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SELECTION CD 19 avril 2024

L’autre Elektra



L’année passée, pour le cent cinquantième anniversaire de la naissance de Strauss, c’est l’opéra noir Elektra qui a semblé focaliser le plus l’attention des éditeurs. Après le DVD anthologique de Chéreau à Aix, DG publiait une version de concert de Thielemann à Berlin, avec le gratin straussien du moment, reprenant en partie la distribution aixoise.


Le 15/01/2015
Yannick MILLON
 

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     L'autre Elektra

    Christian Thielemann, Elektra Ă  Berlin

    Richard Strauss (1864-1949)
    Elektra
    Evelyn Herlitzius (Elektra)
    Waltraud Meier (Klytämnestra)
    Anne Schwanewilms (Chrysothemis)
    René Pape (Oreste)
    Frank van Aken (Aegisth)
    Peter Lobert (Der Pfleger des Orest)
    Romy Petrick (Vertraute)
    Christiane Hossfeld (Schleppträgerin)
    Simeon Esper (Junger Diener)
    Matthias Henneberg (Alter Diener)
    Nadine Secunde (Aufseherin)
    Constance Heller (1. Magd)
    Gala El Hadidi (2. Magd)
    Simone Schröder (3. Magd)
    Rachel Willis-Sørensen (4. Magd)
    Nadja Mchantaf (5. Magd)
    Sächsischer Staatsopernchor Dresden
    Staatskapelle Dresden
    direction : Christian Thielemann
    Enregistrement : Philharmonie, Berlin, 28/01/2014
    2 CD Deutsche Grammophon Unitel Classica 479 3387



    Après une série de représentations au Semperoper de Dresde, dont il dirige la Staatskapelle depuis bientôt trois saisons, Thielemann gagnait la salle de la Philharmonie de Berlin avec sa phalange saxonne et sa distribution pour y donner une version de concert d’Elektra captée par les micros de la Deutsche Grammophon.

    Un casting de luxe par les temps qui courent, où les enregistrements audio des opéras se font de plus en plus rares. Le jeu en valait-il la chandelle alors que le disque conserve la trace de multiples témoignages, le plus souvent sur le vif, d’immense qualité ? La réponse est oui, ou plus exactement oui mais, car il ne faut pas espérer non plus que ce nouvel enregistrement concurrence très sérieusement ne serait-ce que la version studio de Böhm (1960). Laquelle était jusque-là la seule, alors que la Staatskapelle avait créé l’ouvrage en 1909, à retenir l’orchestre de la création au disque.

    On pourra donc à loisir se livrer au jeu des comparaisons et mesurer le chemin parcouru en l’espace de cinquante ans par une formation multiséculaire. On a toujours pensé que dans l’absolu, la Staatskapelle avait un son trop fin, trop Mitteleuropa pour la battue très germanique de Thielemann, qu’on imaginerait coller davantage à la couleur des Berliner.

    Et pourtant, même si les temps ont changé, et que l’orchestre a perdu une partie de sa patine en finissant comme tant d’autres par s’internationaliser, force est de s’émerveiller de ces sonorités orchestrales somptueuses, fines et puissantes à la fois, de ces soli instrumentaux de toute beauté.

    La direction de Thielemann insuffle dans le fond trop peu de théâtre à l’orchestre straussien, et peine souvent à faire décoller l’accompagnement orchestral (tout le début, pas loin du calage à en croire les raclements poussifs de violoncelles et contrebasses lançant le premier monologue d’Électre), mais parvient à se ménager des instants de tension souterraine qui accrochent l’oreille, à faire émerger habilement des leitmotive rampants traduisant bien l’état psychologique du moment.

    Et enfin se réveille après une scène de Clytemnestre taillée sur mesure pour Waltraud Meier, donc jamais hochdramatisch, puis dans un second affrontement entre les deux sœurs où la mayonnaise prend enfin, où l’orchestre flagelle, impose des secousses qui traduisent les cataclysmes dont est truffée la partition. Une fois lancée, la locomotive Thielemann peut se permettre le plus beau rubato dans la scène d’Oreste et une scène finale de très beau calibre.

    Geduld, donc, face à cette interprétation diesel un peu endormie au départ ! L’autre intérêt majeur du coffret est de vérifier si le miracle de l’Elektra d’Evelyn Herlitzius demeure sans l’image, un excellent test en général pour jauger des qualités musicales réelles d’un(e) artiste. Peu aidée par le chef, même si on la sent faire des efforts pour ne pas chanter trop à vannes ouvertes dès le départ, l’Allemande affiche donc les limites déjà entrevues en scène, surtout sur les questions de souffle, coupant là encore les notes trop tôt et contrainte à multiplier les prises d’air. Mais le timbre, tout ingrat soit-il, a quelque chose d’authentiquement dramatique qui finit par abattre les résistances. Inutile toutefois de comparer avec les Nilsson, Borkh, Varnay ou Goltz d’antan, car on ne joue bien évidemment pas dans la même catégorie.

    Grande straussienne, la plus belle Maréchale de notre époque, selon le mot très sensé du regretté Gerard Mortier, Anne Schwanewilms promettait beaucoup en Chrysothémis (son Impératrice fragile et sublime de Salzbourg nous avait enthousiasmé) et déçoit ici à la hauteur des espérances mises en elle. Le timbre, pur et tranchant comme le cristal, est bien là, mais chaque aigu donne l’impression d’être évité ou escamoté, malgré le bel élan du phrasé, et l’on ne peut qu’en ressentir une réelle frustration, surtout après avoir baigné dans les délices sonores d’Adrianne Pieczonka à Aix.

    Waltraud Meier, fidèle à elle-même, est la richesse et la complexité psychologique incarnées, quand bien même la voix commence à s’amincir, Clytemnestre d’une humanité, d’une musicalité sur chaque note bouleversante. Et n’était l’impression d’une pleine force de l’âge éloignée de la petite vingtaine d’Oreste, René Pape est immense, et comme toujours un rien monolithique, mais au moins inoxydable, surtout sur un tapis de tubas wagnériens à se pâmer.

    En somme une belle Elektra moderne, très allemande mais assez subtile, à l’orchestre miraculeux, au plateau solide, à une époque où il est devenu hasardeux de distribuer l’ouvrage. Enfin, un grand merci à Deutsche Grammophon de proposer aux néophytes qui achèteraient là leur première Elektra un livret en trilingue, quand certains concurrents ne proposent même plus une note de programme en français…

     
    Yannick MILLON


     

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