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SELECTION CD 26 avril 2024

SĂ©lection CD livres mai 2013



Un livre décapant sur Wagner et Louis II de Bavière venu d’Italie, le Requiem de Berlioz en forme d’adieu de Sir Colin Davis, le dixième anniversaire du Quatuor Modigliani, un Concert du Nouvel An viennois tristounet, deux nouveaux concertos de Berg et les Mozart sublimes de Buchbinder et Harnoncourt : tour d’horizon des parutions en ce printemps.


Le 10/05/2013
Yannick MILLON
 

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     SĂ©lection CD livres mai 2013

    Wagner au vitriol



    Nicola Montenz (*1976)
    Parsifal et l’Enchanteur (Louis II et Wagner)
    300 pages
    Éditions JC Lattès 13.01.45.5069.5




    Excellent ouvrage dont on dévore les presque 300 pages que ce Parsifal et l’Enchanteur du jeune musicologue italien Nicola Montenz, centré sur les rapports entre Wagner et le roi Louis II de Bavière. Peu de digressions dans cette étude (agrémentée comme il se doit de très précises notes de bas de page) abordée sous un angle en rien complaisant, chacun en prenant pour son grade, tant le naïf monarque que l’odieux compositeur.

    Le ton, alerte, regorge d’ironie, sans rien retirer à la valeur artistique du personnage Wagner, dont la seule prose est condamnée sans appel. Abordé de manière chronologique et cherchant à faire revivre le climat d’une relation orageuse et passionnée qui a tant défrayé la chronique et fait jaser la cour de Munich, l’ouvrage cherche à faire la part des manipulations mentales, de la séduction réelle et de la clairvoyance.

    On rit souvent de la peinture de ce Wagner ne doutant en rien de son incommensurable génie, utilisant toute personne utile comme un vulgaire kleenex et ne reculant devant rien pour parvenir à ses fins, sous prétexte de laisser à la postérité rien moins que le legs du plus génial Allemand de l’Histoire.

    Avec un art de la formule au vitriol, Montenz ne manque pas de souligner, entre autres anecdotes savoureuses, l’évanouissement du compositeur à l’annonce de la mort de son vieux chien Pohl, alors que tourmenté par une inflammation au doigt, il venait de dédaigner de se rendre aux obsèques de sa première épouse qui avait mis tant d’années à mourir.

    Voilà en tout cas un livre utile et stimulant pour faire la part de l’homme et de l’artiste, axé sur le rapport quotidien à l’autre et n’empruntant que d’assez loin les voies mille fois explorées de l’antisémitisme ou du racisme.



     
    Champagne de crise



    Concert du Nouvel An 2013
    Josef Strauss (1827-1870)
    Theater-Quadrille / Die Soubrette / Sphären-Klänge / Die Spinnerin / Hesperusbahnen / Galoppin / Plappermäulchen
    Johann Strauss II (1825-1899)
    Kuss-Walzer / Aus dem Bergen / Melodien-Quadrille / Wo die Zitronen blüh’n / An der schönen blauen Donau
    Franz von Suppé (1819-1895)
    Leichte Kavallerie
    Richard Wagner (1813-1883)
    Lohengrin, prélude acte III
    Joseph Hellmesberger II (1855-1907)
    Unter vier Augen
    Joseph Lanner (1801-1843)
    Steyrische Tänze
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    Don Carlo, ballet acte III
    Johann Strauss I (1804-1849)
    Der Carneval in Venedig / Radetzky-Marsch
    Wiener Philharmoniker
    direction : Franz Welser Möst
    Enregistrement : Musikverein, Vienne, 1er janvier 2013
    2 CD Sony Classical 88765411632




    En soi, la cuvée 2013 du Concert du Nouvel An viennois n’a rien d’indigne, menée professionnellement et avec des timbres toujours glorieux. Il ne faudrait pourtant pas oublier que le disque ne manque pas de millésimes, car on n’évolue jamais ici ne serait-ce qu’une seconde sur les cimes de Karajan (1987), Kleiber (1989, 1992), Harnoncourt (2001, 2003) ou, plus modestement, Ozawa (2002) ou Muti (2004).

