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| SELECTION CD |
24 avril 2024 |
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| Cécile, patronne de la musique |
Anne Sofie von Otter chante Cécile Chaminade
CECILE CHAMINADE : Mots d'amour
Anne-Sofie von Otter, Mezzo-soprano
Bengt Forsberg & Peter Jablonski, pianos
Nils Erik Sparf, violon
Mélodies - Pièces pour violon et piano
Pièces pour deux pianos
Curieux destin que celui de Cécile Chaminade, dont la longue vie (1844-1957) fut plutôt solitaire : .."Mon amour, c'est la musique, j'en suis la religieuse, la vestale" disait cette féministe avant l'heure, qui côtoya Bizet, Massenet, Gounod, Saint-Saëns, Chabrier et Ambroise Thomas dont elle fit l'admiration. Son oeuvre est conséquente : à peu près 140 mélodies parmi 400 oeuvres dont 200 pour le piano. Elle écrivit même un opéra-comique, La Sévillane et la musique d'un ballet, Callirhö. Elle entama une carrière de concertiste à travers toute l'Europe et également aux Etats-Unis, où elle fit un triomphe. La Reine Victoria l'accueillit régulièrement à Windsor et fut l'une de ses admiratrices les plus ferventes...
Au départ, c'est le pianiste attitré – et talentueux – de la mezzo suédoise, Bengt Forsberg, qui s'enthousiasma pour quelques-unes de ses oeuvres pour deux pianos, qu'un ami pianiste lui avait fait connaître. Plus tard, il trouva à Anvers d'autres partitions, dont quelques mélodies, qui eurent le bonheur de plaire à Anne-Sofie von Otter, quand ils les déchiffrèrent ensemble. De ce double coup de foudre, il en résulta que, lors d'un superbe récital au Palais Garnier, en avril 1999, les deux complices donnèrent à entendre pour la première fois quelques oeuvres de Cécile Chaminade, avec en particulier, le délicieux Voisinage, libertin et malicieux à souhait. Depuis, Anne-Sofie von Otter avait, à plusieurs reprises, inclu ce compositeur dans ses récitals à travers le monde. Au Théâtre du Capitole, à Toulouse, en novembre 2000, elle n'avait pas hésité à lui consacrer une bonne partie de son programme, confiant à un public définitivement conquis qu'elle et Bengt Forsberg étaient "tombés amoureux" de la musique de "Cécile"... Pour le plus grand bonheur de l'auditoire, elle avait alors distillé avec la finesse, l'humour et la sensibilité qui la caractérisent quelques-uns des plus beaux fleurons de l'enregistrement qui paraît aujourd'hui : L'anneau d'argent, Ma première lettre, Mignonne, l'Eté et le fameux Voisinage, bien sûr... <
La sortie de ce disque sous le label DG constitue donc une excellente initiative, la discographie relative à l'oeuvre de Cécile Chaminade étant plutôt mince, surtout en ce qui concerne les mélodies (Danielle Laval avait, il y a quelques années, gravé des pièces pour piano). Certes, les enregistrements réalisés en studio ne rendent pas toujours totalement justice à la qualité des prestations en public des artistes, certaines prises de sons atténuant parfois la spontanéité, le naturel et la simplicité de leur interprétation "live". C'est parfois le cas dans cet enregistrement, quand on le compare au souvenir qu'on peut conserver des concerts cités plus hauts.
Il est vrai aussi que tout n'est pas de qualité égale dans les mélodies choisies, et que, outre les joyaux déja mentionnés et quelques heureuses découvertes, comme l'admirable Attente (Au pays de Provence) et les charmantes Bonne Humeur, Auprès de ma mie, Viens mon bien-aimé (cette dernière écrite très "à la manière de" Reynaldo Hahn) figurent quelques pages plus mineures, un peu surannées, parfois désuètes, à la limite de la mignardise, mais il est vrai remplies aussi de nostalgie et de mélancolie, où le désespoir n'éclate jamais en pathos dévastateur. Enfin, il est surprenant de constater çà et là quelques erreurs de diction, inhabituelles chez cette chanteuse, pourtant on ne peut plus rompue au répertoire français.
Quoi qu'il en soit, le charme opère indiscutablement et il semble qu'une véritable rencontre ait eu lieu entre von Otter et ces mélodies raffinées, délicates, parfois presque un peu décadentes, dont semble se dégager un enivrant parfum de tubéreuse. Il est évident que ces oeuvres conviennent parfaitement à son tempérament très intériorisé, qui excelle dans le non-dit et les demi-teintes, et aussi à la couleur moirée de sa voix, à tel point que certaines paraissent avoir été écrites pour elle... Dans l'ensemble, force est de reconnaître que l'écriture musicale de Cécile Chaminade est d'assez haute tenue, d'un style très vocal, plus proche, par conséquent, de celui de Gounod et de Massenet que de Fauré, même si par ailleurs les textes ne sont pas toujours d'une grande qualité littéraire.
Les oeuvres de musique de chambre qui complètent ce disque sont loin d'être sans intérêt et se laissent écouter avec plaisir, bien qu'elles fassent partie de ce que l'on appelle communément la "musique de salon", mais ce genre ne comporte-t-il pas, çà et là , quand on y prête attention, quelques trésors ?
Il convient donc de saluer la sortie de cet enregistrement, qui répare une cruelle lacune dans la discographie de ce compositeur injustement oublié, et signaler, non sans ironie, (mais nul n'est prophète en son pays) que l'on doit à une équipe suédoise d'avoir gravé avec charme pour la postérité ces oeuvres charmantes.... et charmeuses.
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Juliette BUCH
Cécile, patronne de la musique
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