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SELECTION CD 03 mai 2024

Bach au jardin Zen



Comment rendre la puissance de Bach organiste avec un seul piano ? Ce défi extraordinaire proposé par le compositeur Ferruccio Busoni, peu de pianistes sont capables de le relever. Kun Woo Paik est de ceux-là.



Le 22/03/2001
Olivier BERNAGER
 

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     Bach/Busoni

    Œuvres de Jean-Sébastien Bach transcrites par Ferruccio Busoni
    Bach / Busoni
    Œuvres de Jean-Sébastien Bach transcrites par Ferruccio Busoni

    Kun-Woo Paik, piano
    Toccata en ut majeur pour orgue BWV 564
    Divers Chorals et Préludes et fugues pour orgue (BWV 667, 645, 659, 734, 639, 665, 615, 617, 637, 705)
    Chaconne de la partita n°2 pour violon, BWV 1004
    Decca 467 358


    Kun Woo Paik est un pianiste admirable. Son intégrale Ravel sortie en 1991 chez Dante a montré sa capacité d'introspection pour une oeuvre qu'on tire trop souvent vers le pur hédonisme sonore. Ses Concertos de Rachmaninov publiés chez BMG en 1998 ont évité le cliquant hollywoodien sans pour autant refuser leur emphase. D'une virtuosité transcendante et sans esbroufe, ce maître d'origine coréenne installé à Paris entrouvre la porte de son jardin secret avec un disque consacré aux fameuses transcriptions de Bach écrites par Busoni.

    D'un caractère méditatif, Kun-Woo Paik sait trouver le chemin de la sérénité dans les chorals Wachet aufn ruft uns die Stimme BWV 645, Ich ruf' zu dir, Herr Jesu Christ BWV 639, ou Jesus Christus, unser Heiland BWV 665. Mais sérénité n'est pas soumission et demi-voix : son interprétation est dynamique. Ainsi, ses nuances dans le registre pianissimo, rendent cette musique contemplative encore plus chuchotée, plus mystérieuse, presque plus inquiétante. Comme un maître zen, il ratisse le jardin de Bach en longues lignes sinueuses aux limites du silence, il maîtrise chaque accélération, chaque résonance, chaque souffle de vie.

    Mais ce disque recèle aussi l'immense Toccata en ut majeur BWV 564 qui forme avec la Toccata dorienne et la Toccata en ré mineur les trois clés de l'oeuvre d'orgue de Bach. On sent ici que Kun-Woo Paik aime l'orgue, qu'il l'a beaucoup écouté et qu'il cherche à dominer cette puissance absente qu'est la sonorité de l'église, par les moyens du piano. Il procède donc par plans sonores : il registre, il tire les jeux. Clairement, assurément, franchement. Et puis il y a cette virtuosité puissante, massive, qui fait penser à Emil Guilels en plus intelligent.

    Les transcriptions de Busoni sont des oeuvres à part entière de Busoni : elles reflètent l'esprit de Bach sans être du Bach. C'est le génie de ce pianiste compositeur d'avoir élevé le piano jusqu'aux hauteurs métaphysiques de l'orgue. L'interprétation de ces transcriptions met forcément l'artiste face à un dilemme : jusqu'où doit-il se souvenir de Bach ? Beaucoup de pianistes les jouent, souvent en bis, mais peu sont capables d'offrir une réponse musicalement et intellectuellement satisfaisante. Kun-Woo Paik les domine.

     

     

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