Astrid Varnay : les enregistrements studio Astrid Varnay : scènes d'opéras
CD1 : Richard Wagner (1813-1883)
Der Ring des Nibelungen
La Walkyrie (acte II, scène 4) : Annonce de la Mort
Siegfried (acte III, scène 3) : Réveil et duo
Crépuscule des Dieux (prologue, acte III, scène 3) : Immolation
Astrid Varnay, soprano
Wolfgang Windgassen, ténor
CD2 : Richard Wagner (1813-1883)
Tristan et Isolde
Acte I scène 3 : Récit d'Isolde et malédiction
Acte II scène 2 : Duo d'amour
Acte III scène 3 : Mort d'Isolde
Astrid Varnay, soprano
Wolfgang Windgassen, ténor
Hertha Töpper, alto
CD3 : Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Ah ! perfido, op. 65
Richard Wagner (1813-1883)
Wesendonck-Lieder, cinq poèmes pour voix de femme
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Un ballo in maschera
Acte III scène I : Morrò, ma prima in grazia (Amelia)
La forza del destino
Acte IV scène 2 : Pace, pace
+ version allemande des deux airs
Astrid Varnay, soprano
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Bamberger Symphoniker
direction : Leopold Ludwig, Hermann Weigert, Ferdinand Leitner
Coffret 3CD Deutsche Grammophon Original Masters 474 410-2
Engagée sans audition sur la recommandation de Kirsten Flagstad pour la réouverture de Bayreuth en 1951, Astrid Varnay a officié sur la Colline verte dans les plus grands rôles wagnériens jusqu'au milieu des années 1960, où elle fut Brünnhilde, Isolde, Ortrud, Kundry et Senta, donnant dans chaque rôle la primauté au drame grâce à un sens inné de la longueur de la phrase musicale, du poids de chaque mot, grâce aussi à un timbre sombre et une émission franche, des aigus à l'acuité presque insoutenable. Moins torche vivante mais technicienne beaucoup plus accomplie que sa rivale directe Martha Mödl, timbre moins jeune et féminin mais présence ô combien plus incarnée que sa glaciale héritière Birgit Nilsson, Varnay fait partie des dernières véritables chanteuses wagnériennes, loin des hurleuses hirsutes et sans technique de notre triste début de XXIe siècle. De surcroît, avec le recul, on ne peut que saluer la rigueur dans les choix de carrière d'une artiste loin de l'éparpillement et de l'appât du gain actuels, qui feront bientôt aborder Elektra à une diva du baroque.
Immolation de Brünnhilde à couper le souffle
Si les enregistrements pirates des prestations scéniques de Varnay prolifèrent allègrement, son legs officiel de studio est des plus minces, et Deutsche Grammophon en propose aujourd'hui la quasi intégralité. Incontournables d'abord, les extraits du Ring, particulièrement l'Annonce de la Mort de La Walkyrie, où son timbre corsé, noir, son médium blindé qui ferait pâlir bien des mezzos, son contrôle absolu du souffle rendent justice à une page périlleuse. C'est d'ailleurs tout naturellement que Varnay profitera d'un médium hors du commun pour entamer une décennie plus tard une seconde carrière de mezzo dans des rôles de composition comme Clytemnestre, Hérodiade, ou la Nourrice chez Strauss. Et pourtant, à l'audition des extraits de la scène finale de Siegfried et d'une scène de l'Immolation à couper le souffle, la voix apparaît au contraire dans toute son incandescence, avec des aigus insolents, dardés comme des missiles intercontinentaux.
Isolde altière et déchirée
On sait que Varnay a toujours été plus immédiatement Brünnhilde qu'Isolde, et pourtant le deuxième CD, entièrement consacré à Tristan, viendrait presque contredire cette idée. Entourée par des comparses de prestige – l'insurpassable Windgassen dans le rôle de sa vie, l'excellente Hertha Töpper pour les appels de Brangaine – la soprano distille tout son art : incarnation souveraine de la princesse galloise, altière et déchirée, crescendi gigantesques, ainsi que les fameuses attaques par en dessous, surdramatiques, véritable hérésie pour les amateurs de bel canto.
Répertoire plus léger
Le troisième CD nous montre d'abord Varnay sous un jour beaucoup plus inhabituel, avec l'air de concert Ah ! perfido de Beethoven, où son timbre et son volume paraissent disproportionnés et à la limite du hors-sujet. Avec les Wesendonck-Lieder de Wagner, on retrouve la grande Astrid dans son jardin, même si un simple soprano lyrique est dans l'absolu plus adapté à ce répertoire non-opératique. Enfin, intéressant exercice que l'enregistrement des versions italienne et allemande des airs d'Amelia du Bal Masqué et de Leonora de La Force du destin. Si la voix n'a jamais eu le moelleux et la délicatesse, la beauté de timbre des plus grandes verdiennes, le format n'en demeure pas moins impressionnant, évidemment plus encore en allemand que dans un italien pas très idiomatique.
Ce coffret très riche ne remplacera certes jamais les enregistrements sur le vif de la « diva des pirates », et on préférera éternellement sa Brünnhilde du Ring de Krauss 1953 ou de Knappertsbusch 1958, son Isolde du Tristan de Jochum 1953, mais la somme présentée ici, captée dans tout le confort du studio, rend plus que de coutume justice à la seule voix, cette autoroute pour Bayreuth à six voies qui faisait baisser la tête des auditeurs des premiers rangs lors des fameux Hojotoho ! du deuxième acte de La Walkyrie.
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