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SELECTION CD |
06 mai 2024 |
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Balzac croque la vie musicale |
Balzac et la musique "Charges", "Gambara", "Massimilla Doni", "Sarrasine"
Textes réunis et annotés par Pierre-Albert Castanet
Editions Michel de Maule (l45 F)
Écrites entre 1830 et 1840, elles méritaient qu'un musicien leur consacrât une analyse qui irait bien au-delà de leur stricte qualité littéraire. Car les trois récits qui tiennent à la fois du conte philosophique et philosophique, du traité d'organologie, du traité d'acoustique et de l'essai sociologique, recèlent une foule de concepts singulièrement prophétiques des avancées musicales qui seront celles du XXe siècle.
Certes, dans ces tableaux de moeurs d'une époque en pleine effervescence sociale et esthétique, on rencontre des jeunes femmes ensorcelantes, évoluant dans la Paris sordide des mauvais quartiers ou celui des hôtels somptueux du Palais-Royal, dans les palais vénitiens ou les alcôves des courtisanes, qui, lorsqu'elles ne sont pas séduites et abandonnées, précipitent princes et artistes dans le cercle des passions infernales.
Mais on y voit surtout un compositeur visionnaire, Gambara, aux marges de la démence, appliquant les principes des lois de la physique et des mathématiques à l'élaboration de son grand opéra "Mahomet", un androgyne sublime, la Zambinella, envoûter un jeune sculpteur, Sarrasine, et le conduire au désespoir en lui révélant sa nature de castrat, une cantatrice barbare, séduire un noble vénitien et tenter de lui voler l'amour d'une capiteuse aristocrate, Massimilla Doni, délaissée par son barbon de mari.
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Autant de jeux de masques et de travestissements honorant les vertus orphiques de la musique, tandis que dans les bouges ou les loges des Italiens, on débat de l'idéalisme allemand opposé au sensualisme italien, en faisant de Beethoven le champion des nantis, pour laisser Rossini "s'abaisser jusqu'aux foules", que l'on célèbre le culte de Meyerbeer, que se nouent les intrigues de l'Eglise et s'exacerbent les jalousies corporatistes.
À travers la fiction romanesque, le génie de Balzac s'empare des signes annonciateurs de nouvelles stratégies musicales, et projette jusqu'à nous de manière troublante une perception radicalement nouvelle de la musique de l'avenir. Pour nous accompagner, commenter, débusquer les intuitions les plus subtiles de Balzac, Pierre-Albert Castanet en appelle aux philosophes, aux écrivains et aux musiciens, contemporains ou non, et livre ici l'appareil critique passionnant et très complet de trois moments trop souvent négligés de la Comédie Humaine.
Surtout, ne pas manquer de lire le mini chapitre intitulé "Charges", où il est question d'un "grand concert vocal et instrumental donné au profit des blessés du Juste-Milieu, qui fera entendre un brillant solo sur Le Pistolet de paille et le Sabre de bois", tiré du grand opéra de La Mère Michel. Deux pages d'un humour corrosif, sur le ridicule qui s'attache en certains lieux aux programmes de concerts, à leur public et à quelques "imprudents compositeurs". Hoffnung en aurait fait ses délices !
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