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SELECTION CD 20 avril 2024

Un démiurge venu du froid



Svetlanov, enfin ! Il aura fallu attendre le printemps 2006 pour qu'un éditeur daigne s'intéresser au legs de l'un des chefs d'orchestre majeurs du XXe siècle. Warner consacre au maître disparu le 3 mai 2002 une édition officielle prévue sur plusieurs années. Belle moisson pour cette première fournée qui compte déjà quelques perles.


Le 04/05/2006
Yannick MILLON
 

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     Un démiurge venu du froid

    Tchaïkovski : Symphonie Manfred





    Edition officielle Evgeny Svetlanov, volume 7

    Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
    Symphonie Manfred, op. 58

    Orchestre symphonique d'état de la Fédération de Russie
    direction : Evgeny Svetlanov
    Enregistrement : Orchard Hall, Tokyo, 7/12/1992

    CD Warner Music France 5101 12448-2


    Avant toute autre, cette première fournée de la nouvelle édition officielle Evgeny Svetlanov chez Warner vaut pour l'un des témoignages tchaïkovskiens majeurs de l'histoire du disque : la Symphonie Manfred live du 7 octobre 1992 à Tokyo, jadis disponible chez Canyon et vite disparue du catalogue.

    Vision exacerbée, d'une tension phénoménale et comme inépuisable, où le Fatum emporte tout sur son passage à l'aide d'un orchestre déchaîné comme jamais, qui rejoint au panthéon des plus grandes Manfred celles de Toscanini et Markevitch.

    L'acuité de chaque timbre, chaque coup de boutoir participe en plein à la réussite d'un concert paroxystique – les explosions du tam-tam, l'écume triomphante des cymbales – avec toujours une manière de trancher dans le gras, dans l'épaisseur du son, typiques de Svetlanov, à l'opposé de la pointe sèche et de la verticalité impitoyable de Toscanini.

    Vision infernale

    Quiconque aura goûté à cette version n'en guérira plus, marqué par des épisodes comme la vision infernale, le brasier ouvert par les trombones et les coups de massue des timbales dans la coda du premier mouvement et du Finale. Mais la furie des mouvements extrêmes ne serait rien sans la caractérisation et la gourmandise des bois dans les volets centraux, l'attention, digne d'un Scherzo de la Reine Mab, presque maniaque, portée au moindre détail, à la moindre subtilité d'orchestration.

    Qu'on réécoute en comparaison dix secondes de la version de Muti, dont le seul privilège nous paraît celui de l'intégralité de la partition, pour mesurer la différence entre artisanat confortable et génie créateur. Car cette Manfred écourtée de Svetlanov, qui prend véritablement aux tripes, bénéficie de surcroît de conditions sonores optimales, n'était le léger bruit de ventilation parasite présent d'un bout à l'autre de la bande, qu'on ne perçoit que dans les moments les plus calmes – à la fin du deuxième mouvement surtout.

     
    Anthologie Rachmaninov





    Edition officielle Evgeny Sveltanov, volume 1

    Sergei Rachmaninov (1873-1943)
    CD1 :
    Symphonie n° 1 en ré mineur, op. 13
    Caprice bohémien, op. 12
    Scherzo en ré mineur
    CD2 :
    Symphonie n° 2 en mi mineur, op. 27
    Le Rocher, fantaisie op. 7
    CD3 :
    Symphonie n° 3 en la mineur, op. 44
    L'Île des morts, poème symphonique op. 29

    Orchestre symphonique d'état de la fédération de Russie
    direction : Evgeny Svetlanov
    Enregistrements : Grande salle de la Radio, Moscou, 2-7/10/1995

    3CD Warner Music France 5101 12238-2


    On reste en terre d'élection avec le coffret de 3CD consacré à Rachmaninov, qui outre les trois symphonies propose de non négligeables versions de l'Île des morts, du Rocher, du Scherzo en ré mineur et du Caprice bohémien.

    On retrouve bien la patte de Svetlanov, cette foi de bâtisseur de grandes fresques qui n'appartient qu'aux Russes, cette manière d'insuffler au tissu orchestral une densité, une épaisseur de torrent de lave homogène et régulier, particulièrement dans la forme à grande échelle de la 2e symphonie, où des cordes pleines et charnues sont parfois ébranlées par des grondements de cuivres aux saillies massives et puissantes.

    Et si au cours des années, les tempi de Svetlanov ont perdu de leur vigueur, il n'en reste pas moins que le chef se jette toujours dans cette musique de toute son âme, avec dans ces gravures tardives un rendu sonore parfaitement conforme à ce que l'on est en droit d'espérer à notre époque en terme de plasticité.

    Et quand bien même dans le détail les interprétations du coffret, moins paroxystiques que celles d'autres chefs, voire de Svetlanov lui-même quelques années auparavant, n'obtiendraient pas toutes un Coup de coeur Altamusica, la maturité de l'ensemble mérite une telle recommandation globale.

     
    Respighi : Triptyque romain





    Edition officielle Evgeny Svetlanov, volume 6

    Ottorino Respighi (1879-1936)
    Fontaines de Rome, poème symphonique
    Fêtes romaines, poème symphonique
    Pins de Rome, poème symphonique

    Orchestre symphonique d'état de la Fédération de Russie
    direction : Evgeny Svetlanov
    Enregistrement : Grande salle du Conservatoire Tchaïkovsky, Moscou, 1980

    CD Warner Music France 5101 12385-2


    Après un Tchaïkovski et des Rachmaninov de très haut vol, l'enthousiasme retombe d'un cran concernant le Triptyque romain de Respighi, dont Svetlanov défend une vision hors-catégorie, éminemment personnelle, en forme de recréation sonore, d'orgie infernale à la lenteur suffocante.

    L'orchestre semble avoir de la peine à tenir les tempi et se retrouve parfois au bord de l'asphyxie – la débâcle des cuivres qui multiplient les couacs et les approximations au fur et à mesure de ce qui prend des allures de « Pains de Rome Â». Il faut dire aussi que Svetlanov pousse le bouchon très loin dans ces poèmes symphoniques qui ne comptent déjà pas au départ parmi les plus sobres du genre.

    Grande bouffe symphonique

    On nage ici souvent dans la démesure et l'outrance, avec notamment une Épiphanie des Fêtes qui tient plus de la charge de l'Armée rouge que de la liesse de la Rome impériale et une Voie appienne des Pins martelée avec des semelles de plomb d'une massivité écrasante, bien loin de la lettre et de la détermination motorique si appropriées d'un Toscanini.

    Une passionnante version d'approfondissement cela dit, loin du picturalisme habituel, gorgée de sonorités saturées jusqu'au trop-plein, une Grande bouffe symphonique qui est finalement affaire de goût et qu'on ne recommendera certainement pas en premier lieu dans ces pages où Toscanini, Reiner ou Ozawa restent largement prioritaires.

     
    Yannick MILLON


     

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