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SELECTION CD 19 avril 2024

Le calvaire de Rusalka Kampusch



Parution choc que le DVD de cette Rusalka captée à l’Opéra de Munich. La mise en scène de Martin Kušej n’y va pas par quatre chemins dans l’évocation du calvaire vécu par l’ondine, dont le cauchemar éveillé renvoie aux plus cruels contes pour enfants. L’occasion aussi de découvrir une fabuleuse actrice du nom de Kristine Opolais.


Le 21/03/2012
Yannick MILLON
 

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     Le calvaire de Rusalka Kampusch



    AntonĂ­n Dvořák (1841-1904)
    Rusalka
    Kristine Opolais (Rusalka)
    Klaus Florian Vogt (le Prince)
    Nadia Krasteva (la Princesse étrangère)
    Günther Groissböck (l’Ondin)
    Janina Baechle (la Sorcière)
    Ulrich ReĂź (le Garde-chasse)
    Tara Erraught (le Marmiton)
    John Chest (un Chasseur)
    Evgeniya Sotnikova (Première Dryade)
    Angela Brower (Deuxième Dryade)
    Okka von der Damerau (Troisième Dryade)
    Chor der Bayerischen Staatsoper
    Statisterie une Kinderstatisterie der Bayerischen Staatsoper
    Bayerisches Staatsorchester
    direction : Tomáš Hanus
    mise en scène : Martin Kušej
    décors : Martin Zehetgruber
    costumes : Heidi Hackl
    Ă©clairages : Reinhard Traub
    préparation des chœurs : Sören Eckhoff
    captation vidéo : Thomas Grimm
    Enregistrement : MĂĽnchen, Nationaltheater, 10/2010
    1 Blu-ray Disc Cmajor Unitel Classica 706504


    Qui n’a jamais éprouvé, petit et même à l’âge adulte, que la majorité des contes pour enfants sont d’une cruauté à même de marquer une vie entière ? La chèvre de Monsieur Seguin, Barbe-Bleue, le Petit poucet, Hänsel et Gretel, autant d’exemples qui ont effrayé des générations de bambins.

    Dans cette optique, la Rusalka de Dvořák, basĂ©e sur la Petite sirène d’Andersen, a souvent Ă©tĂ© utilisĂ©e ces dernières annĂ©es par les metteurs en scène les plus iconoclastes pour illustrer cette cruautĂ© sous-jacente.

    À Bruxelles était repris il y a peu le spectacle de Stefan Herheim, axé sur la prostitution, comme l’était celui, tout aussi passionnant, de Jossi Wieler et Sergio Morabito à Salzbourg en 2008. Mais ni l’un ni l’autre ne tenaient sur la durée la justesse, le jusqu’au-boutisme de la production de Martin Kušej présentée à l’Opéra de Munich en octobre 2010.

    Horrifié par les révélations conjointes des viols répétés pendant plus de vingt ans par Josef Fritz sur sa fille et de la séquestration de la jeune Natasha Kampusch pendant 3096 jours, le metteur en scène autrichien, profitant du retentissement public considérable de ces deux affaires, a établi un parallèle avec le harcèlement dont est victime Rusalka, persécutée par son père, et qui ne trouvera pas plus le bonheur dans le monde des humains.

    Enfermée dans un sous-sol qui prend l’eau, parmi les autres victimes du tortionnaire, vivant chaque descente de l’Ondin avec au cœur l’angoisse de passer à la casserole, la jeune femme chante son Hymne à la lune dans sa cave borgne, au milieu de peluches détrempées, symboles d’une innocence perdue à jamais, sans autre espoir que la pitié de son assaillant.

    Ce dernier, répugnant, survêt et traces de vomi sur son t-shirt – Günther Groissböck, sans éclat mais d’une vocalité assez perfide –, est ici marié à la Sorcière – impayable Janina Baechle, hommasse, gracieuse comme une porte de prison, vibrato de possédée –, qui s’emmerde à mourir et passe une partie du II à se limer les ongles avec un air blasé.

    Sommet de cruauté, le monde des humains, dépeçant et dévorant à qui mieux mieux d’innocents petits faons au cours d’une partie de chasse, serait presque pire, avec sa Princesse étrangère – Nadia Krasteva, chant hirsute et aigus de harpie – en vulgaire pute à cent balles, crachant élégamment son champagne dans l’aquarium, besognée par un Prince couard, égoïste et infidèle – Klaus Florian Vogt, immatériel et transparent –, en un sens moins aimant que le tortionnaire du monde lacustre.

    Avec ses airs de Nicole Kidman, sa beauté à couper le souffle, sa présence magnétique, la Rusalka de Kristine Opolais est une révélation, de ces tempéraments de chanteuse-tragédienne comme on n’en a guère vus depuis Waltraud Meier. On ne compte plus les images fortes de la production, culminant lorsque, sans plus aucun espoir, elle se recroqueville avec sa robe de mariée comme un fœtus au milieu des poissons rouges de l’aquarium.

    La voix n’est hélas pas exactement à la hauteur de l’actrice, nantie d’un matériau plutôt solide mais d’un timbre rarement très épanoui ou d’une féminité qui ferait la différence. Si le troisième registre affichait toujours la radiance de certains aigus transcendants du III, on tiendrait le soprano lyrique du moment.

    Dans la fosse, Tomáš Hanus, qui n’apparaîtra jamais à l’écran – mais que l’on découvrira dans un passionnant making of d’une grosse demi-heure proposé en bonus, au milieu des explications du metteur en scène et du directeur de l’Opéra de Munich –, dirige vif, roide, cassant, timbres aiguisés, avec un sentiment de panique qui relaie largement le climat dominant en scène.

    La captation de Thomas Grimm profite de l’exceptionnelle direction d’acteurs, qui fait complètement oublier tout l’artifice de l’exercice vocal, pour filmer les visages au plus près. On aurait toutefois aimé plus de plans larges afin d’avoir une idée plus précise du décor, et notamment des changements à vue, de la même manière qu’on regrettera un vilain fade out à la fin du II pour masquer les applaudissements et une espèce de générique de début et de fin digne d’un polar cheap.

    Reste que ce document exceptionnel offre une expérience de détournement opératique réussie comme il en est peu ; la puissance théâtrale de cette transposition inspirée d’abominations bien réelles est de celles qui marquent une vie, comme les cruels contes pour enfants.

     
    Yannick MILLON


     

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