Les options choisies par celui qui a substantiellement bouleversé notre conception de l'oeuvre monteverdien, ne surprennent guère – Rinaldo Alessandrini a déjà testé ces solutions, notamment dans un précédent disque chez le même éditeur intitulé Musica Sacra, qui comprenait déjà le Dixit Dominus de 1610. En premier lieu, une esthétique résolument solistique (un chanteur par voix) : douze chanteurs que le chef répartit savamment selon les besoins des psaumes, jusqu'au grandiose double choeur du Nisi Dominus à dix.

Le compromis est idéal entre chanteurs habitués du Concerto Italiano version ensemble vocal et bien sûr rompus à l'art madrigalesque et pointures vocales apportant une chair appréciable à l'ensemble. Parmi ces dernières, on citera simplement Roberta Invernizzi, Sara Mingardo, Pietro Spagnoli ou Furio Zanasi (actuellement l'un des Orfeo et des Testo de référence, et interprète ici d'un Pulchra es exceptionnel). Seule réserve, mais de taille : les trois hommes du Duo Seraphim – Gianluca Ferrarini, Luca Dordolo et Vicenzo di Donato sont quelque peu dépassés par les mélismes redoutables du motet, mais ont l'avantage d'une réelle homogénéité vocale et stylistique.

Fort de cette Ă©quipe vocale de premier ordre, le chef-claveciniste-organiste reste fidèle Ă  une battue d'une libertĂ© foisonnante, qui lui permet une mise en exergue d'une prĂ©cision quasi-clinique du texte, que d'aucuns ne trouveront pas forcĂ©ment Ă  leur goĂ»t, mais qui confère Ă  son exaltation du « Théâtre des Passions Â» un impact incomparable (on est Ă  des annĂ©es lumières de la plastique fort belle mais un peu froide de Konrad Junghännel et de son Cantus Cölln chez Harmonia Mundi).

La déclamation est omniprésente, reposant sur une lisibilité irréprochable et sur la volonté évidente d'affirmer la primauté du cantus firmus qui, après tout, forme l'épine dorsale de l'écriture de ces Vêpres choisies par leur compositeur pour attirer les bonnes grâces d'un Vatican musicalement très conservateur.

A cela s'ajoute une maturité musicale qui nous vaut, par exemple, un discours instrumental d'une beauté et d'un équilibre remarquables : la névralgique Sonata sopra Sancta Maria brille en conséquence d'une splendeur sonore et surtout d'une pulsation rythmique proprement irrésistibles. Globalement, certaines couleurs sombres rappellent l'enregistrement-phare de Jordi Savall et de sa Cappella Reial chez Astrée-Naïve, mais Alessandrini insuffle tout naturellement la diversité rythmique qui parfois faisait défaut au magicien catalan.

C'est aux côtés des Vêpres de ce dernier, plus peut-être qu'aux côtés de celles de Gabriel Garrido et son ensemble Elyma, dont la stupéfiante inventivité reste très personnelle, qu'il faut placer l'enregistrement de Rinaldo Alessandrini : on tient là la sainte triade des tempéraments latins si essentiels dans la perception du divin Claudio.