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| SELECTION CD |
20 avril 2024 |
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ÂŒuvres pour piano de Leos Janacek
In the mist, Sonate IX 1905, On an overgrown Path, A recollection
Andras Schiff(piano)
ECM.461 660-2
Autodidacte, utopiste, visionnaire, pédagogue engagé, ethnologue, philologue, le Morave Leos Janacek aura été ce grand et savant solitaire, qui, sans jamais quitté sa ville natale de Brno, restera farouchement attaché à la réalité et à la culture de son peuple, un peuple rude, poète et musicien, gardien de l'identité nationale.
Ses opéras, son oeuvre symphonique, son travail de collecteur aux sources de la musique populaire morave, en seront l'expression directe et forte. Mais sa musique pour le piano est d'une toute autre nature. Le piano sera toujours pour lui le médiateur irremplaçable, le témoin d'une vie intérieure cultivée en secret, capable de dire ce que la parole seule ne peut traduire : ces sensations diffuses, inexprimables.
In the mist (Dans les brumes) est de cette veine, et il faut prendre son titre au premier degré. Énigmatique et envoûtante, la musique révèle exactement l'état de doute et de confusion dans lequel se trouvait le musicien à l'approche de la soixantaine, au moment où il composait son opéra Jenufa, premier de la série des chef-d'oeuvre des dernières années, qui lui vaudront enfin la reconnaissance de la communauté musicale.
La pièce entière évolue autour d'une unique phrase musicale, sans réel développement, sans aucune virtuosité, avec quelques brefs élans vite réprimés, insistante, comme si la répétition était le ressort de l'émotion, comme si la question ne pouvait être que sans réponse.
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Rupture radicale avec la Sonata IX.1905 (le pressentiment, la mort) : c'est le cri de rage de Janacek après l'assassinat en pleine rue d'une jeune militant de vingt ans, Frantisek Pavlik, qui prenait part à une manifestation en faveur de la création d'une université tchèque. Et le piano est là pour faire rendre gorge à la musique, dans le pressentiment de l'horreur à venir, et dans la mort sauvagement donnée. La mélodie vole en éclats, ralentit, accélère, et stoppe brutalement sous le coup de la dernière balle des assassins : " qu'on ne me parle pas de son pur en musique. Ici, plus qu'ailleurs, il est dans la vie et dans le sang, et c'est sa seule raison d'être. "
Autre humeur encore avec les deux cahiers de On an overgrown Path (Par les sentiers herbeux) , imprégnés de la poésie populaire morave. Des micro-univers affectifs s'y succèdent, travaillés dans toutes les sonorités de la langue tchèque. Sous leur titre bucolique, passent de lourds chagrins (en pleurs, anxiété indicible), des réminiscences (la vierge de Frytek), des interrogations (les mots me manquent). Musique intemporelle, d'une sensibilité extrême, et d'une liberté d'écriture sur laquelle les révolutions du siècle n'auront que peu de prise.
Il faut écouter ce disque comme on entrerait dans un paysage mental, en apparence lisse et tranquille, mais chargé d'orages et de mystères. Le piano d'Andras Schiff y conduit avec une éloquence contenue, attentive au texte, à la recherche d'un vrai dialogue, physique et psychologique. Un art de l'intuition qui se transforme en intime conviction.
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Le piano à vif
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