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SELECTION CD |
24 avril 2024 |
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Wintermachen de Philippe Boesmans |
Wintermachen (le Conte d'hiver) de Philippe Boesmans
Les Trois soeurs de Peter Oetvös, Salambo de Philippe Fénelon et Wintermärchen de Philippe Boesmans installent la problématique de l'opéra au sens traditionnel d'une action en musique au coeur de la réflexion actuelle sur la voix. Ces oeuvres réconcilient une vocalité qui ne craint plus l'expression du texte ni les vertiges des personnages. Elles constituent ainsi une alternative attendue à des esthétiques qui, dans le sillage de Berio (Outis) ou de Ligeti (Le Grand Macabre) s'emploient à reconstruire l'opéra sur les décombres des mots.
Le Conte d'hiver, dont le titre original est Wintermärchen, est ici entièrement chanté en Allemand à l'exception de plusieurs scènes du troisième acte, en anglais. Cette métamorphose linguistique de la pièce de Shakespeare (Winter's Tale, 1611) permet, ainsi que l'auteur le confie à l'Avant-scène opéra, une grande souplesse dans la conduite du chant.
Conscient que le Winter's Tale est une méditation sur le Temps humain, le destin, la jalousie et le pardon, le compositeur joue avec sa propre mémoire. On peut ainsi reconnaître souvent dans un tissu orchestral très riche des réminiscences de Berg, de Strauss, ou de Monteverdi : elles éclairent l'action à la lumière de la culture et rappellent que Shakespeare lui-même a volontiers cité ses contemporains. Aucune trahison n'est à craindre.
Suivant le déroulement baroque du Winter's Tale : une tragédie suivie d'une pastorale suivie d'un conte de fées, Boesmans fait se succéder trois climats contrastés. La première partie (actes I et II) est musicalement instable, perturbée, vocalement tendue. La seconde (acte III), qui fait appel à l'ensemble de jazz fusion belge Aka Moon, introduit d'une manière inattendue l'improvisation. La dernière crée un climat d'apaisement qui éclaire l'ouvrage.
La distribution est parfaite. La mélancolie agissante de Leontes, le roi fou de jalousie, trouve une incarnation véridique en Dale Duesing. Susan Chilcott est une tragédienne, son timbre pur dans le rôle d'Hermione en porte la noblesse. Il y a aussi le mystère de Polixène (Anthony Rolfe Johnson) dont la voix joue sur les demi-teintes comme pour camoufler la souffrance due à l'injustice dont il est victime.
L'écoute au disque de cet opéra est tout aussi passionnante que sa réalisation scénique. Le parfait équilibre entre les voix et l'orchestre, le travail sur la spatialisation sonore, la qualité de la prise de son qui sait gommer les bruits de scène intempestifs : tout concourt à faire de cette oeuvre le premier classique de l'opéra du XXIe siècle
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Wintermachen de Philippe BoesmansLivret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger
D'après Winter's Tale de William Shakespeare
Leontes : Dale Duesing
Hermione : Susan Chilcott
Paulina : Cornelia Kallisch
Polixenes : Anthony Rolfe-Johnson
Camillo, l'Oracle : Franz-Josef Selig
Green, le Temps : Heinz Zednik
Antigonus : Juha Kotilainen
Florizel : Kris Dane
Mamillius : Arthur Debski
Perdita (rôle silencieux) : Johanne Saunier
Groupe Aka Moon
Orchestre symphonique et choeur de la Monnaie
Direction : Antonio Pappano
2 disques compacts DGG 469 559
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