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SELECTION CD |
29 avril 2024 |
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Cantates allemandes de Franz Tunder, Johann Kuhnau, Nicolas Bruns, Christoph Graupner "Avant Bach"
Cantates allemandes de Franz Tunder, Johann Kuhnau, Nicolas Bruns, Christoph Graupner
Deborah York, Susan Hamilton, sopranos
Daniel Taylor, alto
Jan Kobow, Benoit Haller, ténors
Peter Kooy, basse
Collegium vocale
Dir. Philippe Herreweghe
Harmonia mundi HMC 901703
La musique de Franz Tunder, Johann Kuhnau, Nicolas Bruns ou Christoph Graupner traduit l'inquiétude d'une société traversée par l'impitoyable guerre de trente ans et l'espoir que fait naître le Traité de Westphalie de 1648 qui met à égalité les trois religions, la catholique, la calviniste et la luthérienne. Pour Luther, compositeur lui-même, la musique est un don de Dieu. À ce titre, elle doit le célébrer et, avec Calvin, dans une optique plus austère, les réformateurs vont inscrire dans l'histoire religieuse le rôle précis qu'elle doit jouer.
Ainsi, l'apport spirituel du langage musical étant parfaitement assumé par l'autorité religieuse, la musique d'église allemande entre Schütz et Bach va s'enrichir de formes nouvelles. La base en est la pratique du Choral en famille, et le sommet est l'expression collective de la foi : la cantate. Le plain-chant traditionnel occupe progressivement dans les nouvelles compositions une place de plus en plus cachée au profit de mélodies simples à mémoriser, et surtout rythmées. C'est à ce prix que la musique religieuse va pouvoir s'adapter au chant communautaire et servir de ciment à la société allemande tant éprouvée.
L'organiste Franz Tunder et son cadet Nikolaus Bruhns sont tous deux originaires du nord de l'Allemagne. L'un et l'autre pratiquent une polyphonie qui insiste sur la parfaite compréhension du texte. Les trois compositions choisies ici se distinguent par leur spontanéité et par une jubilation qui refuse les effets. Le choral Wend'ab deinen Zorn avec son cantus firmus à découvert posé sur un lit de cordes, annonçant l'aria en duo qui suit (plages 6 et 7), est d'un équilibre parfait. De Nikolaus Bruhns, la cantate funêbre Ich Liege und Schlafe alterne ritournelles instrumentales et arias au dramatisme de plus en plus appuyé.
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Johannes Kuhnau fut le prédécesseur de Jean-Sébastien Bach au poste envié d'organiste de la Thomaskirsche de Leipzig. Sa musique, selon l'auteur de l'excellente présentation, Peter Wollny, est de tendance conservatrice. On remarque cependant dans la cantate Gott, sei mir gnädig nach deiner Güte (plage 16) son extrême habileté à marier des vers d'une grande ductilité à des harmonies en constant renouvellement.
Avec Christoph Graupner, maître de Chapelle à la cour de Darmstadt où il officiera pendant cinquante ans, ce contemporain de Bach montre tout l'acquis importé de la musique de cour et de l'opéra. Sa cantate (une parmi les 1400 qu'il écrivit !) Herr, die Wasserströme erheben sich prend appui sur la tempête qui accompagne le réveil du Christ. Sa musique, sans être descriptive possède des attraits suggestifs (vocalises et effets instrumentaux) destinés à susciter une certaine forme de commotion chez les fidèles, assez loin de l'enseignement luthérien.
Sans aucune hésitation, voici un enregistrement qui comble une lacune en cette année Bach finissante. L'interprétation des artistes rassemblés par Philippe Herreweghe est d'une maîtrise parfaite au plan stylistique. Les petits effectifs instrumentaux soulignent l'intimité de cette musique destinée à des églises de taille souvent moyenne. Le choix des solistes est parfait. À ranger à côté des Passions de Bach, pour ne pas l'oublier !
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Avant Bach | |
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