L'expérience unique d'un pèlerinage lisztien |
Nicholas Angelich revisite les Années de Pèlerinage Franz Liszt (1811-1886)
Les années de pèlerinage
Nicholas Angelich, piano
3 CD Mirare MIR 9941
On savait Nicholas Angelich apte à figurer parmi les meilleurs musiciens de la génération arrivée à maturité ces dernières années. Il nous avait maintes fois au concert et au disque convaincus de sa capacité à aborder des répertoires variés avec un égal bonheur. Jamais pourtant il n'avait fourni une preuve aussi massive du caractère exceptionnel de sa personnalité.
Les Années de pèlerinage sont facilement un piège. D'abord parce qu'elles sont bien souvent jouées et enregistrées, soit dans leur totalité, soit en extraits – toujours les mêmes d'ailleurs. Et puis, pour réussir à ne rien trahir des humeurs si diverses et des formes si différentes des pièces qui se succèdent, il faut au pianiste le même talent que celui de certains chanteurs capables aussi bien de développer une grande mélopée à la Bellini que de se lancer dans un air de fureur de Verdi ou dans un lied de Schubert.
Avec une rondeur et une richesse de son remarquables – pas une note qui claque inutilement en plus de trois heures de voyage – un toucher d'une vraie délicatesse capable aussi de déchaîner les orages les plus terrifiants ou les tourments les plus angoissants, Angelich nous conduit dans un univers de sensations multiples, aussi à l'aise et efficace dans une pièce à la simplicité mozartienne comme Le mal du pays que dans les affres d'Après une lecture de Dante ou encore dans les fines dentelles de Venezia e Napoli.
Les couleurs sont exactes, vraies, le rubato bien équilibré sans excès ni sans raideur, le tempo général plutôt lent, imprimant à tout le cycle un climat méditatif sans doute accentué par le lieu d'enregistrement, l'Abbaye royale de Fontevraud, cadre exceptionnel et idéal pour ce type d'ouvrage. Trois disques qui sont une révolution de l'interprétation lisztienne et qui rendent toute leur dimension à des pages souvent traitées comme de simples aquarelles.
Penser que ce diable de pianiste donne parfois les trois heures et quart de ce cycle en un même concert laisse pantois. Plus qu'une interprétation, une expérience absolument unique.
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