altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




SELECTION CD 20 avril 2024

Le Ring des Rings



À force de l’avoir réclamé à l’envi dans ces colonnes, ayons l’immodestie de croire que nous avons été entendus : le Ring de Clemens Krauss à Bayreuth, interprétation parmi les plus chéries des wagnériens et véritable légende vivante du disque, connaît enfin sa première édition officielle au CD, à l’heure où le support est en voie d’obsolescence. Mieux vaut tard que jamais.


Le 25/07/2011
Yannick MILLON
 

  • Le Ring des Rings
      [ Toutes les parutions ]


  • Les 3 derniers dossiers
  • Les "indispensables" Bach de nos critiques

  • Telefunken Legacy : le nec plus ultra des collections historiques

  • Les dernières parutions pour l'annĂ©e Bach

    [ Tous les dossiers CD ]


     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  •  

     Le Ring des Rings



    Richard Wagner (1813-1883)
    Der Ring des Nibelungen

    Das Rheingold
    Hans Hotter (Wotan), Ira Malaniuk (Fricka), Bruni Falcon (Freia), Gerhard Stolze (Froh), Hermann Uhde (Donner), Erich Witte (Loge), Paul Kuen (Mime), Maria von Ilosvay (Erda), Gustav Neidlinger (Alberich), Ludwig Weber (Fasolt), Josef Greindl (Fafner), Erika Zimmermann (Woglinde), Hetty PlĂĽmacher (Wellgunde), Gisela Litz (Flosshilde)
    Enregistrement : 8 août 1953

    Die WalkĂĽre
    RamĂłn Vinay (Siegmund), Regina Resnik (Sieglinde), Josef Greindl (Hunding), Hans Hotter (Wotan), Astrid Varnay (BrĂĽnnhilde), Ira Malaniuk (Fricka), Lise Sorrell (Waltraute), Liselotte ThomamĂĽller (Helmwige), Bruni Falcon (Ortlinde), BrĂĽnnhild Friedland (Gerhilde), Maria von Ilosvay (Schwertleite), Gisela Litz (Siegrune), Erika Schubert (Rossweisse), Sibylla Plate (Grimgerde)
    Enregistrement : 9 août 1953

    Siegfried
    Wolfgang Windgassen (Siegfried), Astrid Varnay (BrĂĽnnhilde), Hans Hotter (Der Wanderer), Paul Kuen (Mime), Gustav Neidlinger (Alberich), Josef Greindl (Fafner), Maria von Ilosvay (Erda), Rita Streich (l'Oiseau de la forĂŞt)
    Enregistrement : 10 août 1953

    Götterdämmerung
    Wolfgang Windgassen (Siegfried), Astrid Varnay (Brünnhilde), Gustav Neidlinger (Alberich), Josef Greindl (Hagen), Natalie Hinsch-Gröndahl (Gutrune), Hermann Uhde (Gunther), Ira Malaniuk (Waltraute), Erika Zimmermann (Woglinde), Hetty Plümacher (Wellgunde), Gisela Litz (Flosshilde), Maria von Ilosvay (Première norne), Ira Malaniuk (Deuxième norne), Regina Resnik (Troisième norne)
    Enregistrement : 12 août 1953

    Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
    direction : Clemens Krauss

    14 CD Orfeo Bayreuther Festspiele


    Voilà bientôt dix ans que nous attendions qu’Orfeo, choisi par le festival de Bayreuth pour publier enfin de manière officielle les trésors sonores de ses archives, propose une édition digne de sa légende du Ring sans lendemain de Clemens Krauss, capté en août 1953 sur la Colline.

    Inutile en effet de tourner autour du pot : il s’agit sans doute de la Tétralogie la plus vivante de toutes, celle qui réalise la plus improbable synthèse entre les visions creusées et infinies d’un Knappertsbusch, la pâte incandescente et le mouvement quasi improvisé d’un Furtwängler, et les pulsions et brûlures théâtrales d’un Böhm. Le point de convergence entre toute une tradition majestueuse et une immédiateté dévastatrice.

    Qu’on ne s’y trompe pas d’ailleurs en y cherchant la finition et le raffinement d’un Karajan ou les alliages d’alchimiste d’un Boulez, Krauss le dégraisseur étant homme de vision et de frénésie de l’instant plus que de perfection du détail et de construction globale, options résistant assez mal à l’écoute fractionnée.

