Vienne en voit de toutes les couleurs |
Rattle dirige Beethoven et Brahms Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 5 en ut mineur op.67
(Edition Jonathan Del Mar, Bärenreiter)
Enregistrement en public de décembre 2000 au Musikverein.
Johannes Brahms : Concerto pour violon en ré majeur op.77
Kyung Wha Chung, violon
Enregistrement sans public de décembre 2000 au Musikverein
Wiener Philharmoniker
Direction : Sir Simon Rattle
Lors des traditionnels concerts d'abonnement de la Philharmonie, EMI réalise l'enregistrement de la 5e Symphonie de Beethoven avec Rattle, en vue d'une parution discographique à l'automne 2001. Il s'agit en quelque sorte de "prendre la température" avant l'intégrale qui sera enregistrée en 2002.
Partagée entre mordant, impact rythmique, incisivité des cordes, solos fruités des bois, cors en état de grâce et timbales félines et détonantes, cette 5e retient l'attention au sein d'une discographie pléthorique. À l'évidence, Rattle se situe du côté des relecteurs à l'inspiration baroque, semblant n'en retenir que les bons côtés.
Ce qu'il a retenu ? La théâtralité, la dramatisation et la clarté d'énonciation des cellules rythmiques, prenant garde de ne pas en rajouter dans les notes blanches et les phrasés maniérés. À l'inverse d'un Harnoncourt dans la même symphonie, le flot est ici continu, la vie permanente, le chef ne connaît aucun " tunnel ", sans pour autant forcer les sonorités et se cantonner à diriger forte.
Qui plus est, la Philharmonie de Vienne s'intègre à merveille dans ce décapage – les timbales d'une exceptionnelle hargne dans tout le premier mouvement – rendant du coup factices les quelques tenues sans vibrato pour " faire baroque " qui jurent au milieu des couleurs si typiques des viennois.
On pourra peut-être reprocher à Rattle de jouer sur tous les fronts, partagé entre la poigne impitoyable d'un Solti, les sonorités et les éclats d'un Harnoncourt et parfois la luxuriance façon Karajan.
Le couplage généreux adjoint un Concerto pour violon de Brahms délicat, expressif et intimiste par Kyung Wha Chung et les mêmes interprètes. Reste qu'on se demande ce qu'une telle oeuvre vient faire au sein d'une intégrale des Symphonies de Beethoven.
Ici, la Philharmonie de Vienne semble plus que jamais remettre en question la tradition qu'elle a si longtemps défendue, mais en veillant aussi plus que jamais à ne pas perdre sa légendaire sonorité. De fait, la formation autrichienne fait aujourd'hui figure d'orchestre caméléon ; Rattle était le chef idéal pour lui en faire voir de toutes les couleurs.
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