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SELECTION CD |
19 avril 2024 |
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SĂ©lection DistrArt Musique |
Beyond Perfection – Michelangeli
Beyond Perfection
The Pianist Arturo Benedetti Michelangeli
Documentaire de Syrthos J. Dreher & Dag Freyer (2019)
DVD C Major Unitel 755208
Une mise en garde d’abord. Ce documentaire d’1h19 en allemand, anglais et italien ne propose des sous-titres que dans ces trois langues, une vraie déception tant sa démarche pour décrypter le phénomène Michelangeli est passionnante. Ses deux auteurs allemands ont mis presque trente ans pour boucler une expérience débutée du vivant de l’artiste, connu pour annuler ses concerts à tour de bras pour tout un tas de considérations artistiques et techniques.
La narration débute, autour des 80 ans de Sergiu Celibidache, à l’arrivée du pianiste à l’aéroport de Munich pour donner le Concerto en sol de Ravel. Premier contact désastreux pour l’auteur du documentaire, qui le braque définitivement lorsqu’il allume sa caméra pour le filmer dans sa voiture. Agacé par un défaut d’éclairage sur le clavier, Arturo Benedetti Michelangeli annulera également les trois reprises du concert et demandera la destruction de toutes les bandes.
Remisés dans le car de régie, les réalisateurs de Beyond Perfection possèdent donc les seules archives visuelles épargnées du 5 juin 1992, date à laquelle ils ont commencé à explorer la galaxie Michelangeli, sans le principal intéressé mais avec ceux qui gravitaient autour : Cord Garben, producteur de tous ses enregistrements DG, Angelo Fabbrini, son accordeur exclusif, des aristocrates italiens l’ayant beaucoup fréquenté, un fan américain roi des enregistrements pirates du pianiste.
Une exégèse ardue de la mythologie ABM, « nouveau Liszt » vanté par Alfred Cortot, homme de peu de paroles, ascète au répertoire restreint, premier véritable pianiste moderne de son siècle. Artiste sans concession aussi, qui quittera définitivement son Italie natale en 1968 quand l’État saisira ses pianos à la banqueroute de sa propre maison de disques. Ce qui ne l’empêchera pas, installé en Suisse italienne dans une maison très isolée de Pura aujourd’hui habitée par Vladimir Ashkenazy, de continuer de se produire à Rome, dans l’état indépendant du Vatican.
Frappé par une crise cardiaque en plein récital à Bordeaux le 10 octobre 1988 (la bande pirate est glaçante), il ne devra sa survie qu’à la présence de deux médecins dans la salle. Des ennuis de santé qui rendront son caractère plus ombrageux encore, au point de préférer demander à Garben, qui a étudié la direction d’orchestre dans sa jeunesse et avec qui il ne prenait aucun risque à être odieux, de diriger les concertos de Mozart prévus pour son retour sur scène l’année suivante.
Le plus sidérant reste les conséquences du concert munichois précité, Celibidache et Michelangeli tançant tour à tour le producteur, dont le seul tort sera de demander pourquoi, ce qui mettra fin à dix-sept années de collaboration artistique. Le plus énigmatique des pianistes, au toucher irréel dans la Berceuse ou la Mazurka op. 33 n° 4 de Chopin, pédagogue qui dispensait ses cours gratuitement, prenant aussi en charge le logis et le couvert des stagiaires, et dont le credo artistique était « la connaissance et l’expérience sont un droit, pas un privilège », devait disparaître trois ans après ce « drame de Munich », le 12 juin 1995, à l’âge de 75 ans.
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La Flûte enchantée – Barbe & Doucet
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Die Zauberflöte
David Portillo (Tamino)
Sofia Fomina (Pamina)
Brindley Sherratt (Sarastro)
Björn Bürger (Papageno)
Caroline Wettergreen (Reine de la nuit)
Michael Kraus (Orateur)
Esther Dierkes (Première Dame)
Marta Fontanals-Simmons (Deuxième Dame)
Katharina Magiera (Troisième Dame)
Jörg Schneider (Monostatos)
Alison Rose (Papagena)
Freddie Jemison (Premier Knabe)
Aman De Silva (Deuxième Knabe)
Stephan Dyakonov (Troisième Knabe)
The Glyndebourne Chorus
Orchestra of the Age of Enlightenment
direction : Ryan Wigglesworth
mise en scène & scénographie : Barbe & Doucet
Ă©clairages : Guy Simard
marionnettes : Patrick Martel
préparation des chœurs : Aidan Oliver
captation : François Roussillon
Enregistrement : Glyndebourne, août 2019
Blu-ray Opus Arte OABD7268D
André Barbe et Renaud Doucet ont refusé pendant vingt ans de mettre en scène La Flûte enchantée, qu’ils jugeaient sexiste et raciste, avant de se laisser convaincre par Glyndebourne de retourner l’intrigue en manifeste féministe, inspirés par l’histoire réelle d’Anna Sacher à Vienne, qui reprit en main le fameux hôtel de son défunt mari en se riant des préjugés misogynes du début du XXe siècle.
Les Québécois ont conçu un spectacle à mi-chemin du Grand Budapest Hotel et du fonctionnement social en étages de Downton Abbey, dans une scénographie entièrement dessinée au crayon. Le monde du haut sera celui de la patronne qui fume le cigare, des femmes de chambre et des grooms (Reine de la nuit, Damen et Knaben), celui du bas réservé aux employés travaillant dans l’ombre (Sarastro chef d’une brigade de toques et tabliers ; ouvriers dans la chaufferie d’un Monostatos noirci par le charbon). C’est d’ailleurs dans la cave à vin que face aux propos misogynes des cuistots, les employées se feront suffragettes.
