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SELECTION CD 25 avril 2024

Vivre avec Violetta



Notre collaborateur Michel Parouty publie un livre intitulé Verdi et la Traviata aux éditions Arte/Mille et une nuits. Comme le titre l'indique, il s'agit d'une monographie sur le chef-d'oeuvre du compositeur italien. En exclusivité pour Altamusica, en voici quelques bonnes feuilles.



Le 12/03/2001

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     Verdi et la Traviata

    Verdi et la Traviata de Michel Parouty
    Extraits de Verdi et la Traviata de Michel Parouty, Editions Mille et une Nuits, 2001.

    "Sempre libera degg'io/Follegira di gioia in gioia " (La Traviata, Acte I)

    " Ah ! ma io ritorno a viver !/Oh gioia !" (La Traviata, Acte III)



    Ce n'est d'abord qu'une voix. Virtuose et pathétique. Charmeuse et déchirante. La Traviata. On l'écoute, une fois, deux fois... Et puis, un jour, on s'aperçoit qu'on vit avec Violetta Valery. Le mot n'est pas trop fort. Troublantes, radieuses, fragiles, entêtantes, inquiétantes, la Comtesse des Noces de Figaro, Pamina de La Flûte enchantée, Lucia di Lammermoor, Carmen ou Lulu ne sont pas aussi immédiatement familières. A peine a-t-on rencontré Violetta qu'on croit la connaître, qu'on est sûr de l'aimer. Le miroir de l'évidence, toutefois, ne tarde pas à se troubler, et l'image adulée à s'évanouir, pour mieux renaître. La Traviata, c'est le piège par excellence, celui dans lequel on est heureux de tomber.

    Du roman à la pièce, du drame à l'opéra, les pistes remontent toutes à Alphonsine Plessis, éphémère qui illumina quelque temps le demi-monde parisien. La vraie Violetta Valery, la vraie Marguerite Gautier, c'est elle. Sa modeste tombe, au cimetière Montmartre, est toujours fleurie. Le portrait peint par Edouard Vienot a fixé à jamais ses traits, et son regard énigmatique, mi-larmes, mi-sourire, auxquels le cinéphile ou le mélomane superposent aussitôt ceux de Greta Garbo, l'immortelle Camille de George Cukor, de Maria Callas, la Violetta la plus accomplie. Mieux que des interprétations, de véritables incarnations. Une voix, un sourire à peine esquissé. Une douleur infinie, qui brûle, qui consume. Que trouve-t-on derrière le miroir ?

     



    Il y a fort à parier que les oeuvres d'Alexandre Dumas fils dorment paisiblement sur les rayons poussiéreux des bibliothèques familiales. Le cinéma n'a pas désarmé : Isabelle Huppert a rejoint les rangs des phtisiques célèbres incommodées par l'odeur des fleurs. Marguerite a même trouvé une nouvelle étoile capable de faire briller son nom au fronton d'une salle parisienne, Isabelle Adjani. Rude entreprise. Mais c'est l'opéra qui déchaîne toujours les passions. Faut-il en vouloir à Verdi qui, en 1853, signe avec La Traviata son ouvrage le plus achevé ? De la courtisane cynique et désabusée, il fait, admirablement aidé par son librettiste, Francesco Maria Piave, une femme blessée et lucide qui trouve sa rédemption dans l'amour et la mort. Sous leurs plumes conjuguées, un simple personnage devient un mythe. On ne résiste pas à la magie du chant. Eros et Thanatos : les thèmes sont éternels et les variations infinies. A chacun de vivre son rêve.

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    La censure s'émeut : l'intrigue lui semble d'autant plus scandaleuse qu'elle est contemporaine. Il faut la déplacer sous le règne de Louis XIII, au grand dam du compositeur qui déteste l'idée de voir ses interprètes revêtus de costumes historiques. De plus, il n'a qu'une confiance limitée dans les possibilités de la prima donna imposée par La Fenice, la Salvini-Donatelli. De bons échos lui sont parvenus du début de la saison vénitienne, mais une reprise imprévue d'Ernani est venue ravier ses craintes, et il n'hésite pas à demander le remplacement de la soprano, alors que son contrat prévoit qu'il ne pourra plus récuser la distribution après le 15 janvier 1853. Le 30, il écrit au Dottore Carlo Marzari, " président des spectacles du Teatro La Fenice " : " Je crois qu'il va de mon intérêt et de celui de votre théâtre de se mettre en quête tout de suite d'une prima donna
    Les seules cantatrices qui me sembleraient convenir sont : 1° : La Penco, qui chante à Rome. 2° : Mme Boccabadati qui chante Rigoletto à Bologne, et enfin la signora Picolomini, qui se produit en ce moment à Pise. La Penco (la seule d'entre elles que je connaisse) serait, je crois, la meilleure. Elle est belle, expressive, et dotée d'une belle présence scénique. Ce sont les qualités les plus importantes pour une Traviata
    Piave n'a pas encore fini la versification de La Traviata, et dans ce qui est terminé, on trouve encore quelques longueurs qui feraient dormir le public, spécialement à la fin, qui doit être rapide et faire de l'effet. "


     



