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SELECTION CD |
20 avril 2024 |
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SĂ©lection CD novembre 2010 |
Le vérisme selon Kaufmann
Verismo Arias
Airs de Zandonai, Giordano, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Boito, Ponchielli, Refice
Jonas Kaufmann, ténor
Chœur et Orchestre de l’Académie Sainte Cécile de Rome
direction : Antonio Pappano
Enregistrement : 2010
1CD DECCA 478 2258
L’ascension fulgurante et les triomphes incessants de Jonas Kaufmann a de quoi irriter plus d’un rival et même certains mélomanes. Mais qu’y pouvons-nous, sinon nous réjouir de posséder un interprète aussi exceptionnel et accompli, avec en outre une personnalité bien particulière ? Inutile de se lancer dans le très stérile jeu des comparaisons.
Kaufmann est lui-même, avec ce timbre si riche et capable de toutes les couleurs, cette technique qui lui permet toutes les nuances qu’il veut et ce sens du texte qui en fait un interprète dont l’approche de chaque air va au-delà de la musique, jusqu’à la vérité profonde de chaque personnage et de chaque compositeur. Ces qualités sont particulièrement évidentes et précieuses dans ce programme vériste, car elles permettent au chanteur de révéler la plupart des airs abordés avec une dimension théâtrale et intérieure qui ne se réduit au mélodrame de convention.
On n’a quasiment jamais entendu ces musiques chantées avec une telle humanité et une palette de nuances aussi complète. La carrière de Kaufmann l’oriente de plus en plus vers des rôles plus lourds, chez Wagner notamment, chez Verdi certainement aussi, chez des compositeurs comme Cilea dont il va aborder cette saison en scène Adrianna Lecouvreur. Et bientôt Andrea Chénier si l’on en juge par les larges extraits ici présents.
Un disque qui une fois de plus touche à la perfection, avec la baguette si intelligente de Pappano et les très beaux musiciens romains.
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L’Orchestre de Paris dynamisé
Georges Bizet (1838-1875)
Symphonie en ut
Petite suite d’orchestre op. 22 (Jeux d’enfants)
Roma, suite pour orchestre n° 3
Orchestre de Paris
direction : Paavo Järvi
Enregistrement : 2009
1 CD Virgin Classics 62861304
Les concerts de rentrée de l’Orchestre de Paris l’ont confirmé : la formation n’est jamais aussi bonne qu’en accueillant ses nouveaux directeurs musicaux. Ensuite, au fil des années, il peut y avoir quelques problèmes. Mais pour l’heure, réjouissons-nous.
Consacré à Bizet, ce CD enregistré aux deux tiers en direct salle Pleyel en novembre 2009 est une belle réussite. Une lecture tonique, colorée, des principales pages orchestrales du compositeur, avec un son très adapté à ces œuvres, cette lumière bien spécifique des orchestres français, qui n’est pas l’onctuosité parfois monochrome des formations germaniques, ni la flamboyance parfois agressive des russes.
Excepté pour la Symphonie en ut dont l’éclat naturel est a priori séduisant et dont le dynamisme rappelle bien des souvenirs balanchiniens aux balletomanes, les autres pages demandent beaucoup de subtilité dans leur approche pour ne pas rester de simples exercices d’école, même s’ils sont d’un jeune compositeur hyper doué. L’enjeu de ce concert et de ce disque était important. La partie a été gagnée.
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L’Orgue en majesté
André Raison (ca. 1650-1719)
Messes d’orgue des Troisième et Huitième tons
Plain chant alterné d’Henry Du Mont et de Paul d’Amance
Jean-Patrice Brosse, orgues de Cintegabelle et du Prytanée militaire de La Flèche
Ensemble Vox Cantoris
Enregistrement : 2009
2CD Psalmus PSAL009
Qu’elle était belle, la musique d’église, en ces temps où elle jouait la spiritualité qui est son rôle au lieu de pasticher la chansonnette ! Musicien sous Louis XIV, André Raison n’est pas le plus connu, mais sans doute pas l’un des moindres. L’organiste-claveciniste-chercheur Jean-Patrice Brosse, aux orgues magnifiques de Cintegabelle et du Prytanée de la Flèche, nous propose ici des pages d’une écriture en effet somptueuse de rigueur et de rayonnement intérieur.