    D’un charisme bien limité, Franz Welser-Möst représente le pendant le plus tristounet de la tradition, confite dans la bienséance et l’aristocratisme stérile. Ainsi conduites de manière pataude, au fond sans esprit viennois, les Musiques des sphères ne quittent jamais le plancher des vaches, pas plus que Où fleurissent les citronniers n’annoncent un printemps radieux.

    Année de célébration verdienne et wagnérienne, cette édition comporte un prélude du III de Lohengrin et un Ballet de Don Carlo de belle facture, sans étourdissement démesuré. S’il fallait garder un moment de ce Premier de l’an, on se rabattrait sans peine sur l’ouverture de Cavalerie légère de Suppé, superbement sonnante et à l’impact physique jubilatoire, seul instant d’effervescence du concert – les ruades de la caisse claire, les sonneries impeccablement articulées des trompettes.

    Considérant à la fois le côté gentiment doctoral du chef autrichien et une prise de son complètement éteinte, de même qu’une image haute-définition assez moyenne, où les dorures bavent, on n’hésitera pas à choisir le CD, à la prise de son nettement plus présente et festive, que le Blu-ray (ou DVD) de ce Concert du nouvel an 2013 qui ne restera pas dans les annales.



     
    Requiescat in pace



    Hector Berlioz (1803-1969)
    Grande Messe des morts op. 5
    Barry Banks, ténor
    London Philharmonic Choir
    London Symphony Orchestra
    direction : Sir Colin Davis
    Enregistrement : Cathédrale St-Paul, Londres, 25-26 juin 2012
    2 SACD LSO Live LSO0729




    Au moment où il quittait cette terre, nous recevions l’ultime enregistrement du Requiem de Berlioz par l’un de ses plus ardents et experts défenseurs, le grand Sir Colin Davis, qui dès 1969 marquait, déjà aux commandes du London Symphony Orchestra, le faîte de la discographie de l’œuvre aux côtés de Charles Munch et de ses forces bavaroises (DG).

    Plusieurs autres captations ont circulé ces dernières années sur le marché du disque, échos plus ou moins probants de concerts donnés à Munich, Dresde ou Londres. Ce dernier témoignage, capté les 25 et 26 juin derniers, quelques semaines après que le chef britannique a donné à Saint-Denis un Requiem de Mozart resté dans les mémoires, a tout d’un testament spirituel.

    En trente ans, sa Grande Messe des morts a gagné en ampleur, et tout particulièrement un Offertoire flirtant avec les douze minutes. La conception globale a elle aussi évolué dans le sens d’une certaine décantation, sans doute accentuée par l’acoustique très réverbérée – mais magnifiquement captée – de la Cathédrale Saint-Paul.

    Point faible de la version officielle Philips, l’homogénéité du chœur, et notamment des ténors, n’est toujours pas le fort de cette nouvelle gravure, le même pupitre, alors déboutonné, péchant ici par excès inverse, à savoir un haut registre plutôt éteint. Mais les masses sonores, la résonance et un sentiment d’éternité prévalent jusque dans un Agnus dei comme venu de l’au-delà.

    Très bon ténor de Barry Banks pour ne rien gâcher dans un enregistrement d’une portée humaniste et spirituelle qui fait bien vite oublier quelques décalages dans les triolets des cuivres mis en espace du Tuba mirum.



     
    Joyeuse décennie !



    Claude Debussy (1862-1918)
    Quatuor Ă  cordes en sol mineur
    Camille Saint-Saëns (1835-1921)
    Quatuor à cordes n° 1 en mi mineur op. 112
    Maurice Ravel (1875-1937)
    Quatuor Ă  cordes en fa majeur
    Quatuor Modigliani
    Enregistrement : Abbaye de l’Épau, avril-septembre 2012
    2 CD MIRARE MIR 188




    Dix ans déjà qu’une bande de copains du CNSM de Paris formaient ce qui allait devenir l’un des fleurons de la musique de chambre hexagonale, le Quatuor Modigliani. Pour fêter l’événement, MIRARE publie un double CD consacré au couplage classique des uniques quatuors de Debussy et Ravel, augmenté du beaucoup plus rare Premier Quatuor de Saint-Saëns.

