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SELECTION CD |
25 avril 2024 |
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Claire-Marie Le Guay Sonates pour piano Dutilleux - Bartok - Carter |
Claire-Marie Le Guay -Sonates pour piano : Dutilleux - Bartok - Carter Henry Dutilleux : Sonate pour piano (1947)
Béla Bartok : Sonate pour piano (1926)
Elliott Carter : Sonate pour piano (1946 révisée en 1982)
Accord 465 772
Ce programme rassemble deux oeuvres, la Sonate de Dutilleux et celle d'Elliot Carter qui n'ont pas marqué le piano du XXe siècle, mais ont constitué un jalon important dans l'évolution créatrice de leurs auteurs. La troisième, la Sonate de Bartok, de vingt ans leur aînée, domine largement les deux autres : vigueur, concentration, nouveautés stylistiques (les appels en écho du deuxième mouvement), éloquence, urgence (le troisième mouvement). Bartok jette ici au visage de ses auditeurs les cailloux de ses inventions sonores dont on retrouvera les traces dans le contexte beaucoup moins abstrait de la Suite en plein air créée avec la Sonate, le même soir de décembre 1926 par sa seconde femme Ditta Pà sztory Bartok. Ces deux oeuvres constituent l'armature, l'une plus théorique, plus abstraite (la sonate), l'autre plus concrète (la suite en plein air) du langage pianistique de Bartok.
Pour la Sonate de Bartok, l'engagement pianistique de Claire-Marie Le Guay ne semble pas suffisant. Où sont les nerfs et les muscles dont Bartok lui-même disait qu'ils étaient la qualité primordiale qu'il exigeait de ses interprètes. Cette musique, on la boxe. Même les méditations nocturnes (ses mouvements lents) qui sont sa spécialité doivent être immergés au plus profond de la sonorité, quel que soit l'instrument, le piano ou l'orchestre. Quant à la sauvagerie du premier mouvement, qu'elle est policée sous les doigts de Claire-Marie Le Guay, trop polie, trop aimable pour Bartok.
Ce qui semble être un manque dans la sonate de Bartok est une qualité dans celle de Dutilleux. Le compositeur est un orfèvre. Chaque détail a sa place et Claire-Marie Legay sait l'art de ranger soigneusement les idées musicales. Il y a de la rêverie dans cette sonate qui constitue l'opus 1 de son auteur. Sa forme, son climat, ses intentions, son style pianistique la tournent vers le passé, Schumann un peu, Berg beaucoup. Claire-Marie Legay excelle ici. On sent bien qu'elle aime beaucoup faire sonner son piano, lui donner l'ampleur qui sied si bien au répertoire romantique. Dans la deuxième variation du dernier mouvement (Choral et variations), celui qui pianistiquement domine l'oeuvre, la pianiste prend des risques calculés sur le fil de l'emphase, et emmène son auditeur dans tout un monde lointain. La variation qui suit (calmo à 4/2), tout en jaillissements limpides paraît comme une dernière étape vivifiante avant la fin de la Sonate dont la trajectoire est convaincante.
La Sonate de Carter, une oeuvre de jeunesse, n'a pas l'originalité de ses oeuvres ultérieures mais elle est d'une facture vigoureuse et n'a pas le souci de séduire. Claire-Marie Le Guay ne peut pas lui donner ce qu'elle n'a pas, elle sait toutefois créer des climats contrastés, de belle facture mais sans atteindre des sommets d'expression.
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| Olivier BERNAGER
Claire-Marie Le Guay Sonates pour piano Dutilleux - Bartok - Carter [ Toutes les parutions ] | |
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