Elles alternent avec de brefs passages de plain-chant selon une coutume courante à l’époque, créant ainsi un climat d’une grande spiritualité et d’une incontestable beauté sonore. Excellente présence en ce domaine de l’Ensemble Vox Cantoris. Une certaine austérité, certes, mais la richesse très particulière de la sonorité des orgues et l’intelligence sensible de l’interprétation la mettent à la portée immédiate de l’auditeur d’aujourd’hui.
Une musique rare, d’une grande densité, par un interprète que l’on sent investi avec enthousiasme et générosité.
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Au clavier et au pupitre
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano n° 20 en ré mineur K. 466
(Cadence de Beethoven)
Concerto pour piano n° 27 en sib majeur K. 595
(Cadence de Mozart)
Kremerata Baltica
Evgeni Kissin, piano et direction
Enregistrement : 2008
1CD EMI Classics 6 26645 2
Ils sont aujourd’hui bien nombreux, les pianistes qui ne se satisfont plus de leur seul clavier et qui brandissent aussi la baguette de chef. Pour quelques réussites incontestables, on voit surtout des tentatives assez neutres, qui n’apportent finalement rien de très personnel et qui auraient sans doute pu être enrichies par un échange en profondeur avec un chef.
C’est un peu l’impression que donnent ces deux concertos de Mozart joués et dirigés par Kissin, immense pianiste s’il en est, même si Mozart n’est peut-être pas son terrain d’action privilégié. Le piano sonne clair, le jeu est brillant, l’analyse précise, mais tout cela ne révèle tien de très personnel ni de très exaltant sur ces œuvres.
D’autant que la direction orchestrale elle non plus n’affirme aucune option bien spécifique au-delà d’une lecture bien proprette, dynamique certes, mais plutôt superficielle. Rien de déshonorant, mais rien qui soit non plus à la hauteur de ce que Kissin nous apporté dans d’autres répertoires, avec son piano tout seul.
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Gergiev en terrain d’élection
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Symphonie n° 2 en mi mineur op. 27
London Symphony Orchestra
Valery Gergiev, direction
Enregistrement : 2008
1CD LSO Live SACD LS00677
Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra continuent leur passionnant parcours commun dans la série LSO Live. Personne ne s’étonnera de constater qu’avec cette Deuxième Symphonie de Rachmaninov, le grand chef russe évolue dans un univers qui est absolument le sien, par culture, par sensibilité, par goût. L’art de Gergiev est idéal pour donner à des pages comme celles-ci un relief et une vie absolument magiques, replaçant la partition parmi les grandes pages orchestrales postromantiques.
La qualité d’un orchestre exceptionnel en totale osmose avec son chef entre naturellement beaucoup en jeu dans cette réussite, mais on entend d’emblée comment l’ampleur du phrasé, la générosité des élans, s’ajoutent chez Gergiev à un sens inné des contrastes et des couleurs, comme s’il sculptait le son dans la masse orchestrale.
Des crescendi menés avec une science magistrale propulsent l’Adagio sans cesse vers l’avant, préparant l’explosion flamboyante de l’Allegro final, éblouissant de couleurs. La manière dont l’ensemble de la symphonie est emporté par un large souffle lyrique et généreux est splendide. La phrase musicale avance sans arrêt, quel que soit le tempo, mais sans exagération émotionnelle ni exubérance forcée. Et tout s’achève dans une coda d’une extrême splendeur sonore.
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| GĂ©rard MANNONI
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