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SELECTION CD 24 avril 2024

Ariane cousue de fil d'or



Le dernier enregistrement discographique de Giuseppe Sinopoli est de nature à balayer les doutes sur ce chef controversé. A la tête de la Staatskapelle de Dresde et porté par un plateau vocal d'exception –en tête Natalie Dessay et Anne-Sofie Von Otter-, il livre un testament magistral avec cette Ariane à Naxos.



Le 21/11/2001
Jacques DUFFOURG
 

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     Ariane cousue de fil d'or

    Ariadne auf Naxos par Sinopoli

    Staatskapelle Dresden
    Direction : Giuseppe Sinopoli.
    Avec Deborah Voigt : Primadonna, Ariadne ~ Anne-Sofie von Otter : Der Komponist ~ Natalie Dessay : Zerbinetta ~ Ben Heppner : Der Tenor, Bacchus ~ Albert Dohmen : Ein Musiklehrer ~ Stephan Genz : Harlekin ~ Christoph Genz : Brighella ~ Ian Thompson : Scaramuccio ~ Sami Luttinen : Truffaldin ~ Michael Howard :
    Ein Tanzmeister ~ Matthias Henneberg : Ein Perückenmacher ~ Jürgen Commichau : Ein Lakai ~ Klaus-Florian Vogt : Ein Offizier ~ Christiane Hossfelfd : Najade ~ Angela Liebold : Dryade ~ Eva Kirchner : Echo.
    2 CD DGG, 2001, n° 0 28947 13232 5.


    On le sait, Ariane à Naxos n'a connu sa version définitive qu'en 1916, avec son Prologue et son Acte unique. Avec cet ultime gravure de Sinopoli, on réalise l'exploit accompli par ce chef récemment disparu dès le prélude de cet Acte proprement dit (plage 9).

    Par un jeu de frictions et d'épanchements aussi sensuel qu'obsédant, il parvient à y concentrer toute la tension accumulée au cours d'un Prologue d'anthologie. C'est aussi une bonne illustration du rôle de dix-huitième protagoniste qu'il délègue à ce petit aréopage de trente-sept musiciens voulu par Strauss et Hoffmanstahl .

    Un Karajan, un Böhm, un Kempe, un Levine, un Masur s'essayèrent certes de même, mais avec une moindre réussite théâtrale. On sait la Staatskapelle de Dresde depuis longtemps intime de Strauss. Avec Sinopoli, qui confère à ses vents une opalescence et une causticité rares, et à ses cordes un moelleux tenu juqu'à la rupture, c'est une trame cousue de fil d'or qui sous-tend cette Ariane sur laquelle s'entrelace une distribution vocale d'exception.

    Les personnages de commedia dell'arte ne connaissent pas de faiblesses, à commencer par les frères Genz en Arlequin et Brighella. Naïade, Dryade, Echo, Laquais, Perruquier, Maître de Danse - et même le Majordome, seulement parlé-, tous les seconds rôles jouent à fond la permanente et spirituelle ambivalence tragi-comique du chef d'oeuvre.

    Le quintette des rôles principaux n'est pas moins relevé. Curieusement, le moins enthousiasmant est peut-être Ariane elle-même : impliquée et convaincante, toujours expressive, Deborah Voigt trouve ses limites dans des forte (" Es gibt ein Reich ", par exemple) mal canalisés au regard d'une Janowitz ou d'une Norman.

    En revanche, le Bacchus de Ben Heppner est un modèle de galbe et de tenue vaillante, se riant des chausse-trappes de sa partie. Malgré un timbre peu séduisant, le Maître de Musique d'Albert Dohmen compense par surcroît de finesse dans sa peau de double du Compositeur.

    Mais, c'est in fine à deux dames d'exception, enfin réunies au disque, que cette Ariane doit d'entrer dans le petit cercle des enregistrements qui marquent une décennie. Natalie Dessay connaît son Strauss. Rompue à Sophie (le Chevalier à la Rose), Fiakermilli (Arabella), Aminta (la Femme silencieuse), elle a mis depuis longtemps Vienne à ses pieds.

    Et ce n'est pas faire offense aux grandes qui l'ont précédée que d'écrire qu'elle ne se connaît pas de rivale en Zerbinette. Car, l'extravagance de Beverly Sills dans Großmächtige Prinzessin comprise, toutes s'en tiennent à une lecture admirable, mais simplement virtuose de ce négatif d'Ariane. Avec des aigus adamantins, Dessay habite chaque mot et parvient à une recréation totale.

    " Qu'est-ce que l'Opéra ? " demande Zerbinette, " Qu'est-ce que la Musique ? " renchérit le Compositeur d'Anne-Sofie von Otter. Ce personnage, le plus important de l'oeuvre, par son sens sinon par sa durée, n'a jamais été mal distribué au disque.

    Mais avec la suédoise, il trouve un accomplissement jamais atteint, lequel tire paradoxalement un immense profit des indécisions vocales de l'artiste. En effet sa voix manifeste de plus en plus nettement une inclination vers l'aigu, un éclaircissement du timbre, voire une certaine instabilité dans l'émission ; autant d'éléments qui épousent ici jusqu'à la chair de l'une des plus riches trouvailles de Strauss : un Prométhée musical qui craint de perdre, au moment de les faire naître, les moindres de ses créatures.

    Fusionnelle autant avec les vents qu'avec Dessay, en un appariement aussi bref qu'enivrant ; tout à la fois tendre, drôle et pathétique : telle est la " compositrice " Von Otter. Avec ses forces conjuguées à celles d'Heppner, Dessay et Sinopoli, l'écheveau de cette Ariane aura rarement si bien été dénoué.

     

     

  • Ariane cousue de fil d'or
     


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