exception faite de l’album en concert de 2008, très peu de redites, sinon les quatuors de Janá�ek et Smetana et le Quintette en sol mineur de Mozart, avec pour les deux premiers une assez nette supériorité de la première version sur le remake.

Le livret propose (en français) un entretien de Georges Zeisel avec deux des membres fondateurs des Pražák, ainsi qu’un instructif article de dix pages sur L’École bohémienne du quatuor à cordes. Un coffret en or massif.



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