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SELECTION CD 29 mars 2024

Le Graal des luthistes



Bach est-il injouable au luth ? Pas tout à fait mais pas loin, si l'on veut jouer les tablatures existantes - dont le compositeur n'est d'ailleurs pas l'auteur. D'où le casse-tête pour les luthistes qui veulent à tout prix leur Bach. Rolf Lislevand a trouvé enfin la solution. Elle tient en un mot : humilité.


Le 29/12/2000
Eric SEBBAG
 

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     Johann Sebastian Bach - Intavolatura

    Suite BWV 995, Fugue BWV 1000, Suite BWV 1006a, Partita BWV 997
    Johann Sebastian Bach- Intavolatura
    Suite BWV 995, Fugue BWV 1000, Suite BWV 1006a, Partita BWV 997
    Rolf Lislevand (Luth à 13 choeurs de Maurice Ottiger)
    1 CD Astrée – Naïve E 8807 DDD


    Bach n'était probablement pas luthiste et la musique pour luth qu'on lui attribue n'a pas été écrite en tenant compte des contraintes de l'instrument. Vraisemblablement, c'était au "Lautenwerke" - un clavecin avec des cordes en boyaux imitant la sonorité du luth - que le Cantor essayait ses compositions "pour luth".

    Mais quel instrumentiste féru du répertoire baroque voudrait renoncer à jouer et à s'approprier Bach ? Aucun. Et les luthistes comme les autres veulent leur parcelle du génial compositeur ; c'est pourquoi tous s'ingénient dans toutes sortes de "bricolages" des tablatures pour les rendre jouables.

    Il en résulte en général une difficulté technique quasi insurmontable au concert, et des tempi d'une lenteur qui frise le ridicule dans certains mouvements. Le grand Hopkinson Smith s'y est échoué comme tant d'autres ; mais en ce qui le concerne, la solution consistant à adapter pour le luth des pièces de violon ou de violoncelle s'est révélée beaucoup plus fructueuse .

    Mais la complication vient aussi du fait que les luthistes ne veulent renoncer à aucun atome de leur Graal luthistique. Or même chez Paul Beier, qui a par ailleurs trouvé des solutions techniques originales, la fugue de la Partita BWV 997 paraît totalement empruntée.

    D'où la sagesse de Rolf Lislevand qui, lui, n'a choisi que les pièces réellement compatibles avec le luth à 13 choeurs. Telle fugue ou danse est injouable ? Laissons-la en paix. Du coup, Lislevand délivre enfin une musique qui joue avec l'instrument et non plus contre lui.

    Le débit n'est plus jamais pris en défaut de fluidité, les tempi sont vraisemblables et, surtout, la diction a l'air vraiment de se couler totalement dans l'idiome propre au luth. Jamais la respiration de l'instrument n'a paru si organique et nécessaire. On ne saurait refuser l'invitation d'une telle noce.

     

     

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