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SELECTION CD 29 mars 2024

Les variations diaboliques



Si son nom n'est pas facile à prononcer, la lecture des Variations Diabelli, que vient de graver Piotr Anderszewski, est, elle, aussi immédiate que frappée du sceau de l'évidence. Un enregistrement qui fera date pour ce monument pianistique étrangement délaissé.


Le 07/06/2001
Pauline GARAUDE
 

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     Les variations diaboliques

    Variations Diabelli de Beethoven
    Piotr Anderszewski, piano
    Notice en anglais, allemand et français de Marcel Marnat
    Virgin Classics 7243 5 45468 2 2


    À l'origine des Variations Diabelli, il y a d'abord un défi que Beethoven a dans un premier temps méprisé, pour ensuite le relever et mieux s'en moquer. Cette moquerie-là va engendrer l'un des plus grands monuments jamais édifiés à la gloire du piano.

    Beethoven n'aime rien tant que faire imploser les formes convenues, briser les carcans, dynamiter le confort et les certitudes d'écoute. L'objet du défi, le thème de valse anodin d'Anton Diabelli, le compositeur va le triturer, l'essorer, l'épuiser, en pousser les moindres potentialités rythmiques, mélodiques et harmoniques à l'extrême limite du possible.

    Du coup, l'oeuvre ouvre des perspectives dans toutes les directions. " Les Diabelli sont une des oeuvres (
    ) où il [Beethoven] va le plus en arrière, se tournant vers Bach et Mozart, et le plus en avant, en annonçant dans certaines variations la musique de Chopin et de Brahms "
    , prévient Piotr Anderszewski .

    Sous ses doigts, les Trente-trois Variations gagnent un impact immédiat, un lyrisme épuré, ample, relevé d'une ironie implacable que l'on n'avait jamais perçue si corrosive, et si diabolique. Anderszewski parcourt ces variations en forme de miroirs déformants avec un rare sens de l'équilibre et de la pulsation intérieure.

    Mêlant rigueur et liberté, son interprétation donne l'impression contradictoire d'être très réfléchie et en même temps spontanée, presque improvisée. Son jeu analytique procure un éclairage d'une profondeur sans égale dans les variations fuguées, tandis que la souplesse et l'impétuosité des phalanges se plaisent autant à creuser la gravité que griffer d'un sarcasme.

    Cette verve est inséparable de la fermeté, de la fluidité et de la netteté de son articulation. Et ses nuances, comme la variété des timbres, sont si luxuriantes que l'oeuvre gagne un relief qui est la marque des grands interprètes ; on songe à Arrau ou Richter. Boucourechliev disait des Diabelli qu'elles étaient une " prodigieuse aventure de l'esprit". Cet enregistrement l'est aussi.

     

     

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