    Ainsi, pris à part, tel prélude ou interlude pourra apparaître gâté par les aléas du direct – on cherchera le début du thème dans la Chevauchée des Walkyries, le sentiment de pureté originelle dans un prélude de Rheingold peut-être plus cafouilleux et sale que ceux de Kna, ce qui n’est pas peu dire, entre mille exemples sortis de leur contexte.

    Reste que par delà les impairs, la battue de Krauss, formée à l’élégance aristocratique de la Vienne Jugendstil et nourrie d’une fréquentation assidue de l’univers straussien – n’oublions pas que parallèlement à ce deuxième cycle du Ring de l’été 1953, le chef autrichien donnait le Rosenkavalier le plus étourdissant qu’ait connu Salzbourg, comme en témoigne une bande d’assez bonne qualité éditée chez Guild – offre en permanence un sentiment de liberté, de jubilation théâtrale sans pareilles.

    Le bouillonnement de l’Or du Rhin et ses fulgurances – Zu mir, Freia ! et ses timbales –, la tension continue, portée par l’énergie du désespoir, de la Walkyrie – la colère titanesque de Wotan, ses trombones chauffés à blanc, ses déferlantes de cordes –, le plus beau Siegfried de la discographie – la fraîcheur, l’animation, l’innocence, et ce duo final d’anthologie, où une fraction du public, gagnée par un élan contagieux, applaudit avant la conclusion de l’orchestre – et un Crépuscule ombrageux comme rarement – espoirs brisés, dignité trahie, colères homériques et renoncement consenti –, forment un Anneau du Nibelung prodigieux de théâtre, d’immanence, de vie.

    Pour ne rien dire de l’évidence psychologique dégagée par une narration d’une subtilité, d’une justesse inouïes – la fin du premier monologue de Siegmund, arrachée tel un sanglot trop longtemps contenu ; les effluves maternels d’une tendresse, d’une irisation impalpables accompagnant Siegfried sous son tilleul ; la panique de Brünnhilde soumise par le faux Gunther, tout en soubresauts.


     

    Évidence de la déclamation



    Ce Ring est aussi celui qui capte à leur zénith les quatre chanteurs emblématiques de cette première production de Wieland Wagner, donnée entre 1951 et 1958 : Hans Hotter, Astrid Varnay, Wolfgang Windgassen et Gustav Neidlinger. Tous dans leur plus ardente jeunesse, particulièrement un Siegfried qu’on ne retrouvera plus à ce degré de suprême radiance.

    Et comment ne pas être frappé par un travail d’équipe sans équivalent sur le sens du texte, sur la clarté au scalpel de la diction de chacun, basses profondes comme sopranos légers, fruit du travail maniaque de Wieland Wagner ? Nulle part ailleurs on ne retrouvera à ce point perfection du dire et évidence de la déclamation.

    Les basses noires de Josef Greindl, le Fasolt fou d’amour jusqu’à la brutalité de Ludwig Weber, le Loge beaucoup moins pâle qu’on l’a souvent dit d’Erich Witte, la laideur artiste du Mime piaulant de Paul Küen, les prophéties de l’Erda pythonisse de Maria von Ilosvay, jusqu’aux jumeaux embrasés de Ramón Vinay et Regina Resnik, lui d’une virilité brisée, agonisante, elle sans doute trop mûre de couleur mais d’un aigu incendiaire répondant dare-dare à la tempête orchestrale, tous apportent leur pierre à l’édifice.

    Basée sur les bandes originales, la restauration sonore d’Orfeo offre un gain évident en termes de confort, avec une captation moins écrasée des voix et de l’orchestre comparé à la dernière mouture parue chez Archipel, et une meilleure perception de l’acoustique si particulière de Bayreuth et notamment de la profondeur de la scène et sa réverbération, qui permettent d’écouter des actes entiers sans avoir les oreilles qui sifflent.

    Puisse le label munichois continuer à rééditer dans les mêmes conditions – les textes d’accompagnement et les photos sont aussi un régal – les trésors des archives du Neues Bayreuth, dont on n’a pas fini de mesurer la portée historique !

     
    Yannick MILLON


     

  • Le Ring des Rings
     


  •   A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com