Suresnes capitale du Hip-hop

Dix-huit ans déjà que le festival Suresnes cités danse est un lieu de création et de diffusion fondamental dans la vie chorégraphique internationale. Créée par Olivier Meyer, directeur du Théâtre Jean Vilar de Suresnes, la manifestation a connu un succès quasi immédiat et sans cesse grandissant, jusqu’à devenir un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à la création.

En une petite centaine de pages, la journaliste Isabelle Calabre, qui connaît bien toutes les danses, raconte l’histoire de cette aventure assez incroyable qui a permis au Hip-hop de devenir une genre à part entière dans le monde de la danse et de même exister aujourd’hui parmi les Centres Chorégraphiques Nationaux.

Partant des Débuts du Hip-hop en France, Isabelle Calabre analyse avec beaucoup de finesse et de perspicacité tout ce qui a permis au festival de s’imposer année après année, à coup d’audaces, d’imagination, d’enthousiasme de la part de tous et surtout de talent. Créations multiples, métissages que personne n’aurait imaginés, comme le travail commun entre des danseurs Hip-hop purs et durs et des Étoiles de l’Opéra de Paris, portes largement ouvertes à tous les brassages, en particulier avec de multiples chorégraphes contemporains, l’aventure est grisante, avec en son centre la personnalité opiniâtre et brillante d’Olivier Meyer.

Un vrai roman d’aventure, encore en plein devenir, et qui a de superbes épisodes en perspective. Isabelle Calabre, très documentée, a transformé ce qui aurait pu n’être qu’une accumulation de titres, de dates et de noms, en un véritable conte des temps modernes.

BĂ©jart ultime

On n’aura jamais fini d’écrire sur Maurice Béjart et son œuvre. Mais plus le temps nous séparera de sa disparition, moins tout écrit et tout témoignage paraîtra vivant et authentique. Michel Robert a passé deux années à Lausanne dans l’entourage immédiat du chorégraphe pour réaliser des entretiens complétant les deux ouvrages qu’il avait déjà publiés (Conversations avec Maurice Béjart, 2000 ; Ainsi danse Zarathoustra, 2006).

Cette fois, il s’agit des tous derniers propos consentis par Béjart jusqu’au seuil de la mort, regards d’une lucidité et d’une franchise confondantes. On doit être cependant prudent quand on parle de franchise concernant Béjart, car ses opinions sur son œuvre, si surprenantes souvent dans ce livre, étaient sujettes à de profondes variations au fil du temps et l’homme du geste théâtral de la parole qui fait mouche, l’est jamais loin.

Il n’hĂ©sitait guère Ă  retrouver des vertus Ă  tel ballet, comme sa Neuvième symphonie de Beethoven, si on lui demandait de la remonter, après l’avoir jugĂ©e « faite par un dĂ©bile mental Â». Et quand il exĂ©cute d’un mot : « ratĂ© Â», certains de ses ballets, il est permis de ne pas y croire. Il fut de mĂŞme un temps oĂą il annonçait ne pas vouloir que l’on danse ses ballets après sa mort, alors qu’il n’en fut question ensuite.

Eût-il changé d’idées encore s’il avait vécu davantage ? On peut s’interroger, ce qui n’enlève rien à l’intérêt de tout ce que rapporte Michel Robert dans ces pages qui portent sur l’ensemble de la vie et de l’œuvre du maître et qui ont certainement valeur de testament, conscient ou non. Parmi les documents les plus rares et les plus émouvants figurent des photos de Béjart en famille, une partie de sa vie sur laquelle il fut toujours d’une extrême discrétion, l’accès n’en étant réservé qu’à quelques privilégiés.

Un beau livre, passionnant, fondamental, voulu par Béjart lui-même, comme pour donner un ultime témoignage de sa lucidité envers lui-même, du regard toujours distancié qu’il porta sur son œuvre, sur sa vie, et des contradictions et paradoxes qu’il adora toujours.

Les sortilèges de Martha

À La fois très médiatisée et très secrète, l’une des plus grandes pianistes de notre temps, Martha Argerich, n’avait jamais voulu livrer sa vie à la plume de quiconque. Confiante dans l’intelligence et la perspicacité du journaliste Olivier Bellamy qu’elle connaît bien, elle a fini par accepter de se confier.

Aussi clairement écrit que structuré, ce texte a d’abord pour intérêt de nous raconter une artiste dont on croyait tout connaître et dont on ne connaissait en fait quasiment rien. Ou au moins rien de ce qui bâtit intimement une personnalité aussi forte, aussi contradictoire, aussi libre.

La fulgurance du jeu semble dès lors l’image de celle d’une existence, avec ses choix étonnants, scandant un parcours qui traverse l’histoire du piano à notre époque comme une traînée de feu et dont l’influence sur tout l’art pianistique est aujourd’hui évident au-delà de ce que l’on pouvait imaginer.

Adulée et critiquée, souvent imprévisible mais jamais indifférente, Martha Argerich est présente dans ces lignes au travers de mille détails de sa vie qui la rendent à la fois plus humaine et plus exceptionnelle, plus hors du commun.

Cette histoire est une vraie saga, avec ses scandales, ses triomphes, son bruit et sa fureur, beaucoup de musique flamboyante et profonde, ce qui n’est pas contradictoire. C’est aussi la rencontre avec une femme aussi séduisante qu’intimidante, mais que les qualités humaines et artistiques d’Olivier Bellamy ont su apprivoiser, pour notre bénéfice collectif.

Une lecture incontournable pour tous ceux qui aiment le piano.