Carlos & Erich Kleiber dirigent Borodine
Alexander Borodine (1833-1887)
Symphonie n° 2 en si mineur, op. 5
Radio-Sinfonieorchester Stuttgart
direction : Carlos Kleiber
Concert radiophonique du 12 décembre 1972
NBC Symphony Orchestra
direction : Erich Kleiber
Concert radiophonique du 20 décembre 1947
1 CD Hänssler Classic SWR Music CD 93.116
Quelle excellente idée a eue Hänssler de coupler un document de l'importance de cette 2e symphonie de Borodine par Kleiber fils en 1972 à Stuttgart avec la même oeuvre par Kleiber père tout juste un quart de siècle plus tôt, en 1947 à New York. Mais pour que ce type de comparaison puisse fonctionner, restait une condition sina qua non : des circonstances similaires. Et c'est bien le cas, tant sur le niveau équivalent des orchestres – le NBC de l'époque Toscanini et l'Orchestre de la Radio Stuttgart des années 1970 se valent – que sur les conditions d'enregistrement – tous deux issus de captations radio. Les comparaisons sont donc permises, et il en ressort une fois de plus que le fils dépasse le père. Très étonnant, les deux lectures sont extrêmement proches quant à leur durée – quelques secondes de moins seulement pour le fils.
Carlos Kleiber, qui signe la référence moderne de la courte symphonie de Borodine, confirme à chaque instant ses immenses qualités de dompteur d'orchestre, de travailleur acharné sur la moindre cellule, le moindre détail, ciselés avec une précision maniaque – le thème générateur du premier mouvement, puissant mais sans boursouflure. Tout y est : le souffle épique, le lyrisme des thèmes féminins, le mordant des sonorités folkloriques, le motorisme électrisant – un Finale à couper le souffle –, les coups de sang qui font tressaillir la matière orchestrale, dans des éruptions soudaines – les claquements féroces des timbales, la rage disciplinée des cuivres.
Et alors que cela pouvait paraître improbable, Kleiber imprime des sonorités idoines à la partition : le vibrato subtil et nostalgique, de couleur typiquement russe, du cor solo dans l'Andante – très différent du vibrato plus confidentiel mais « par défaut » du corniste du NBC –, des bois verts et acérés. Et par rapport au précédent pressage Memories, le son est ici d'un relief et d'une clarté inespérés. Dans une mono tout à fait convenable, le père se démarque du fils par une lecture moins pointilliste, une emprise moins totale sur l'orchestre, qu'il laisse parfois s'épancher plus librement. Une excellente interprétation toutefois, ferme et énergique, juste privée des intuitions géniales et totalement imprévisibles du junior.
Un CD court mais passionnant, Ă rapprocher de la gravure historique et incontournable de Mitropoulos Ă Minneapolis en 1940 (Urania).
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