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SELECTION CD 19 avril 2024

L'Eden à portée d'oreilles



Si le marché du disque se complaît dans les redites du côté des Majors, on aurait mauvaise grâce de ne pas reconnaître que des trésors ressortent enfin des coffres. Ainsi, la collection EMI " Great recordings of the century " donne-t-elle l'occasion de redécouvrir un compositeur essentiel et oublié : l'anglais Frederick Delius.


Le 15/01/2002
Jacques DUFFOURG
 

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     L'Eden à portée d'oreilles

    Oeuvres Orchestrales de Frederick Delius
    Brigg fair (An english rhapsody), Dance rhapsody n° 2, On hearing the first cuckoo in spring, Summer night on the river, A song before sunrise, Fennimore and Gerda : Intermezzo, Irmelin prelude , Sleighride, Summer evening, Florida suite : Daybreak, Dance.

    Royal Philharmonic Orchestra
    Direction : Sir Thomas Beecham.
    Enregistrements stéréo de 1956 et 1957 (son magnifiquement remastérisé aux studios EMI d'Abbey Road en 2001).
    Collection " Great recordings of the century "
    1 CD EMI n° 7 24356 75522 2.


    Le 11 Janvier 1908, un jeune - mais déjà renommé - chef d'orchestre britannique de vingt-huit ans, Thomas Beecham, donnait à Liverpool Paris, the song of a great city de Frederick Delius (1862-1934), compositeur que le Quartier Latin surnommait " le grand Anglais ". Le 7 Mai 1960, Sir Thomas, lors de son ultime concert de Portsmouth, tirait sa révérence avec, entre autres, Florida suite ; une des toutes premières créations de Delius, écrite en 1884 sur le Nouveau Continent.

    Entre ces deux dates, Beecham dirigea plus d'un millier de fois les oeuvres de son compatriote, dont il fut l'ami et le soutien le plus important jusqu'au bout (1). Il en créa beaucoup, dont l'opéra A village Romeo and Juliet (presque jamais joué), et ce monument de l'histoire de la musique chorale, guère plus heureux dans la postérité interprétative : A mass of life (Eine Messe des Lebens).

    Au Prom's, à Londres, on se régale de son art inclassable le plus naturellement du monde ; aux côtés d'Arnold, Bax, Elgar, Finzi, Vaughan-Williams... La France, qui ne se souvient presque plus d'un Albert Roussel, et où Delius passa près de quarante des soixante-douze années de sa vie, semble mettre un point d'honneur à le maintenir dans le plus profond des oublis.

    Pourtant, ce Jean Giono de la musique traite l'orchestre avec un raffinement inouï, le seul peut-être à constituer un ciment décisif entre Wagner et Debussy - de qui il est l'exact contemporain -, tout en annonçant Strauss. La preuve par l'exemple avec Brigg fair, un cheval de bataille que Beecham enregistra à Abbey Road dès 1928.

    Ne dirait-on pas de ce splendide poème qu'il marie Siegfried Idyll au Prélude à l'après-midi d'un faune, avec la manière d'Ainsi parlait Zarathoustra (2) ? La patte exceptionnelle du chef, âgé de soixante-dix-huit ans, s'y est encore enrichie dans ce disque-testament que publie EMI, avec un tempo plus modéré et une onctuosité de cordes à se damner.

    Présente sur ce même album, la Florida suite est d'autant plus précieuse que c'est Beecham lui-même qui publia cette merveille, d'ailleurs Delius ne l'entendit jamais jouer de son vivant. Ici, même réduite à son premier volet, Daybreak-Dance, la partition happe l'auditeur par cette candeur pastorale que le vieux Sir Thomas cultive avec une gourmandise d'enfant.

    Les deux Pièces pour petit orchestre font chavirer par une délicatesse des vents (les cors surtout) que Delius sait faire chanter de manière incomparable. Mais c'est dans le célèbre A song before sunrise que Beecham accomplit le plus bel hommage à l'amitié féconde et forte qu'il entretint avec le compositeur.

    Par la même occasion, il signe ici son dernier enregistrement de studio (avec la mythique Carmen de 1959). Depuis la première matrice de 1945, guère plus ancienne pourtant, le mage Beecham semble reparcourir le jardin de Klingsor comme mû par l'enchantement du Vendredi Saint.

    Ode inquiète, tendre et rassérénée à la fois, au balancement irrésistible, que l'on meurt d'envie de rebaptiser A song before sunset...(ndlr : " un chant avant l'aurore " et non " un chant avant l'aube "). Quel dommage que le chef n'ait pas refait pour la circonstance un des intermèdes de A village Romeo and Juliet (première gravure Columbia, 1927), l'Eden était définitivement à portée d'oreilles.



    Pour en savoir plus sur Frederick Delius, parcourir son site delius.org.uk (en anglais).


    (1) Delius est mort à Gretz, le 10 Juin 1934 ; aveugle comme Haendel, paralytique, il attendait de recevoir ses tout derniers enregistrements par Beecham.
    (2) C'est d'ailleurs après la lecture de ce Nietzsche que Delius entreprit d'écrire A mass of life, sur des paroles du philosophe allemand.




     

     

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