Difficile à habiter dans la longueur, l’acte II trouve son lot de gags avec ce glouton de Papageno qui se fait enfermer dans le four, avant de faire à Papagena cinq oiseleurs qu’elle défournera jambes écartées sur le plan de travail, tandis que Pamina et Tamino passeront leur épreuve du feu et de l’eau aux fourneaux et à la plonge. Spectacle gentiment déjanté, inventif, drôle et tendre, agrémenté de marionnettistes, dont un monstre de légumes à la Arcimboldo.
La musique n’est pas en reste, avec une distribution jeune dotée d’un beau sens du théâtre. Un peu neutre de phrasé, le Papageno de Björn Bürger n’en est pas moins attachant. David Portillo a le format, la couleur germanique idéale de Tamino, pas toujours sa souplesse. Sofia Fomina, timbre de plus en plus radieux au fil de la soirée, n’est exotique en Pamina que dans les dialogues. Inoxydable demeure le Sarastro au beau creux de Brindley Sherratt, tandis que Caroline Wettergreen, au médium un peu faible, passe les vocalises de la Reine de la nuit sans difficulté – et avec un incongru contre-sol à la fin de son premier air.
Damen au taquet, Knaben un peu verts mais très investis et Monostatos modèle de Jörg Schneider ont tous le temps de respirer sous la direction atypique du jeune Ryan Wigglesworth, sorte de hiatus entre volonté de replacer le compositeur dans son époque avec les instruments anciens bien granuleux de l’Orchestre de l’Âge des Lumières, et certains tempi à la Klemperer. Mais après tout, pourquoi un Mozart plutôt ample devrait-il être l’apanage des grandes directions symphoniques d’antan ?
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Rusalka – Melly Still
AntonĂn Dvořák (1841-1904)
Rusalka
Sally Matthews (Rusalka)
Evan LeRoy Johnson (Le Prince)
Alexander Roslavets (Vodnik)
Patricia Bardon (JeĹľibaba)
Colin Johnson (Le Garde-chasse)
Alix Le Saux (Le Mitron)
Zoya Tsererina (La Princesse étrangère)
Vuvu Mpofu (Première Dryade)
Anna Pennisi (Deuxième Dryade)
Alyona Abramova (Troisième Dryade)
Adam Marsden (Chasseur)
The Glyndebourne Chorus
London Philharmonic Orchestra
direction : Robin Ticciati
mise en scène : Melly Still
décors & costumes : Rae Smith
Ă©clairages : Paule Constable
préparation des chœurs : Aidan Oliver
captation : François Roussillon
Enregistrement : Glyndebourne, août 2019
Blu-ray Opus Arte OABD7266D
Après diverses paraboles sur la séquestration (Martin Kušej à Munich), la prostitution (Jossi Wieler et Sergio Morabito à Salzbourg) ou encore le père tueur en série (Stefan Herheim à Bruxelles), Rusalka semble revenir à des approches plus naturalistes, à une époque qui a appris à en avoir horreur pour son kitsch. C’est toute l’adresse de Melly Still à Glyndebourne, qui dans cette reprise de son spectacle créé en 2009 (et publié alors en CD par le festival), parvient à servir plus classiquement le livret de Kvapil sans académisme ni emphase.
On avait perdu l’habitude de ce bestiaire anthropomorphe (la biche blanche à chaque lever de rideau), de cette magnifique scénographie lacustre de Rae Smith, de ces sirènes-algues à l’appendice interminable, défi à la gravité animé par des danseurs vêtus de noir, et qui dans une quasi obscurité, simulent la fluidité des mouvements aquatiques. La préparation de la potion de la sorcière est aussi un véritable sabbat, avec chaudron et carnage animalier (sur des peluches il va sans dire) après une scène d’ouverture où les dryades, lubriques, se moquent de l’érection de l’Ondin à peine réveillé.
Les éclairages osant une vraie pénombre de fond de lac qu’on ne voit presque plus à l’opéra, les maladresses de l’ondine ayant du mal à enfiler ses escarpins, prise d’angoisse devant un simple seau d’eau, essayant de danser comme les femmes humaines, repoussée de tous côtés, son inadaptation aussi grande à son univers d’origine qu’à celui d’adoption sont en outre aussi fidèles au conte que finement traitées par la metteuse en scène britannique.
La distribution n’est pas aussi évidente, en particulier le rôle-titre constamment dans l’imprécation de Sally Matthews, qui chante en grand soprano dramatique, avec un timbre guère plus aimable que celui de la Ježibaba relativement classique de Patricia Bardon. Plus idiomatique apparaît le Prince d’Evan LeRoy Johnson, puissant, clair, juvénile et capable de nuances très musicales. Belle présence mais souffle parfois court, Alexander Roslavets laisse plus d’empreinte en Ondin que les trois Dryades, anonymes au lever de rideau, plus impliquées au III, ou la Princesse étrangère.
Mais la soirée est portée à bout de bras par le geste dramatique de Robin Ticciati, qui soigne silences, scènes d’ensembles et grands sommets tragiques avec un London Philharmonic en fulgurants contrastes entre cordes brûlantes et ridules diaphanes au clair de lune. Bravo enfin à François Roussillon d’avoir réussi à filmer l’infilmable de scènes aquatiques très peu éclairées, sans perdre en qualité dans la haute définition ni briser l’illusion théâtrale en gros plan !
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| Yannick MILLON
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