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SELECTION CD 28 mars 2024

Un Mahler Ă©lectrique



Une intégrale des symphonies de Mahler par Gergiev est en cours de parution dans le catalogue LSO Live. Sans prétendre à une place de tête dans la discographie, voilà en tout cas des témoignages bien roboratifs, d’excellentes lectures de concert témoignant des affinités entre le chef russe et un London Symphony toujours aussi brillant et inspiré.


Le 12/06/2009
Yannick MILLON
 

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     Un Mahler Ă©lectrique

    Une nouvelle intégrale


    Donnée lors de la saison 2007-2008 du London Symphony Orchestra, pour l’essentiel au Barbican Center de la capitale britannique, l’intégrale des symphonies de Mahler par Gergiev s’avère l’une des plus réjouissantes aventures du moment pour ce qui est des grandes artères symphoniques documentées au disque live.

    Une approche très grand orchestre, brillante mais sans clinquant, aux bois bien caractérisés, aux percussions qui n’ont pas peur de cogner, aux cordes juste assez charnues et aux cuivres rougeoyants le nécessaire, qui privilégie l’allant, très convaincante dans les épisodes martiaux et rythmés, plus détendue – parfois jusqu’au relâchement – dans les épisodes de demi-caractère, et refusant toute forme d’arrêt, de statisme.

    Bien entendu, on trouvera mieux dans la discographie de chaque œuvre prise séparément, mais on assiste là à des prestations de concert dont on ne peut que louer l’énergie générale et la tenue irréprochable.


     
    Symphonie n° 1




    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 1 en ré majeur
    London Symphony Orchestra
    direction : Valery Gergiev
    Enregistrement : Londres, Barbican Center, 01/2008

    1SACD LSO Live LSO0663


    Pour évoquer l’éveil naturel qui introduit la 1re symphonie de Mahler, Gergiev apparaît relativement classique, dans une tradition germanique allégée. On n’y cherchera pas le raffinement coloristique et l’ambiance à couper au couteau d’un Ancerl, la radiographie d’un Boulez ou d’un Gielen, ou encore la fraîcheur bucolique d’un Neumann, mais plutôt une expression de beau symphonisme – l’orchestre y apparaît en majesté – où la réalisation prime sur le climat. Dans l’Allegro, on sent une forme d’avancée beethovénienne, une affirmation par le rythme, les accents, toujours très dans le discours, laissant petit à petit place à l’exaltation.

    Les mouvements centraux n’ont pas à rougir, car même s’il ne sont pas aussi individualisés que dans les versions les plus abouties – Ancerl encore, Walter-New York, Bernstein-Amsterdam –, on y trouve de quoi repaître l’appétit des amateurs de formations internationales de prestige. Ce qui manquerait le plus ? L’ironie, l’auto-dérision typiquement juive, mais la souplesse du geste, un certain lyrisme, une forme de narration équilibrée emportent l’adhésion – malgré la drôle d’idée de confier le solo de contrebasse de Frère Jacques au pupitre entier.

    On s’en doutait, c’est dans le Finale que Gergiev triomphe, sans sacrifier aucun des coups de boutoir du cataclysme initial à une hauteur de vue globale dans la coda très retenue de tempo, loin des barnum surexcités, et qui fait claquer les timbales tout leur saoul. Une superbe démonstration d’énergie maîtrisée, de dosage des secousses telluriques, et un sentiment d’urgence parfaitement approprié, où l’on sent le chef trépigner à chaque instant.



     
    Symphonie n° 3





    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 3 en ré mineur
    Anna Larsson, alto
    Tiffin Boys’ Choir
    London Symphony Chorus
    London Symphony Orchestra
    direction : Valery Gergiev
    Enregistrement : Londres, Barbican Center, 09/2007

    1SACD LSO Live LSO0660


    Plus personnelle, la lecture de la 3e symphonie a comme seul défaut d’arriver alors que l’on ne s’est pas encore remis de la réussite absolue de Boulez avec les Viennois, disque d’orchestre parmi les plus aboutis de cette première décennie du nouveau siècle.

    Et pourtant, la patte de Gergiev ne manque pas de mordant, et affiche même quelques coups de griffe particulièrement sentis, dans une approche globale nourrie d’une longue expérience chostakovienne d’individualisation des timbres qui fait des miracles – le trombone solo, plus noir et saturé qu’à Vienne, plus primitif aussi ; la clarinette infiniment évocatrice du troisième mouvement – en gardant toujours en ligne de mire la narration, là où Boulez joue au démiurge en donnant vie ex nihilo à un univers sonore qu’il structure jusque dans l’infiniment petit.

    De la part du bouillant Ossète, on était en droit d’attendre quelques coups de sang dont il a le secret, et on ne sera pas déçu devant, entre autres, l’une des plus hallucinantes codas du premier mouvement jamais gravées au disque, d’une urgence panique et d’un emballement grisants.

