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SELECTION CD 26 avril 2024

SĂ©lection CD septembre 2011



Cap sur l’orchestre, avec quatre parutions de ces derniers mois passées au crible : les poèmes symphoniques de Tchaïkovski d’après Shakespeare par Dudamel, le premier album de la violoniste Lisa Batiashvili avec Salonen dans Chostakovitch, la Deuxième Symphonie de Mahler par Rattle, et un seul coup de cœur au final, pour la Symphonie Pathétique de Barenboïm à Salzbourg.


Le 12/09/2011
Yannick MILLON
 

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     SĂ©lection CD septembre 2011

    Un maître ès tempêtes



    TchaĂŻkovski & Shakespeare
    Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
    Hamlet, ouverture-fantaisie op. 67
    La TempĂŞte, fantaisie symphonique op. 18
    Roméo et Juliette, ouverture-fantaisie
    Orchestre symphonique SimĂłn BolĂ­var du Venezuela
    direction : Gustavo Dudamel
    Enregistrement : Caracas, Salle SimĂłn BolĂ­var, 02/2010
    1 CD Deutsche Grammophon 477 9355




    Programme original et cohérent bien qu’un peu court pour ce nouvel enregistrement de Dudamel à la tête des chicos de l’Orchestre Simón Bolívar. En regroupant ainsi les trois poèmes symphoniques de Tchaïkovski consacrés à Shakespeare, le jeune maestro offre son tempérament volcanique à des partitions qui, hormis le répandu Roméo et Juliette, n’ont encore que trop marginalement trouvé leur place au grand répertoire.

    C’est d’ailleurs assez logiquement dans Hamlet et la Tempête que Dudamel fait le plus d’étincelles, la rareté des partitions impliquant souvent chez les grands chefs une attitude plus scrupuleuse quant au respect du texte. Ainsi, l’approche nettement plus personnelle de Roméo et Juliette se situera un large cran en dessous.

    On a d’ailleurs du mal à percevoir un fil directeur sur l’ensemble d’une exécution très étirée (22’14’’), où l’introduction n’est pas loin de la vacuité, trop lente, articulée à plat, sans autre climat qu’une espèce de solennité empesée. Et si Dudamel sait ponctuellement faire jaillir une entrée, un accent, sa manière de privilégier la courbe, la longueur plus que le tranchant – Rixe des Capulet et Montaigu –, le placent assez loin derrière les Toscanini et Svetlanov qui ont autrement exhalé le sel de cette ouverture-fantaisie.

    Pour autant, il faut découvrir ce disque pour les deux autres partitions, servies cette fois avec une totale cohérence et un vrai respect des rouages dramatiques, occasion d’une démonstration de maîtrise orchestrale, d’une intensité rendant presque caduques les gravures longtemps considérées comme de référence – car alors les seules disponibles – de Dorati à Washington.

    Dès le premier roulement de timbales de Hamlet, on comprend que le jeune maestro saura triompher d’une écriture à feu et à sang, en emportements dantesques, en soudaines saillies de cuivres tranchant admirablement dans la masse, avec un sens du cataclysme orchestral jouissif, un tempo roboratif – la chevauchée – le tout jamais au détriment d’épisodes lyriques très travaillés.

    La houle introductive de la Tempête offre elle aussi son luxe de détails et une sensation de stratification sibélienne, avec de sombres cuivres graves, une sourde puissance tellurique et une gestion du ressac stupéfiante. Quant à la manière de flageller la matière d’une mer démontée, elle confirme que Dudamel est bien aujourd’hui l’un des grands maîtres de l’énergie et de l’électricité. Et son orchestre de jeunes, d’une absolue cohésion, d’une solidité dans les soli, d’une violence maîtrisée inouïe dans les tutti, se place une fois encore très au-dessus de la mêlée des formations extra-européennes de ce type.

    La notation reflète une moyenne entre le Coup de cœur de Hamlet et la Tempête et un Roméo naviguant entre deux et trois cœurs.



     
    Échos du temps…



    Echoes of time
    Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
    Concerto pour violon n° 1 en la mineur op. 99
    Valse lyrique
    Giya Kancheli (*1935)
    V & V
    Symphonieorchester des bayerischen Rundfunks
    direction : Esa-Pekka Salonen
    Enregistrement : Munich, Herkulessaal, 05/2010
    Arvo Pärt (*1935)
    Spiegel im Spiegel
    Sergei Rachmaninov (1873-1943)
    Vocalise op. 34 n° 14
    Lisa Batiashvili, violon
    Hélène Grimaud, piano
    Enregistrement : Paris, IRCAM, 11/2010
    1 CD Deutsche Grammophon 477 9299




    Encore un album transversal que ces Echoes of time de la violoniste géorgienne Lisa Batiashvili, dont les débuts chez le label jaune s’opèrent successivement avec orchestre puis avec piano, en complément du Premier Concerto de Chostakovitch. Le concept semble s’installer, privilégié par de plus en plus de maisons de disques cherchant à casser les associations traditionnelles.

