Sélection Praga Digitals |
Trésors de Prague


Praga Digitals
30 Years
Limited Edition
Enregistrements : 1950-2009
30 CD Praga Digitals PRD 250421
Praga, c’est un peu une madeleine de Proust, qui renvoie à l’époque où ses pochettes noires sur fond jaune garnissaient de merveilles les rayons des disquaires. Le temps a passé, et le label fête déjà ses trente ans. Son histoire est tellement liée au destin de son fondateur Pierre-Émile Barbier qu’à sa mort en 2018, on pensait que tout cet héritage allait disparaître. C’était sans compter sur la ténacité de l’ingénieur du son et patron de Little Tribeca, Nicolas Bartholomée, qui est parvenu à acquérir ce legs immense.
Dans le texte d’accompagnement de ce coffret anniversaire de 30 CD, Olivier Le Borgne, programmateur à France Musique, revient sur la personnalité de PEB, ingénieur électronicien à la réputation d’espion pour le bloc de l’Est qui, à la chute du bloc communiste, alors qu’il avait 56 ans, créa son propre label. Avec deux secteurs distincts : Praga pour la publication de bandes de concert inédites du Printemps de Prague, puis un an plus tard Praga Digitals pour l’enregistrement de musique de chambre avec de jeunes formations d’Europe centrale. Au bout de quelques années, un troisième domaine, la collection Réminiscences, a absorbé le premier dans ses rééditions d’enregistrements historiques.
Ce coffret offre donc un bon résumé des activités du label, avec d’abord 15 CD de fleurons du catalogue chambriste (1995-2009), médaillés comme des maréchaux soviétiques par les revues spécialisées. Le Quatuor Pražák se taille la part du lion (9 CD ½), avec ses gravures classiques de Janáček, Dvořák, Schoenberg, Chostakovitch, Schubert, Beethoven, Haydn, Brahms, en formation quatuor pure, ou avec quelques comparses – la divine clarinette de Moraguès dans Mozart et Weber.
Les 5 CD ½ restants sont dĂ©volus au Quatuor Kocian dans Smetana, Sibelius, de passionnants albums MartinĹŻ et Schulhoff (le tĂ©tanisant Sextuor) ; au Quatuor Párkányi dans Debussy, Ravel et BartĂłk ; aux Zemlinsky dans de fiĂ©vreux Mendelssohn ; ou au Trio Guarneri dans Smetana et Suk. Citons ici les qualificatifs très justes employĂ©s dans le livret : « les Pražák (puissants), les Kocian (rugueux), les Párkányi (magyars), les Zemlinsky (fougueux) », et acquiesçons Ă la louange des prises de son de Karel SoukenĂk au Studio Domovina de Prague, encore rehaussĂ©es par une remasterisation en 24-bit/96kHz.
La seconde moitié de cette Pragabox est consacrée aux archives, réparties grosso modo en 4 CD de concerts tchèques mélangés à 11 CD de gravures historiques diverses. Les bandes de la radio de Prague regorgent de merveilles : Mravinski dans une Musique pour cordes et une Sixième de Prokofiev tranchantes comme une lame de rasoir ; Košler et la Philharmonie tchèque dans une Neuvième de Chostakovitch pince-sans-rire, les Oïstrakh dans un Trio n° 2 lunaire et halluciné ; l’Appassionata et La Tempête de Beethoven par Richter, la Deuxième Sonate et la Première Ballade de Chopin par Michelangeli ; la suite de De la maison des morts et la cantate Amarus de Janaček avec Neumann.
Les autres historiques ne sont pas en reste, et notamment les faces moscovites : Mravinski dans la Liturgique de Honegger, Agon de Stravinski et une Cinquième de Prokofiev live grisante de tension, la Symphonie de psaumes par Markevitch, sur des charbons ardents, et Kondrachine dans la crĂ©ation de la Symphonie n° 13 de Chostakovitch. Sans oublier, pĂŞle-mĂŞle, quelques BartĂłk de Fricsay et trois quatuors (1, 3, 5) par les VĂ©gh, le Wunderhorn mahlĂ©rien avec Prohaska ; les Images et le Faune de Debussy très colorĂ©s de Rosenthal ; quelques Richard Strauss par Furtwängler Ă Vienne, les Quatre derniers Lieder avec Schwarzkopf-Ackermann… Le tout dans de nouveaux transferts limpides supervisĂ©s, entre autres, par Karel SoukenĂk. La hotte dĂ©borde.
Quelques questions demeurent toutefois. Pourquoi, par exemple, n’avoir intégré qu’une moitié de l’intégrale Bartók mono du Quatuor Végh, qui tient sur deux disques ? On s’en doute, Little Tribeca fait du teasing et crée ainsi une vraie attente pour le lancement des rééditions, qu’on accueillera avec joie et impatience mêlées.
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