    Ce dernier, tentative tardive chez un compositeur pour qui l’exercice relevait du dĂ©fi et d’une « besogne nĂ©cessaire Â», bĂ©nĂ©ficie du premier violon en Ă©tat de grâce de Philippe Bernhard, indispensable eu Ă©gard Ă  l’écriture particulière de l’œuvre, façon mĂ©lodie infinie pour violon accompagnĂ© par un trio.

    Dans Debussy, on retrouve les habituelles qualités des jeunes Français : raffinement, légèreté, vivacité du trait, sens du détail, absence de toute emphase ou de tout symphonisme déplacé, avec une homogénéité largement accrue depuis leurs débuts et un certain lyrisme bien canalisé, sans débordements.

    Les teintes voilées qui traversent le Quatuor en fa de Ravel, ces trémolos serrés et fiévreux, ce vibrato global plutôt discret, ce violoncelle léger comme une brise, cette manière de privilégier un petit son jamais dans l’outrance – le deuxième mouvement tenant lieu de scherzo, loin des avatars claquant façon Bartók – prodiguent un éclairage inhabituel et très attachant.



     
    Ange traditionnel



    Johannes Brahms (1833-1897)
    Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77
    Alban Berg (1885-1935)
    Concerto pour violon « Ă  la mĂ©moire d’un ange Â»
    Renaud Capuçon, violon
    Wiener Philharmoniker
    direction : Daniel Harding
    Enregistrement : Musikverein, Vienne, décembre 2011
    CD Virgin Classics 50999 9733962 5




    Qui l’eût cru ? Il s’agit du premier enregistrement du Concerto à la mémoire d’un ange de Berg par l’Orchestre philharmonique de Vienne. La comparaison avec la quasi relecture d’Isabelle Faust et Claudio Abbado publiée quelque temps auparavant accentue encore les attaches à la tradition viennoise de cette gravure portée par un Daniel Harding plutôt prudent, mais sachant où réserver vraies déflagrations et nuances infinitésimales.

    La richesse d’harmoniques inouïe des Wiener dans la musique de la Seconde École de Vienne, cet art de faire chanter la note avec autant de musique que s’il s’agissait de Mahler ou Bruckner, cette fusion incroyable de timbres lumineux et crépusculaires à la fois vont tous dans le sens d’une certaine évidence sonore. Le violon de Renaud Capuçon, chantant fin, d’une très belle pureté, manquerait d’un soupçon de tragique, de gravité, et finir par jouer le soliste obligé d’une grande symphonie de timbres.

    En complément, un Concerto pour violon de Brahms au beau lyrisme réaffirme les qualités de coloriste de Capuçon, avec un Harding se coulant jusqu’à l’effacement dans la tradition viennoise, aux antipodes des crispations de ses Brahms d’il y a une décennie avec la Kammerphilharmonie Bremen.



     
    Ange immatériel



    Alban Berg (1885-1935)
    Concerto pour violon « Ă  la mĂ©moire d’un ange Â»
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 61
    Isabelle Faust, violon
    Orchestra Mozart
    direction : Claudio Abbado
    Enregistrement : Auditorium Manzoni, Bologne, décembre 2010
    CD Harmonia Mundi HMC 902105




    Quelques mois avant Virgin, Harmonia Mundi enrichissait aussi son catalogue d’un nouveau Concerto à la mémoire d’un ange, dans un contraste on ne peut plus saisissant avec la version Capuçon-Harding. Impériale, Isabelle Faust tente à elle seule de distiller l’angoisse mortifère, les éclats de douleur, l’intensité exacerbée de cet adieu d’Alban Berg à la jeune Manon Gropius, fille d’Alma Mahler emportée par la poliomyélite à l’âge de dix-huit ans.

