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SELECTION CD |
26 avril 2024 |
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Donizetti en terres hostiles |
Les Exilés de Sibérie de Gaetano Donizetti
Gli Esiliati in Siberia
Choeur de la Radio Lettone ~
Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon,
Direction : Enrique Diemecke
Avec Brigitte Hahn, Luca Canonici, Christine Neithardt-Barbaux, Alessandra Palomba, Alfonso Antoniozzi, Nikola Mijailovic, Valery Ivanov, JĂ©rĂ´me Varnier, et Yann Beuron.
Premier Enregistrement Mondial, effectué par Radio-France au Festival de Montpellier le 12 juillet 1999.
1 CD Editions Actes Sud n° 3 298490 341087.
Paraphrasons un peu Chabrier ; il y a, dans le monde de l'opéra belcantiste du XIXe siècle, trois sortes de musiques. La bonne, la mauvaise
et celle de Gaetano Donizetti. En effet, les nombreux chef-d'oeuvre de celui-ci ne doivent pas masquer une facilité de plume - aux deux sens du terme - absolument décourageante. Le meilleur n'en a pas toujours résulté.
À la décharge du musicien, reconnaissons que certains contrats, dont celui signé avec l'insatiable Domenico Barbaja, n'ont guère contribué à la prise de recul indispensable à une inspiration de haut niveau. Dans les rets dudit Barbaja se trouvent les présents Exilés de Sibérie, donnés en 1827 à Naples, sous le titre Otto mesi in due ore (Huit mois en deux heures, d'après Pixérécourt.)
Deux ans plus tard, la légendaire soprano Carolina Ungher se faisait accommoder, à Rome, le rôle principal (encore une Elisabetta) par la substitution de la scène finale
d'Alina, Regina di Golconda. Modeste aperçu d'une genèse complexe, en fait jamais terminée, autrement que dans la démence qui fut fatale à Donizetti.
Comme à l'accoutumée, les Editions Actes Sud proposent une livraison d'une splendeur éditoriale bien accordée aux soins que le Festival de Montpellier porte à la défense des oeuvres rares - ou inédites (c'est le cas de celle-ci).
La version enregistrée est un aménagement de très nombreuses variantes. Honnêtement cornaqué par Enrique Diemecke, l'excellent orchestre de Montpellier s'implique avec conviction dans une entreprise risquée. En effet, les rapiéçages multiples de l'opéra débouchent sur une pépinière de mélodies convenues (ou connues - l'Elixir d'Amour), aux caballette peu raffinées
D'agréables trouvailles (une ouverture stimulante, un très beau duo soprano-basse, un trio de valeur et l'air du Grand Maréchal par exemple) peinent à gommer l'impression globale de décousu, et les lourdeurs de bien des ensembles. Sans parler des traits d'opéra-comique (car Paris en connut, sous ce label, sa version française) qui ridiculisent le pathos de l'intrigue.
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Un canevas rocambolesque
Nonobstant un canevas rocambolesque voire absurde (vériste avant la lettre et lui aussi très remanié), le propos serait malgré tout défendable avec une équipe vocale solide et soudée ; ici introuvable. Si l'héroïne Elisabetta trouve en Brigitte Hahn bien mieux qu'un faire-valoir, sa partie est très éprouvante, elle chagrine un peu par l'émission pénible de quelques notes aiguës forte, et un chant de grâce (spianato) d'une sidérante monotonie.
Luca Canonici (Potoski, son papa) attirerait presque la sympathie tant il met met d'implication dans un autre rôle difficile, à défaut d'être passionnant. Malheureusement, il ne lui reste plus beaucoup de voix digne et ses aigus mettent durement l'oreille à l'épreuve .
À l'exception de Nikola Mijailovic (Grand Maréchal), personnage fugace mais musicalement bien servi, les trois autres chanteurs de " clefs de fa " rivalisent de nasalité molle et tâcheronne. Enfin, notre Christine Barbaux nationale en Fedora expédie les affaires courantes avec un haut-médium désormais en pré-retraite. Maigre bilan.
Donc, plutôt que de s'exiler dans des contrées hostiles et glaçantes, l'amateur de raretés donizettiennes se tournera avec profit vers les merveilles consignées par Montserrat Caballé (Parisina d'Este, Caterina Cornaro, Maria Stuarda...) toutes disponibles dans la discographie, disons " parallèle ".
Il comptera aussi avec la réédition toute fraîche chez Westminster de la trilogie des reines avec Beverly Sills, au sein de laquelle on retient un Roberto Devereux à se pâmer ; ou encore, certaines réussites de la marque Opera Rara, dont une Rosmonda d'Inghilterra avec une Renée Fleming à faire fondre toutes les glaces de Sibérie.
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Donizetti en terres hostiles | |
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