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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Concert de rentrée de l'Orchestre de Paris sous la direction de Christoph Eschenbach, avec la participation du pianiste Lang Lang au théâtre Mogador, Paris.
Défigurée mais exemplaire
Dans un programme beaucoup trop long, l'Orchestre de Paris fait une fulgurante rentrée. Après le pianisme incompréhensible et sirupeux du Rachmaninov de Lang Lang, Eschenbach confirme son talent de mahlérien dans une 5e symphonie de très haut vol, dont les qualités sont malheureusement défigurées par l'acoustique de Mogador.
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Quatre jours seulement après une anthologique 8e symphonie de Bruckner avec les Wiener Philharmoniker à Lucerne, on retrouve Christoph Eschenbach à la tête de son Orchestre de Paris, dans l'exiguité et la température de fournaise de Mogador. Pour le chef allemand, la remise sur le métier de la 5e de Mahler s'avère un défi d'autant plus ardu qu'il y avait rencontré un triomphe à Salzbourg en 2004, toujours avec les Viennois.
Mais il faudra prendre son mal en patience pendant une première partie pénible. Lang Lang dans le 2e concerto de Rachmaninov, c'est un peu le choc des cultures. Le traumatisme récent d'un enregistrement abominable avec Valery Gergiev ne risque pas de s'estomper avec cette lecture mièvre au possible, tout en effets et en petits mouvements de main ridicules. Eschenbach n'arrive pas à recadrer les égarements de son jeune partenaire et se perd lui aussi dans un rubato fleur bleue et des ralentis sucrés. Un Rachmaninov tout en « LangLangueurs ».
La tenue exceptionnelle de l'Orchestre de Paris
L'entracte n'est pas de trop pour se concentrer sur Mahler. Dans les grandes lignes, la 5e d'Eschenbach a très peu évolué. L'Orchestre de Paris, qui ne saurait rivaliser avec la palette de couleurs infinie du Philharmonique de Vienne, s'en sort pourtant avec les honneurs et dans une tenue exceptionnelle – des cordes qui se surpassent, des cuivres chauffés à blanc, des bois subtilement éloquents.
La Marche funèbre bénéficie d'une vision noire et implacable, rehaussée par la parfaite maîtrise d'aigu de la trompette de Frédéric Mellardi. À la reprise, la caisse claire, légèrement plus lente que le reste de l'orchestre, donne l'impression d'avancer à reculons vers le tombeau, effet génial et typique d'Eschenbach, qui restitue de même idéalement le caractère tempétueux (stürmisch) du deuxième mouvement. Dans le très long Scherzo, l'orchestre se paie le luxe d'une mise en place supérieure à celle des Viennois et son chef réussit toujours autant les épisodes valsés, avec des deuxièmes temps très en avance et un rubato subtil qui donnent un cachet indéniable à ces passages cruciaux.
Un Adagietto beaucoup moins retenu
Signe d'une excellente adaptation à la formation qui lui fait face, Eschenbach abandonne le tempo presque à l'arrêt de Salzbourg dans l'Adagietto – que les cordes parisiennes auraient du mal à tenir – au profit d'un geste beaucoup plus modéré. Dommage que le rubato, au sein de cette agogique moins distendue, laisse ce soir une impression d'instabilité, accentuée par des pizz de contrebasses imprécis en raison de leur disposition inhabituelle – mais viennoise – tout à l'arrière de l'orchestre.
Mais le directeur de l'Orchestre de Paris est l'un des rares chefs à savoir aujourd'hui tenir le Rondo-Finale d'un bout à l'autre dans une urgence hors du commun, sans tunnel, avec une hyperréactivité à tous les démarrages de fugati. L'orchestre, électrisé, virevolte dans une virtuosité étourdissante. Reste que l'engagement d'une pareille lecture se voit défiguré par l'acoustique impossible du théâtre Mogador, d'où l'on ressort comme sonné.
Mais en faisant abstraction des contingences purement matérielles, on peut sans peine affirmer que la 5e d'Eschenbach reste exemplaire.
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Théâtre Mogador, Paris Le 15/09/2005 Yannick MILLON |
| Concert de rentrée de l'Orchestre de Paris sous la direction de Christoph Eschenbach, avec la participation du pianiste Lang Lang au théâtre Mogador, Paris. | Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano n° 2 en ut mineur, op. 18 (1901)
Lang Lang, piano
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 5 en ut# mineur (1902)
Orchestre de Paris
direction : Christoph Eschenbach | |
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