    Le fil conducteur – les compositeurs soviétiques émigrés – ne convainc qu’à moitié, en raison de réelles disparités musicales – une péninsule sépare le joli sentimentalisme de la Vocalise de Rachmaninov, à l’archet frémissant, et le Spiegel im Spiegel hypnotique d’Arvo Pärt, des angoisses chostakoviennes –, encore que le contemplatif V & V de Kancheli offre matière à une certaine évasion sonore.

    Récemment installée en France après avoir vécu une quinzaine d’années à Munich, Lisa Batiashvili a travaillé le Premier Concerto pour violon de Chostakovitch avec David Oïstrakh à Moscou. Elle en a surtout retenu la pureté absolue du son et de l’intonation, une sonorité au noyau très fin et une drastique exigence en matière de résistance aux effets faciles. Pour autant, elle jouera bien à sa manière, dans le Nocturne, d’une errance quasi immobile, d’essence cérébrale, qu’on retrouvera au même degré dans la cadence de la Passacaille.

    Salonen, à l’opposé des atmosphères insoutenables d’urgence de la période soviétique, conçoit ses mouvements impairs en tissu continu, trahissant des accointances contemporaines avec le répertoire nordique – contours estompés, au-dessus d’un magma dormant où s’insinuent surtout les cordes graves, la clarinette basse. Assez inhabituelle, l’approche n’en demeure pas moins passionnante.

    D’autant que le Scherzo et la Burlesque, où il faudra monter le son pour recevoir comme il se doit la gifle exigée, sont abordés avec une motricité grisante, et une mise en valeur de timbres – un basson goguenard, un xylophone bien pointu – participant à la farouche énergie générale. Et si dans la durée, l’archet de Batiashvili doit économiser çà et là un soupçon de dynamique pour contrecarrer une endurance inhumaine, le chef finlandais prend le relais avec quelques coups de griffe et coups de force rigoureusement assénés – les timbales dans la coda.

    Prise isolément, une interprétation qui vaut un Coup de cœur, et une très utile version de complément aux live historiques indétrônables de Kogan-Kondrachine – d’une tension surhumaine, d’une géniale hystérie aux confins de la folie – et de Oïstrakh-Mravinski – sur le fil du rasoir, plus apollinien mais au climat tout aussi concentrationnaire –, disponibles dans le coffret Russian Legends consacré aux solistes russes du XXe siècle par Brilliant Classics (Abeille Musique) et au magnifique enregistrement studio de Vengerov-Rostropovitch (Teldec-Apex).



     
    Aléas du remake



    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 2 en ut mineur, « RĂ©surrection Â»
    Kate Royal, soprano
    Magdalena Kožená, mezzo-soprano
    Rundfunkchor Berlin
    préparation : Simon Halsey
    Berliner Philharmoniker
    direction : Sir Simon Rattle
    Enregistrement live : Berlin, Philharmonie, 10/2010
    2 CD EMI Classics 6 47363 2




    Un quart de siècle après un enregistrement qui avait fait grand bruit, Sir Simon Rattle remet sa Deuxième Symphonie de Mahler sur le métier, aux sommets d’une carrière l’ayant mené au firmament, avec des Berliner Philharmoniker incomparables et une nouvelle génération de chanteuses.

    En vingt-cinq ans, force est de constater que sa vision globale a peu évolué, et l’on y retrouve les bons côtés – l’élégance somme toute assez viennoise de l’Andante, la gestion sans faille de l’immense Finale, et notamment des épisodes choraux – comme les mauvais – l’amollissement des épisodes lyriques, le martèlement poisseux culminant sur la réexposition, mais aussi la coda avachie du premier mouvement.

    Prenons justement la manière dont Sir Simon entame la Marche funèbre, où la tension installée par les trémolos s’évacue dès que la nuance descend d’un cran, mais aussi parce que les archets des basses tendent à traîner sur la corde, sans doute par volonté d’éviter toute sécheresse. On ne compte plus les effets de ce genre renforcés par des transitions parfois à l’abandon et une mécanique un peu poussive – un comble quand on dispose de la machine de guerre que peut être le Philharmonique de Berlin.