    En revanche, qui aime son mouvement lent terminal étale et tout en mysticisme risque de rester sur sa faim, la fluidité, la délicatesse d’un chant d’orchestre tout en pudeur et en distance étant constamment privilégiée ici. Une approche qui se tient jusqu’à la coda, où un tempo rapidissime, qui donne l’impression d’écouter un 33 tours à la vitesse d’un 45, se fait extrêmement déstabilisant, entraînant au passage un manque de synchronisation des deux timbaliers.

    Une Anna Larsson moins encombrante que d’ordinaire – mais sans rien posséder de l’art d’une Ludwig – et un chœur d’enfants aux graves poitrinés à la manière petits durs complètent cette très belle exécution.



     
    Symphonie n° 6





    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 6 en la mineur
    London Symphony Orchestra
    direction : Valery Gergiev
    Enregistrement : Londres, Barbican Center, 11/2007

    1SACD LSO Live LSO0661


    D’emblée, Gergiev annonce la couleur, en attaquant la 6e symphonie tambour battant, bille en tête, avec une poigne rythmique imperturbable et l’intention d’en découdre, des accents roides, un tempo très soutenu mais jamais précipité, et un deuxième thème qui fait feu de tout élément rythmique en refusant tout alanguissement, toute féminité exacerbée. L’atmosphère militaire sous-jacente est ainsi exploitée jusqu’à la dernière goutte. Cette lutte acharnée est au fond le négatif absolu de la tombe creusée d’entrée de jeu par un Barbirolli.

    Le Finale, qui sent la harangue et les coups de cravache, sera traversé par la même énergie irrépressible d’un bout à l’autre, dans une course à l’abîme sans chute de tension, et avec une manière de flageller la matière typique du chef russe, de gifler chaque phrase avec une réelle urgence et d’amener les trois coups du destin avec un art consommé de la gradation dynamique.

    On regrettera en revanche le placement du mouvement lent – magnifique dans sa simplicité, sa fausse sérénité et respectant bien l’indication andante moderato – en deuxième position, pratique de plus en plus courante, sacrifice à la mode qui détourne le sens même de l’œuvre – et qu’importe une prétendue dernière volonté du compositeur en la matière, toute œuvre d’art échappant toujours in fine, et c’est bien ainsi, à son créateur.

    Et qu’on ne nous serine pas avec la possibilité de programmer l’ordre des mouvements sur toute platine digne de ce nom, car cela ne règle en rien le problème, qui demeure celui de la conception de la dramaturgie, de la trajectoire de la symphonie, qui ainsi aménagée fait perdre au Scherzo – aux férocités bienvenues – la notion d’écho sismique au premier mouvement, et prive l’œuvre de l’un de ses plus abrupts contrastes entre la fin de l’Andante et le début si étrange et arachnéen du Finale.

    Nous avons failli priver ce disque de la récompense suprême pour cette raison, mais nous préférons au final retenir surtout que Gergiev a réussi une grande 6e de Mahler ; c’est là l’essentiel.



     
    Symphonie n° 7





    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 7 en mi mineur
    London Symphony Orchestra
    direction : Valery Gergiev
    Enregistrement : Londres, Barbican Center, 03/2008

    1SACD LSO Live LSO0665


    La plus abstraite du corpus mahlérien, la 7e symphonie, qu’on qualifie parfois de « chant de la nuit », demeure l’une des plus difficiles d’accès, des plus impénétrables, et clôt tout en hermétisme une trilogie de symphonies instrumentales qui marquent le début de la maturité du compositeur.

    C’est bien la grandeur de Gergiev de réussir à en transfigurer les ambiguïtés, à en propulser les masses sinistres – les cuivres refusent les ténèbres au profit d’une teinte de métal en fusion –, à en clarifier les textures – l’aspect concerto pour orchestre de certaines transitions – sans jamais perdre de vue l’urgence.

    Une vision qui culmine dans un premier mouvement chauffé à blanc, avec sa première trompette conquérante – époustouflant Rod Franks –, son affrontement de blocs sonores sans concession, ainsi que dans un Scherzo lapidaire et quasi cubiste, d’une réactivité orchestrale prodigieuse, où l’attention aux micro-cellules, aux micro-motifs, préfigure plus le dernier Chostakovitch que la Seconde École de Vienne.

    En privilégiant une incandescente lumière, qui déséclipse les jeux d’ombres (Schattenhaft) dont regorge la partition et bute sur le climat présupposé des deux Nachtmusik qui entourent le Scherzo, Gergiev réinvente la 7e, en la prenant presque à contrepied. Mais comment ne pas céder devant la puissance et l’originalité de la démarche, le jusqu’au-boutisme des intentions, la perfection de la réalisation ?

    Et puis, vraiment, n’essayez pas de résister aux assauts de l’Allegro con fuoco initial – l’emballement à 18’48 avec sa caisse claire infernale –, c'est peine perdue !



     
    Yannick MILLON


     

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