    La Fenice cherche une autre chanteuse, en vain : toutes celles proposées par Verdi sont déjà engagées. Le 16 février -moins de deux semaines avant la première !-, le compositeur accuse réception de deux nouveaux morceaux, un air de ténor, et un de la basse, au second acte. Il demande encore à Piave des modifications, annonce son arrivée prochaine à Venise (" Fais moi préparer l'appartement habituel à l'Hôtel Europa, avec un piano bien accordé
    Fais en sorte que tout soit bien parce que dès que j'arriverai, dans la nuit, je compte me mettre à orchestrer "), et mentionne une lettre anonyme qui lui conseille de remplacer la prima donna et la basse, faute de quoi il court à un échec assuré. Le 21 février, Verdi est à Venise et, fidèle à ses habitudes, commence son orchestration sur place. Les répétitions le satisfont d'autant moins que les interprètes ne sont guère empressés d'obéir à ses intentions. Le 6 mars, La Traviata, transposée, finalement, au XVIIIème siècle, est enfin présentée au public, accompagnée du ballet d'Antonio Monticini La Lucerna maravigliosa.

    On a longtemps parlé de l'insuccès qui suivit et prend place, aux côtés des créations du Barbier de Séville, de Norma, de Carmen, de Pelléas et Mélisande parmi les premières mouvementées de l'art lyrique. La correspondance du compositeur confirme l'échec, mais laisse place à l'espoir. " Je suis désolé de t'annoncer une triste nouvelle, mais je ne peux te dissimuler la vérité. La Traviata a été un fiasco. N'en cherchons pas la raison. C'est ainsi. " (à Ricordi, le 7 mars). " La Traviata, hier soir, a été un échec. Est-ce ma faute ou celle des chanteurs ? Le temps sera juge." (à Emanuele Muzio). " Je ne t'ai pas écrit après la première de La Traviata, je t'écris après la seconde. Fiasco définitif ! Je ne sais à qui en incombe la faute et je préfère ne pas en parler. Je ne te dirai rien de la musique et permets-moi de ne rien dire des interprètes " (au sculpteur Vincenzo Luccardi, le 9 mars 1853). Pour de Sanctis, pour le chef d'orchestre Mariani, il use des mêmes termes : " La Traviata a été un échec, et pire, j'en ai ri. Que veux-tu ?
    j'ai tort ou ils ont tort. En ce qui me concerne, je crois que les mots prononcés hier à propos de Traviata sont loin d'être les derniers. Nous la reverrons, et nous verrons."

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    La structure de l'opéra est fidèle à celle du drame, mais toute action secondaire a disparu, ainsi que certains personnages, Nichette et Gustave, mais aussi Prudence. Après l'acte d'exposition, rapidement mené, la tension ne cesse de croître jusqu'à l'entrée du père, mais rien ne subsiste du deuxième acte de la pièce. Dramatiquement, l'ellipse est très forte : on quitte, au rideau du I, une femme hésitante, qui s'étourdit dans le plaisir pour fuir une vie dérisoire, et l'on retrouve dès le tableau suivant les deux amants filant le parfait amour. Quant à la tentative de Marguerite pour se procurer de l'argent, il n'en est plus question ; le contexte social , sans être effacé, est adouci au profit d'une vision sentimentale, intimiste et idéalisée. Si les problèmes matériels sont évoqués, dans l'opéra, c'est qu'Alfredo apprend que sa maîtresse se défait de tout ce qu'elle possède, ou que son père croit que la jeune femme conduit sa progéniture à la ruine. Plus besoin des basses oeuvres d'une entremetteuse ; exit Prudence. Et lorsque l'amoureux dépité, au cours du bal chez Flora, jette à la figure de la malheureuse l'argent qu'il a gagné au jeu, c'est pour la dédommager des sommes qu'elle a dépensée pour lui et non pour payer une dernière nuit d'amour. La muflerie, à l'opéra, a ses limites.

    Qui est Violetta ? Certes pas cette courtisane " qui en est encore à la virginité du vice " décrite par Dumas. Une femme qui se vend ? Non. Une victime de la grande ville, ce " désert peuplé qui s'appelle Paris ", et, au-delà, un être humain qui a fait sien la maxime de Montaigne : " Il faut se prêter aux autres et se donner à soi-même. " Mais cette connaissance de soi n'a de sens que si elle se prolonge dans l'amour d'autrui. C'est pour le bonheur d'Alfredo que Violetta accepte de se sacrifier ; la force de son sentiment lui fait supporter l'humiliation, première étape d'une ascension spirituelle qui, proportionnelle à sa déchéance physique, n'a d'autre issue que fatale. Retrouve-t-on jamais la pureté originelle, et peut-on, empêcher la mort d'être une injustice ? A cette interrogation, Verdi n'apporte pas de réponse. Le dernier mot de Violetta est " gioia " (joie) ; est-ce une illusion de croire qu'il sonne plus vrai que l'ultime " dolor " de Germont ? Un vieux principe philosophique incite pourtant à affirmer que l'on ne peut penser l'un sans l'autre. " Croce e delicia ", croix et délice, tourment et bonheur.
    (...)

    À noter que l'ouvrage comprend une iconographie abondante, discographie, filmographie et bibliographie exhaustive ainsi qu'un CD rassemblant des extraits d'interprétations de référence (en particulier celle de Maria Callas).

     

     

  • Verdi et la Traviata
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