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SELECTION CD 24 avril 2024

Norma toutes voiles dehors



L'éditeur italien Hardy Classic s'est depuis longtemps spécialisé dans la commercialisation de VHS " historiques ". L'arrivée du DVD lui donne l'occasion d'étrenner ce media idéal pour mélomane avec la Norma de Bellini dont l'anniversaire de la naissance a été si injustement méprisé l'an passé.


Le 19/01/2002
Jacques DUFFOURG
 

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     Norma toutes voiles dehors

    Norma de Vincenzo Bellini.
    Orchestre et Choeurs du Teatro Regio de Turin
    Direction : Giuseppe Patané.

    Avec Montserrat Caballé (Norma), Josephine Veasey (Adalgisa), Jon Vickers (Pollione), Agostino Ferrin (Oroveso), Marisa Zotti (Clotilde), Gino Sininberghi (Flavio).

    Captation du 20 juillet 1974 au Théâtre Antique d'Orange.
    Opéra mis en scène et filmé par Pierre Jourdan.
    Direction artistique de Jacques Bourgeois.

    1 DVD Hardy Classic Video 2001, n° 8 018783 040030. Propriété de l'INA.
    Sous-titres français. Pas de livret ; présentation sommaire, hagiographique mais pertinente.


    Un peu d'histoire : le 22 décembre 1972, Montserrat Caballé se rodait à Paris dans Norma (le " rôle des rôles " pour les mordus de bel canto) et juste après dans le saint des saints : la Scala. L'avaient directement précédée dans ces lieux Leyla Gencer (1965, d'ailleurs guère inoubliable) et Maria Callas (le 7 décembre 1955, direction Votto, un " pirate " en plusieurs points admirable).

    Le souvenir de cette dernière (pourtant peu ménagée à ses débuts à la Scala) contribua à la naissance d'un cliché tenace et inutile (comme tous les clichés) : celui d'un " dramatisme " de Callas opposé à " l'angélisme " de Caballé.

    Il fallait du courage pour chercher à imposer un autre abord du personnage. La Catalane n'en manqua pas, mûrit son interprétation, et se présenta à son zénith vocal dans un Théâtre Antique où même le Mistral (qui avait sans doute reniflé la bonne affaire) était venu s'investir ; d'ailleurs si vigoureusement que la représentation fut interrompue. Chaque protagoniste dut lutter jusque tard dans la nuit contre un élément qui, paradoxalement, les aida à se surpasser.

    Sur le papier, l'entourage de Caballé peut surprendre. Josephine Veasey s'imposait davantage dans Berlioz et Wagner ; tandis que Jon Vickers portait sur sa large carrure plutôt Otello ou Peter Grimes, mais aucun héros bellinien. Seul Agostino Ferrin, un authentique briscard du bel canto, semblait l'homme de l'emploi.

    Contre toute attente, le quatuor se révéla idéal. Bellini écrivit en effet le rôle de Pollion pour un " fort ténor d'agilité " (traduction littérale). Or John Vickers possède des poumons puissants et en remontrerait à d'autres quant à la vocalisation, quasi-parfaite. Il est de surcroît très attachant, dans ce personnage veule et ingrat.

    Plus épatante encore est Josephine Veasey : outre une ligne vocale se pliant exquisément aux féroces exigences du compositeur, son maintien scénique et les expressions de son visage - telle une Vierge au Calvaire - sont empreints d'une chasteté théâtrale proprement sidérante.

    De son côté, Agostino Ferrin est bien plus qu'un faire-valoir pour la magnifique partie d'Orovèse (surtout le second air). On l'a négligé à tort pour son peu de pyrotechnie, alors qu'il s'agissait d'un choix délibéré du compositeur pensant à sa basse Negrini, lequel était réputé poignant, mais maladif et vocalement peu enclin à la voltige.

    Sur les épaules de Montserrat Caballé repose l'héritage de Giuditta Pasta qui créa le rôle. D'emblée, il est inutile d'avoir entendu une seule autre Norma dans sa vie pour succomber dès le Sedioze voci, qui s'enchaîne à Casta Diva par un de ces pianissimos filés devenus illustres, et toujours en phase avec la psychologie.

    L'étendue est souveraine - et il le faut, pour une héroïne que Lili Lehmann jugea plus éprouvante que les trois Brünnhilde réunies ! -, l'agilité presque sans rivale, l'endurance vocale et l'investissement dramatique sans failles.

    Mais plus encore, c'est la capacité à interroger, de l'intériorité de sa voix lunaire, les conflits qui animent Norma, avec un constant mélange de fière autorité et de douceur piétiste, qui mérite de passer à la postérité. À cet égard, toute la scène de la supplique au père Deh, non volerli vittime est sans doute l'un des plus grands moments de chant et de musique qu'une caméra ait jamais volé.

    Pierre Jourdan est derrière l'objectif et le fait qu'il signe également la mise en scène n'est pas un moindre atout. Si les moyens techniques dont il dispose remontent à une trentaine d'années, il est mieux à son affaire avec cette longue déploration statique, que bien de nos contemporains technologiquement surarmés.

    Il est aussi aidé par le fameux Mistral qui donna du souffle à la scène en animant magiquement les draperies des costumes sobres et traditionnels (ah ! les voiles de Caballé s'élevant dans la nuit d'Orange
    ). La captation sonore est excellente pour l'époque ; elle parvient, ce qui n'est guère aisé en plein air, à mettre en valeur l'excellente direction de Giuseppe Patané (qui fut par ailleurs un maestro inégal).

    Or Norma est assez souvent mal dirigée. La dernière catastrophe en date est signée Riccardo Muti chez EMI, et l'éditeur l'a déjà pudiquement chassée du catalogue. De fait, peu de chefs semblent avoir saisi la splendeur également instrumentale de cette partition, que pourtant Wagner lui-même vénérait.

    Même sans intention de mal faire, trop nombreux sont ceux qui perpétuent cette tradition tenace qui veut Bellini grand mélodiste, mais médiocre orchestrateur. Encore un cliché qu'il faudra déchirer ! Il faut (ré)écouter sans préjugés le duo Juliette-Roméo des Capulet, le finale de la Somnambule ou des Puritains pour s'en convaincre : ce Bellini auquel Verdi doit tant est un grand compositeur, et le bicentenaire de sa naissance fut l'un de ces ratages colossaux dont la France a le secret.

     

     

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