    Pour autant, s’il joue certains passages à cinquante pour cent, Sir Simon se déchaîne en compensation dans d’autres, et réussit outre un Scherzo de la plus belle vivacité un moment proprement exceptionnel qui n’appartient qu’à lui : les cinq dernières minutes du Finale, quand le chœur commence à prendre son envol, avant d’atteindre un Auferstehn chauffé à blanc, donnant le frisson par son ardeur, sa violence et son embrasement cosmique, où le Rundfunkchor de Berlin se surpasse, où les Berliner retrouvent leur puissance terrassante de l’époque Karajan.

    En revanche, là où le bât blesse assez nettement, c’est au niveau des solistes vocaux, et notamment au regard des Janet Baker – même un rien altérée par les ans – et Arleen Augér qui officiaient dans la précédente version Rattle. Comment ne pas déplorer ici l’expressivité de chien battu de Madame Kožená, au timbre plutôt joli et aux efforts musicaux louables mais à la vocalité chaotique, et plus encore le hululement exsangue de Kate Royal ?

    À l’heure du bilan, entre les deux versions, on conseillera aux amateurs de haute-fidélité, de chœurs impeccables et d’orchestres glorieux celle-ci, en précisant à ceux pour qui les voix solistes valent autant que tout le reste de thésauriser l’ancienne version de Birmingham, au demeurant plus franche et directe, plus anguleuse à l’orchestre, où ils trouveront nettement plus de matière à satisfaction.



     
    No man’s land tragique



    Arnold Schoenberg (1874-1951)
    Variations pour orchestre op. 31
    Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
    Symphonie n° 6 en si mineur op. 74, « PathĂ©tique Â»
    West-Eastern Divan Orchestra
    direction : Daniel BarenboĂŻm
    Enregistrement live : Salzburg, Grosses Festspielhaus, 08/2007
    1 CD Decca 478 2719




    On a peine à le croire. L’orchestre aux limites de la transe entendu dans ce disque est-il bien le même, absolument éteint et cafouilleux, qui avait donné une piètre version de concert de Fidelio au festival de Salzbourg 2009 ? Un peu comme un soleil de plein midi chasserait une nuit crasseuse, cette parution Decca vient redorer le blason du West-Eastern Divan Orchestra de Daniel Barenboïm ; et de quelle façon !

    Il n’y a qu’à entendre la manière dont sont empoignées les Variations op. 31 de Schoenberg, dont la décadence délétère se fait l’écho d’un monde en totale décomposition, pourrissant de désagrégation dans une nécessaire révolution du langage. Aux antipodes de l’analyse rigoureuse d’un Boulez, Barenboïm, à l’image du souvenir laissé par un Wozzeck enténébré, exalte les ambiances torturées d’une partition délicate à manœuvrer, plus attentif au contenu humain et émotionnel qu’à la stricte cérébralité.

    Et ce rubato maniaco-dépressif, si souvent problématique ailleurs, tombe ici à point nommé dans ces miniatures aux ruptures incessantes, cernant au mieux les velléités d’humeur d’un Schoenberg lunaire en diable. Et sans être d’une précision maniaque dans les dosages ou la densité polyphonique, le WEDO affiche ici des timbres évocateurs et toujours prégnants – un tapis de cordes brûlant, des trombones coupants.

    Même constat dans la pièce de résistance du disque. Si le même été, toujours au Grosses Festspielhaus de Salzbourg, le geste cyclothymique de Barenboïm nous avait rebutés dans une production d’Eugène Onéguine d’une totale noirceur, on jette ici les armes devant la puissance d’une Symphonie Pathétique jouée avec une plénitude expressive étouffant dans l’œuf toute réserve.

    Le phrasé est large, charnu, à l’allemande, pressant le legato des cordes de toute sa pulpe, le tempo très assis, la respiration profonde, la pâte sonore d’une indéniable générosité. Et si le premier Allegro semble avoir l’échine courbée, comme anéanti déjà par le poids du destin, c’est pour mieux contraster avec un agitato amené par un solo de clarinette d’une douceur irréelle, qu’on retrouvera intacte après les convulsions centrales, à la manière d’un rouleau compresseur qui dévastera pareillement le troisième mouvement.

    Dans une veine mahlérienne, l’Adagio final, très rubato, va de débordements des cordes en nuances impalpables, de sfumato en bouffées de désespoir, et prépare son grand crescendo en partant de l’infinitésimal, dans un no man’s land furtwänglerien (à partir de 2’26’’), sans jamais s’égarer en chemin, baissant temporairement les bras pour mieux se cabrer jusqu’à un véritable vortex brassant cordes graves, cors bouchés et sinistre gong.

    Jusqu’aux tréfonds d’une musique névrosée au-delà de tout, Barenboïm sert avec l’énergie du désespoir les élans suicidaires comme les coups dévastateurs du destin, dans un authentique grand live, avec son lot de petites imprécisions, mais aussi un engagement impossible en studio.



     
    Yannick MILLON


     

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