    Car on a beau connaître Abbado dans ce répertoire, on s’étonne tout de même d’une lecture orchestrale à ce point pacifiée et chambriste, les grands climax de la partition disparaissant dans un océan de subtilité, de couleurs furtives, d’un tissage de textures ignorant presque les voix principales-voix secondaires indiquées partout par le compositeur au profit d’une ligne abstraite, décantée, où le raffinement est poussé à son extrémité.

    À peine une plume, le choral final passe comme un souffle, alors que les tressautements du violon sont bien ceux de la vérité dramatique du concerto de Berg. Et l’on en vient au fond à se demander si le violon épuré de Capuçon n’aurait pas été plus en situation ici, et celui plus dramatique de Faust chez Harding.

    Bel enregistrement du Concerto pour violon pour Beethoven en complément, là aussi très light à l’orchestre, rêveur et d’une belle lumière juste assez diffuse et mélancolique, même si la discographie de l’œuvre ne manque pas de références plus consistantes.



     
    Théâtre des mouvements de l’âme



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Concerto pour piano n° 25 en ut majeur KV 503
    Concerto pour piano n° 23 en la majeur KV 488
    Rudolf Buchbinder, piano
    Concentus Musicus Wien
    direction : Nikolaus Harnoncourt
    Enregistrement : Musikverein, Vienne, 7-11 juin 2012
    CD Sony Classical 88765409042




    L’été dernier à Salzbourg, au terme d’une Flûte enchantée dont le Concentus Musicus et Harnoncourt sortaient les grands vainqueurs, on regrettait que le pape du baroque n’enregistre pas plus de Mozart à la tête de la formation qu’il a fondée en 1953 pour revisiter la musique ancienne. Ces trésors de rhétorique, ces intuitions géniales et ces couleurs en état de grâce, on rêvait de les entendre dans les grandes symphonies ou les concertos au disque.

    Ce qu’on ignorait alors, c’est que quelques semaines plus tôt, lors d’un concert d’abonnement au Musikverein, les mêmes interprètes réunis autour de Rudolf Buchbinder donnaient deux concertos pour piano que Sony n’a pas manqué de mettre en boîte. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que là encore, on y atteint à la substantifique moelle de l’esthétique mozartienne, celle d’un facétieux clown triste, toujours partagé entre le rire et les larmes, d’une joie constamment teintée d’amertume.

    Bien connu dans la sphère germanique, un peu moins sous nos latitudes, Buchbinder, que l’on avait toujours entendu sur piano moderne, choisit ici un instrument historique (copie de Walter 1792) absolument sublime, seul capable de répondre aux sonorités inimitables du Mozart d’Harnoncourt. L’exposition d’orchestre du Concerto n° 25 est à elle seul un traité : d’articulation maniaque, de puissance d’affirmation, avec ses cuivres et timbales martiaux, ses pieds de nez dans la simili Marseillaise, ses silences habités et son caractère de lever de rideau, comme pour assister au plus grisant théâtre des passions.

    Le dialogue entre le clavier et l’orchestre, sans doute fruit d’heures de préparation devant la même perfection du détail, la même absolue similitude de phrasé, donne l’impression de vivre un rêve éveillé. Rubato subtil, dignité et majesté constantes, traque incessante d’un malaise sous-jacent ignoré pendant des années par les tenants d’un Mozart sans nuages, vents opalescents en sommet d’ambiguïté, cette interprétation revêt des atours dramatiques inédits, qui ne riment pourtant en rien avec raideur ou absence de nuances ténues.

    Loin du dolorisme romantique habituel, le divin Adagio du Concerto n° 23 n’est que pudeur, interrogations béantes et vague à l’âme Sturm und Drang, avec l’intériorité qui s’impose, après un Allegro liminaire à la respiration prodigieuse. Un miracle que ce disque Mozart capté à la perfection par Sony.

     
    Yannick MILLON


     

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