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SELECTION CD 28 mars 2024

Une passion soulagée



Il y a trente ans déjà, Nikolaus Harnoncourt bousculait définitivement une vision de la Passion selon saint Matthieu pétrifiée dans le marbre. On en attendait qu'avec plus d'impatience sa relecture du nouveau millénaire. Une fois de plus, le chef viennois réussit à surprendre, mais cette fois avec des armes dont on ne le savait pas maître.


Le 20/04/2001
Philippe VENTURINI
 

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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


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     Une passion soulagée

    Johann Sebastian Bach
    Passion selon saint Matthieu BWV 244

    Christoph Prégardien (ténor, Evangéliste), Matthias Goerne (basse, Jésus), Christine Schäfer, Dorothea Röschmann (sopranos), Bernarda Fink, Elisabeth von Magnus (altos), Michael Schade, Markus Schäfer (ténors), Dietrich Henschel, Oliver Widmer (basses), Wiener Sängerknaben, Arnold Schönberg Chor, Concentus musicus Wien, Nikolaus Harnoncourt (direction)
    1 album de 3 CD Teldec " Das alte Werk " 8573-81036-2
    Enregistré en 2000 – Minutage : 2 h 42 min


    En 1971, Nikolaus Harnoncourt avait dynamité la prison sulpicienne dans laquelle étouffait la Passion selon saint Matthieu. En y mettant, pour la première fois au disque, les pratiques d'interprétation "baroque", il restituait à une funèbre galerie d'orants, paralysés de dévotion, le souffle de la vie, le goût de la mort et la douleur d'un drame universel. D'objective et marmoréenne, l'oeuvre devenait enfin subjective et frémissante.

    Trente ans après (oublions l'enregistrement public de 1985 pour restaurer le toit du Concertgebouw !), Harnoncourt remet sa partition sur le métier. Bien qu'accessoire, la comparaison ne peut s'éviter. Premier constat : la finition, instrumentale et chorale, se révèle supérieure et permet ainsi des lignes plus nettes, des traits plus incisifs, des espaces plus vastes. Incontestablement, Harnoncourt maîtrise davantage les différents niveaux de cette gigantesque architecture et en présente une vision plus synoptique. Chaque page s'éclaire d'une parfaite compréhension dramatique et rhétorique. Ainsi Harnoncourt sait-il varier le ton et l'expression de chaque choral en fonction du récitatif et de l'air qu'il commente.

     



    Si la mise en perspective, pièce par pièce, des deux versions révèle toujours un contrôle plus serré dans la seconde, la perception des deux lectures présente quelques différences tant par les choix interprétatifs du chef que par les interventions des solistes. Il y a fort à parier que certains estimeront cette nouvelle interprétation moins émouvante, moins féroce (les interrogatoires), moins vacillante de fragilité humaine que la première.

    Malgré des contrastes et un souffle dramatique continu, Harnoncourt laisse effectivement moins de place au doute. Plus sereine, plus confiante, quelque part plus abstraite, cette lecture semble davantage soulagée par la promesse de la Résurrection qu'inquiétée par le drame de la Crucifixion (l'imperturbable assurance de l'air pour alto et choeur n°60). Le remplacement des voix masculines aiguës (enfants et contre-ténor) par des voix féminines participent naturellement à cette impression (émission plus sûre, couleur plus univoque).

    Au sein d'une équipe de très haute tenue, on retiendra, entre autres, l'Evangéliste franc et nuancé de Christophe Prégardien, le Christ bouleversant d'humanité de Matthias Goerne et le chant tout en clair-obscur de Bernarda Fink. Les mélomanes équipés d'ordinateurs (Mac ou PC) pourront écouter cet enregistrement tout en suivant la partition manuscrite de Bach reproduite dans son intégralité.

     

     

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