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SELECTION CD 26 avril 2024

Avantage Ă  Minkowski



Alignant la crème du bel canto baroque, le nouvel enregistrement d’Ariodante de Haendel par Alan Curtis, dont la version de concert donnée au Théâtre des Champs-Élysées accompagnait la parution chez Virgin Classics, se pose inévitablement en concurrent de la gravure de référence réalisée par Marc Minkowski, avec une distribution plus inattendue. Comparons donc.


Le 27/05/2011
Mehdi MAHDAVI
 

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     Avantage Ă  Minkowski



    Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
    Ariodante
    Joyce DiDonato (Ariodante)
    Karina Gauvin (Ginevra)
    Sabina Puértolas (Dalinda)
    Marie-Nicole Lemieux (Polinesso)
    Topi Lehtipuu (Lurcanio)
    Matthew Brook (Il Re di Scozia)
    Anicio Zorzi Giustiniani (Odoardo)
    Il Complesso Barocco
    direction : Alan Curtis
    Enregistrement : 2010
    3 CD Virgin Classics 50999 0708442 3


    Bon an mal an, Alan Curtis s’achemine vers une intégrale des opéras de Haendel. Si raretés et inédits ont longtemps eu ses faveurs, le musicologue et chef américain enregistre désormais les drammi per musica les plus célèbres du caro Sassone, quitte à rivaliser avec des gravures de référence.

    C’est le cas avec Ariodante, dont Marc Minkowski livrait en 1997 une lecture d’emblée mythique, avec dans le rôle-titre une Anne Sofie von Otter s’inventant face aux micros une virtuosité, une fantaisie dans les da capi qu’on ne lui soupçonnait pas, une stature authentiquement chevaleresque enfin. Faute de projection, le miracle ne s’était pas renouvelé quatre ans plus tard au Palais Garnier, dans la production il est vrai calamiteuse de Jorge Lavelli.

    Ă€ l’inverse, Joyce DiDonato a abordĂ© Ariodante sur la scène du Grand Théâtre de Genève, endossant assez miraculeusement la vocalitĂ© du castrat Carestini quelques mois Ă  peine après avoir livrĂ© son Ă©tonnante Alcina Ă  la postĂ©ritĂ© – l’exploit n’était pas mince. Nous lui avions Ă  l’époque souhaitĂ© « un chef plus soucieux de dynamique, de style, et avant tout de dialogue Â» que l’amorphe Kenneth Montgomery.

    Alan Curtis n’en peut mais, l’infatigable défricheur de partitions qu’il est demeure envers et contre tout un piètre chef d’orchestre, immuable point noir de disques haendéliens aux affiches toutes plus prestigieuses les unes que les autres.

    La comparaison s’avère des plus cruelles entre les Musiciens du Louvre, leur sonorité ample, leur réactivité ébouriffante, et un Complesso Barocco décharné, abrupt, qui plus est plombé par un clavecin à la mécanique crispante, que surexpose une prise de son sans perspective. Pour ne rien dire du geste moteur, narratif de Marc Minkowski, poussant chanteurs et instrumentistes jusque dans leurs derniers retranchements, tant du point de vue rythmique que dynamique.

    Mouvement uniforme – trop ou pas assez –, palette étroite, carrures raides à pleurer, Curtis semble définitivement imperméable au théâtre certes, mais pire encore, à ces courbes dont ses chanteuses sont prodigues.

    Revenons justement à Joyce DiDonato. Depuis Genève, la couleur s’est éclaircie, sopranisante sur toute l’ambitus, et la colorature a perdu de son insouciance, à moins que les tempi entre deux eaux des airs les plus agiles ne permettent pas d’en trouver le juste calibre, encore moins l’exaltation – Con l’ali di costanza phrase prudemment ses doubles croches au disque autant qu’en concert, et seul le da capo de Dopo notte renoue avec cette urgence du timbre et de l’expression qui caractérise habituellement un art sur le fil du frémissement.

    Scherza infida est évidemment d’une intensité hors du commun – au sens strict –, accrue en public par un silence d’une qualité rare, mais Christophe Rousset entraînait la mezzo américaine bien plus loin entre chien et loup, dans l’album Furore. C’est finalement dans des airs moins attendus – Tu prepararti a morire, à la scansion orchestrale d’une vigueur inespérée, mais surtout Cieca notte et l’arioso qui le précède – que DiDonato impressionne et émeut le plus durablement.

    Sur le strict plan vocal, Marie-Nicole Lemieux ne peut tout à fait rivaliser avec la phénoménale Ewa Podles, mais elle s’approprie la jalousie du noir Polinesso avec une énergie telle qu’il est impossible de résister à ces mots croqués avec une gourmandise venimeuse, à ces ruptures entre un grave tellurique, parfois un rien tassé, un médium cendré et un aigu toujours plus chatoyant, à ces phrasés bondissants, tout en reliefs insinuants. Du grand art en somme, et si profondément habité.

    Topi Lehtipuu se singularise assez semblablement par rapport au Lurcanio Richard Croft, moins virtuose, moins cuirassé sans doute, mais plus poétique de couleur, plus varié d’expression, plus humain donc, alors que le Roi de Matthew Brook, basse assez typiquement anglaise, c’est-à-dire scrupuleusement musicale mais sans éclat particulier, ne ravit pas la couronne au météoritique Denis Sedov.

    Le timbre pincé de Sabina Puértolas – de ceux dont la pointe résiste aux acoustiques les moins clémentes – peut séduire d’abord, assez conforme à la naïveté trompée de Dalinda. Mais en dépit de belles manières musicales, ce chant appuyé sur les épaules plutôt que sur le diaphragme ne tarde pas à plafonner, égrenant les vocalises de Neghittosi, or voi che fate ? – celles-là même où Verónica Cangemi, qui ne se prenait pas alors pour une tragédienne, battait des records de vélocité – tel un risible caquetage.

    Si la suprématie de la lecture de Marc Minkowski s’avère indiscutable, il est un rôle pour lequel la présente version la surpasse. Non que Lynne Dawson, Ginevra suprêmement musicienne, n’ait été à la hauteur de ses partenaires, mais parce que Karina Gauvin est notre soprano haendélien rêvé, étoffe miroitante centrée sur un médium gorgé de sève, au clair-obscur encore affirmé et affermi, d’où l’aigu affleure tel un ornement délicat, non comme un point culminant. Et quelle véhémence nouvellement conquise attise soudain l’affliction de ces lignes capiteuses !

     
    Mehdi MAHDAVI


     

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