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SELECTION CD 19 avril 2024

Affinités électives



Ce furent d'abord une juvénile et ardente Belle Meunière, puis deux enregistrements schumanniens. À la spontanéité de la voix, au naturel et à l'élégance d'un style évoquant celui d'un Fritz Wunderlich, le ténor Werner Güra ajoute désormais la preuve de son intelligence du style wolfien. Mais qui ne serait rien, s'il n'avait un partenaire à la hauteur.


Le 24/11/2005
Stéphane GOLDET
 

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     Affinités électives



    Hugo Wolf (1860-1903)
    23 Mörike Lieder
    Werner Güra, ténor
    Jan Schultsz, piano

    1 CD Harmonia Mundi 901 882


    A juste titre, le plus célèbre des receuils de son auteur, ces Mörike Lieder, permet à un tandem de se frotter à un répertoire essentiel : celui qui allie une poésie allemande de toute beauté, que la voix est chargée de faire entendre, à une partie de piano de grande intensité expressive. C'est même presque pour « piano et voix de chant Â» que Wolf eût pu porter en page de titre de ses lieder, tant la partie de piano y est souvent première (Der Feuerreiter). Se lancer dans un enregistrement Wolf est, à ce titre, une aventure unique, et plus périlleuse que d'autres.

    Le propre de ce receuil, dont la sélection faite ici rend bien compte (23 lieder sur les 53 du total), est que la palette des émotions traversées y est plus large que dans tous les receuils antérieurs de l'histoire du lied. Relevons la forme de grâce du ténor dans l'expression de l'émerveillement que sucite le visage de l'aimée (An die Geliebte), l'évidence de sa séduction, sa gaité jamais forcée dans toutes les vignettes de charme choisies, et pour lesquelles le timbre de ténor est idéal (jubilant Er ist's, exquis Der Gärtner), le plaisir pris, par exemple, par les deux interprètes à raconter l'histoire coquine des deux amants frippons rattrapés par une bourrasque d'orage (Begegnung avec un piano mozartien, qui semble rire sous cape), la splendeur sans artifices du legato de Güra dans les pages religieuses (Gebet, Auf ein altes Bild).

    © Monika Rittershaus

    Une fois leur parcours à travers champs et humeurs accompli, les deux musiciens terminent par deux lieder franchement drôles (une spécificité toute wolfienne) : voici, en guise de mot de la fin un désopilant Abschied, conduit, comme il se doit, avec une finesse toute viennoise. Mais c'est sans doute dans la variété du détail expressif des lieder qui sont autant d'aventures à épisodes que se révèle la profondeur des affinités entre ces deux interprètes, et la qualité de leur orfèvrerie commune.

    Deux lieder sont ici des sommets : l'insaisissable moment de silence qu'est Im Frühling. C'est un avant-sommeil, une simple rêverie, flottante, tout d'abord légère dans le bleu du ciel, puis s'épaississant peu à peu en se chargeant de regrets à peine formulés, qu'on entend dans la voix de Güra, comme si on y voyait peu à peu le ciel blanchir, tandis que les paupières s'alourdissent.

    Ce long poème où il ne se passe rien en surface aboutit à une apogée en creux : ses trois derniers mots, ces alte unnenbare Tage – ces jours d'un bonheur indicible d'un printemps passé, où Güra et Schultsz entre le double et le triple piano, inventent le gris en musique : c'est articulé en murmurant sans être détimbré, absent, poignant – exactement au juste poids des mots, comme ils le sont dans d'autres endroits névralgiques, ailleurs – le Mondeshelle Angesicht , « visage clair comme la lune Â» de Der Genese an die Hoffnung.



    Diamètralement opposé dans l'échelle du théâtre et de la violence, la ballade du Feuerreiter – narration d'un double anéantissement dans les flammes (celui du moulin, et celui de son sauveteur) – est un véritable film-catastrophe. Côté piano, la difficulté est lisztienne : sans pianiste à la hauteur, le Feuerreiter ne passe pas la rampe. Schulsz, qui n'a pas à rougir de la comparaison avec un Richter (en 1973 avec Fischer-Dieskau) donne littéralement à voir les bonds de la monture qu'on voit arriver de loin, puis se mêler aux villageois affolés, avant que son cavalier, parfaitement maître de lui – Güra ne crie jamais malgré la houle fortississimo qui roule parfois sous lui – ne réussisse à sauver le village. Non sans finir, dans des circonstances tout sauf claires, par y laisser la vie – voix de cendres de Güra pour évoquer la découverte du squelette du cavalier.

    Nul doute qu'avec un tel achèvement, Güra et Schultsz s'incrivent désormais durablement au tableau d'excellence des grands couples de l'histoire de l'interprétation du lied.

     
    Stéphane GOLDET


     

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